Le temps se présente comme un élément inaltérable et insaisissable de notre vie. Il ne se définit qu'à partir du moment présent qui se situe juste après le passé proche qui ne se trouve pas encore dans la mémoire et avant le futur proche de l'anticipation. Le temps se caractérise principalement par son irréversibilité, autrement dit, il s'écoule inéluctablement tandis que la vie humaine évolue jusqu'à ce qu'elle s'achève par la mort. Le temps permet donc de voir la condition humaine puisqu'il détermine les trois éléments qui la constituent, que sont la naissance, la vie et la mort. Il convient donc de s'interroger sur un phénomène de prison exercé par le temps sur l'homme. Le terme de prisonnier introduit par la même la notion d'impuissance et de servitude par rapport au temps. L'homme a-t'il la faculté de maîtriser, voire de s'opposer au temps ? Peut-il se libérer de sa condition de finitude humaine ? L'homme est bien prisonnier du temps, mais il peut se libérer partiellement de son emprise ; cependant, l'homme reste néanmoins astreint à ses règles ce qui le maintient prisonnier de son pouvoir.
L'homme peut-il échapper à sa servitude vis-à-vis du temps ? Différents moyens permettent à l'homme de refuser l'instant présent et son écoulement. Le premier est un refus total du temps. Ce refus s'apparente à un propre refus de sa condition humaine et donc de soi-même, autrement dit se donner la mort, afin d'annihiler au temps de vieillir l'homme. Celui-ci ne lui laisse pas la faculté d'accomplir le dernier élément du cycle de la vie. Le suicide, c'est s'expulser soi-même de la sphère du temps. On peut citer par exemple un homme qui se sent entré dans la vieillesse et qui la refuse. Pour ne pas vouloir entrer dans ce dernier cycle de la vie, il préfère arrêter le temps ou plutôt son temps pour ne plus être prisonnier de celui-ci. L'homme peut donc se jouer du temps en le refusant catégoriquement par le suicide.
Néanmoins, il existe des solutions moins radicales pour ne pas en être prisonnier. L'homme peut en effet refuser le présent en effectuant un retour sur le passé ou bien en anticipant le futur.
L'homme a la possibilité de transcender le temps, autrement dit de l'explorer et de le parcourir sans pour autant suivre l'ordre réglé qui va du passé au futur. Pour transcender le temps, l'homme a à sa disposition trois moyens. Tout d'abord, la conscience de l'homme lui donne la faculté de penser et donc de se souvenir. La mémoire permet donc de se libérer du temps dans la mesure où le sujet pensant oublie le présent pour se rappeler le passé. Le souvenir peut se déclencher soit naturellement, lorsqu'on se rappelle de souvenirs agréables, soit par l'évocation par une autre personne d'évènements. Cette libération n'est que partielle puisqu'elle n'entraîne avec elle que la pensée et non le corps et s'achève irrémédiablement par un retour au présent. Comme exemple d'utilisation de la mémoire, il convient de citer Proust avec la madeleine où la vue de celle-ci entraîne chez l'auteur un souvenir agréable. La deuxième manière de transcender le temps est l'art. En effet, un artiste peut très bien contourner le temps en réalisant une oeuvre d'art qui elle sera intemporelle. L'âme de l'artiste s'incarne dans l'oeuvre qui traversa les siècles et pourra par la même rendre compte bien après la mort de l'artiste de son esprit. Bien qu'il soit mort depuis une centaine d'années, Delacroix témoigne encore de sa volonté de liberté et d'égalité par son tableau de Marianne représentant la liberté. Le troisième procédé serait la religion. En instaurant une relation avec Dieu qui est intemporel, l'homme parvient à s'extirper de la sphère du temps en voulant atteindre quelque chose qui n'est pas soumis aux lois du temps. Toutefois, Kant pensait qu'il était au contraire impossible d'atteindre la métaphysique et Dieu car justement, ils étaient intemporels.
Enfin, même si l'homme ne peut échapper au temps, il peut l'utiliser à son compte en anticipant le futur. En effet, le thème du projet donne les moyens à l'homme de rendre cette prison temporelle comme la faculté d'accomplir ses actes, ses volontés. Le temps permet de donner un sens à sa vie : « se donner le temps pour », « consacrer sa vie à ». Il ne doit pas donc pas être perçu comme une contrainte, une limité, mais une condition nécessaire à l'homme pour se fixer des objectifs à réaliser dans un délai précis. Il apparaît alors comme une suite d'objectifs à atteindre ce qui confère à l'homme sa raison d'être. Sans le temps, nous serions incapables de diriger notre vie. Ainsi, le temps coordonne et règle nos actions sans quoi l'homme serait irresponsable. Utiliser le temps pour ses projets est un moyen de ne pas devenir un prisonnier passif de celui-ci.
