L’homme, depuis tout temps est doté de désir : désir d’être riche, ou encore d’être immortel, de défier le temps et la nature. Tous les philosophes s’entendent sur le point que les désirs naissent d’un manque au plus profond de son être, et qui tend à être comblé par la satisfaction de ses désirs. Car les désirs sont à l’essence même de l’âme humaine et qu’ils sont la source de la moindre de nos ambitions ; désirer n’est-ce pas être l’esclave de nos appétits ? D’autre part, l’homme désirent-ils réellement pour assouvir ses désirs ou ne veut-il que désirer ? Le désir est-il donc la marque de la misère de l’homme ? Car il ne représente peut-être que le garde-fou de nos peurs, de nos angoisses, un prétexte pour oublier notre condition ? Ainsi, nous allons voir dans un premier temps que les désirs ne sont pas synonymes de la misère humaine pour enfin voir en quoi cela peut-être le cas.
Dans cette première partie, nous allons donc analyser les aspects positifs que peuvent avoir nos désirs.
En effet, les désirs ne sont-ils pas à la source du progrès ? Par ce que l’homme ressent un manque et qu’il tend à le combler, qu’il va se fixer des objectifs qui vont lui permettre de se perfectionner. C’est en désirant la connaissance que les hommes ont élaboré des lois de la physique et c’est en voulant défier la nature qu’ils sont allés sur la Lune. En désirant maîtriser le temps ils ont crées la médecine. Parce que l’homme est dotée de volonté et donc de désir, elle détient le pouvoir de changer les choses et d’arriver à ses fins en se fixant des objectifs.
D’autre part, les désirs ne traduisent pas forcément la misère de l’homme dans le sens où ils permettent de rendre l’homme heureux. Ainsi Rousseau dans la nouvelle Héloïse élabore une thèse qui défend le fait que ce que l’homme désir, ce n’est pas obtenir l’objet désiré mais plutôt l’action de désirer et c’est en cela qu’il éprouve le véritable bonheur. De plus, il prétend qu’un homme sans désir ne serait plus vraiment un homme. Par conséquent, ici, ce ne sont pas les désirs qui ferait que l’homme serait misérable mais l’absence de désir. De la même manière, Pascal dans ses Pensées montre que ce que l’homme recherche c’est « la chasse plutôt que la prise ». C’est donc le mouvement de désirer qui constitue la vraie jouissance.
Mais l’homme n’est-il pas l’esclave de ses désirs ? Effectivement, on pourrait le penser si l’homme n’était pas doté de raison. Dans le cas contraire l’homme ne pourrait les maîtriser et il n’obéirait qu’à ses appétits, conformément à la loi de la nature. Cependant, Platon dans la République nous explique que l’âme est composée de trois fonctions : la fonction désirante, l’impétuosité et la fonction raisonnante. Ainsi, la raison dominerait le désir car elle seule permet de juger de ce qui est profitable. C’est cette faculté de désirer seulement ce qui est bien, d’un point de vu moral qui permet à l’individu d’échapper à l’état misérable qu’il serait sans la raison. Dans son ouvrage Gorgias, Socrate, qui a un discours platonicien, met également en évidence la nécessité de maîtriser ses désirs car seul certains désirs doivent être satisfais car tous ne sont pas bon. Ainsi, celui qui ne renonce pas au désir de satisfaire tous ses désirs est « un insensé constamment tourmenté qui mènera une existence inassouvie et sans frein ». De la même manière, les stoïciens avaient pour philosophie : « ne demande pas que les choses arrivent comme tu le désir mais demande qu’elle arrive comme elles arrivent et tu couleras des jours heureux ». L’image du sage en est l’exemple car il désire le moins possible pour ne pas être la proie de ses désirs. Ainsi, grâce à la raison, l’homme n’est pas esclave de ses désirs.
Nous pouvons donc en conclure que les désirs ne sont pas nécessairement la marque de la misère de l’homme car ils lui permettent de se perfectionner, et d’être heureux. De plus, la raison permet de les contrôler et donc de créer un équilibre qui empêche à l’homme d’être son propre esclave.
Cependant, es est-il toujours ainsi ? Le désir ne constituerait-il pas dans certain cas une marque de la misère de l’homme ?
En effet, nous allons, dans cette seconde partie voir en quoi les désirs peuvent avoir des effets négatifs.
Nous avons vu précédemment qu’il était possible, grâce à la raison de contrôler ses désirs. Seulement est-ce vraiment le cas ? Certes, l’âme est dotée d’une fonction raisonnante seulement peut-elle raisonner tous nos désirs ? Prenons l’exemple du regret, il correspond au désir de réparer une erreur du passé. Mais c’est impossible. Notre raison le sait, cependant nous espérons. D’une autre manière, Aristote dans l’Ethique à Nicomaque, montre que tous les désirs ont pour objet le Bien, le Bonheur. Dans ce cas, si tous les individus sont poussés dans une quête du Bonheur absolue, ne pouvons-nous pas dire qu’ils se trouvent dans une condition misérable car cette quête n’a pas de fin ? Pour quelle puisse avoir une fin, il faudrait en effet que le bonheur absolue puisse exister et être définissable. Seulement le Bonheur n’est qu’un concept indéfinissable. Ainsi, certains désirs ne pouvant être assouvies et cette quête du Bonheur ne pouvant arriver à sa fin, l’homme est d’une certaine manière l’esclave de ses désirs.
Cette situation n’est-elle pas source de souffrances ? Nous avons vu précédemment que Rousseau définissait les désirs comme étant un plaisir. Seulement tous les philosophes ne s’entendent pas sur ce point. En effet, Schopenhauer quant à lui nous montre que le désir correspond à un état de manque, qui ne nous correspond pas « donc il est souffrance tant qu’il n’a pas était satisfait. Or, nul satisfaction n’est de durée, elle n’est que le point de départ d’un nouveau désir ». Ainsi, l’homme est toujours en état de souffrance, sauf quand il est satisfait. Mais il explique que si « la volonté (et donc le désir) venait à manquer d’objet » l’homme tomberait dans un ennui épouvantable. Ainsi, « la vie oscillerait, comme un pendule, de droite à gauche, entre l’ennui et la souffrance ». L’homme est donc par nature, nécessairement, la proie de ses désirs qui sont la marque de sa misère.
Les désirs ne sont-ils pas également un moyen d’oublier ou de surpasser sa finitude ? En effet, Pascal dans ses Pensées, assimile le divertissement à un désir non pas d’arriver à ses fins mais de désirer pour échapper à la pensée de sa mort car elle est épouvantable. L’homme pense donc ses désirs comme quelque chose d’essentiel seulement ce qui l’est réellement, c’est désirer pour échapper à sa condition. Ainsi, Dom Juan en cumulant les conquêtes est l’exemple de cette faiblesse dont l’homme est sujet. Ce qui l’intéresse par-dessus tout ce n’est pas de conquérir mais de séduire. La femme conquise n’a plus d’intérêt car il n’y a plus de désir. Le désir apparaît donc comme une alternative pour échapper à notre misère, notre finitude. Platon illustre également cela dans le banquet dans lequel il met en scène Socrate. Ici, l’auteur s’intéresse plus particulièrement au désir de l’amour. Pour lui, l’objet de l’amour serait « la possession perpétuelle du bien » ou du beau. Mais l’objet de l’amour ce n’est pas le beau en soi mais « la procréation et l’enfantement dans le beau ». Ceux-ci s’effectue tout d’abord dans le monde sensible, au niveau du corps, entre un homme est une femme. Le résultat de leur union est un enfant de chair. Puis la procréation s’effectue dans le monde intelligible entre deux hommes au niveau de l’âme. Cette union permet à l’homme de devenir immortel grâce à, par exemple, des textes de lois, des poèmes ou des œuvres littéraires, car l’homme va ici avoir accès au Beau et au Bien. L’homme qui y aura le plus accès sera donc le philosophe. Ainsi, le désir dans l’amour que ressentent les hommes à travers « la procréation et l’enfantement dans le beau » traduit le besoin de défier la nature. En effet, l’homme a ici conscience de sa condition de mortel et à travers l’union entre deux êtres, il veut se perpétrer dans le temps pour atteindre l’immortalité. Ceux-ci traduit donc une souffrance, celle de sa misérable condition. Ainsi bien que l’homme ait conscience que la nature et lui représente deux forces antagonistes, les désirs représentent un moyen de lutter contre leurs conditions misérables.
Nous pouvons ainsi en conclure que le désir est un moyen pour l’homme de se fixer des objectifs qui lui permettent de justifier sont existence. Bien que pour certains philosophes les désirs représentent une souffrance et pour d’autre un plaisir, tous semblent d’accord sur le point que désirer est préférable à l’ennui. Car ne pas désirer nous ferait penser à notre misérable condition. Il semble donc que les désirs constituent un moyen pour l’homme de pouvoir échapper à sa nature.