En dépit du fait que l'homme est enfermé dans un rythme temporal, plusieurs possibilités s'offrent à lui pour s'en libérer partiellement ou radicalement.
Ainsi, l'homme peut brièvement s'opposer au cours du temps ou l'utiliser. Or, cette libération n'est que partielle. En effet, par son irréversibilité, le temps maintient l'homme dans un système à sens unique qui s'achève par la mort du sujet. En outre, la marque du temps est perceptible dans nos actes et nos pensées.
Pourquoi l'homme reste t-il astreint aux règles du temps ? A cette question, il existe trois réponses possibles.
Tout d'abord, la principale caractéristique du temps est son irréversibilité. Cette caractéristique suscite deux conséquences. En premier lieu, le temps se traduit par l'impossibilité de revenir en arrière, autrement dit l'impossibilité de revenir sur un acte. Chaque acte que nous commettons reste à jamais gravé dans notre vie. On en déduit que le temps impose à l'homme une bonne conduite, notamment morale puisqu'un acte mauvais sera à jamais marqué dans la conscience morale de l'individu. Celle-ci est donc prisonnière du temps. En effet, elle doit tout le temps empêcher l'homme d'accomplir ses mauvais actes. De surcroît, c'est cette impossibilité de retour qui est source de nombreux sentiments liés au temps comme le regret.
En deuxième lieu, l'aspect irréversible du temps se traduit par une fin, une limite. Chez l'homme, on parle de finitude humaine. Après les deux phases naissance et vie, toute vie s'achève forcément par la mort. L'homme est un être temporel qui ne peut échapper à la finitude humaine. C'est selon Pascal ce qui confère à l'homme son caractère misérable. L'homme est misérable puisqu'il est temporel. En outre, la science et la philosophie montrent leur impuissance face à cette finitude. Shakespeare précise que l'homme est le bouffon du temps. Celui-ci le manipule comme il veut d'où le fait que les hommes se soient tournés vers les religion afin de trouver une parade à cette irrémédiable fin grâce à la notion de l'au-delà et de la vie après la mort. Le temps se manifeste donc dans la mesure où il choisit notre fin et nous empêche de revenir sur nos actes.
Ensuite, le temps dirige notre conscience, car il se joue de nos sentiments. Il est en partie responsable de nos réactions. Les sentiments sont très souvent liés au temps. Le regret et le remord ont évidemment comme source la pensée. Le premier a un sens matériel et individuel. Il s'agit de ne pas avoir accompli un acte dans le passé et de se rendre compte ultérieurement de son erreur. Le regret apparaît donc comme une reconnaissance de son erreur. Le deuxième est doté d'un sens plus grave, puisqu'il s'agit d'un mal fait à autrui. Il met en jeu la conscience morale pour avoir commis du tort à autrui. Il peut s'agir de mensonge ou de vol. En tout cas, il s'agit d'un événement du passé et donc irréversible. Ces deux sentiments sont en effet liés au passé et montrent le rôle de celui-ci sur le présent. Ainsi, le temps accable l'homme puisque celui-ci est contraint de connaître et d'assumer son passé. La passion tient également son origine dans le passé sans pour autant que le passionné en ait vraiment conscience. Un détail apprécié dans le passé peut resurgir et rendre l'homme passionné d'un objet ou d'une personne. En outre, d'autres sentiments sont quant à eux tournés vers le futur. Il s'agit en l'occurrence de l'espoir et de l'espérance, ce dernier ayant une signification plus métaphysique et spirituel. Afin de mener une bonne ligne de conduite, il convient de présager le futur. On peut également citer le stress par rapport à un événement proche à venir et qui suscite une crainte et une volonté de maintenir le passé ou le présent.
Enfin, le temps règle la vie sociale de chaque individu par la notion d'horaire. Les horaires fixées forment les règles d'une communauté, d'une société. D'un point de vue journalier, l'homme est d'abord contraint à une nuit de sommeil, l'homme est donc biologiquement prisonnier du temps, il doit se reposer chaque jour. Ensuite, le temps fixe minutieusement chaque événement d'une journée comme le début de la journée de travail ou bien l'heure des repas. L'homme est donc obligé d'obéir au temps social s'il veut intégrer une société en obéissant à ses règles régies par le temps. Pour la vie professionnelle, l'omniprésence le rend presque comme un obstacle. En effet, il est synonyme de délais à tenir, de comptes-rendus à rendre, de tâches à accomplir le plus rapidement possible. Le temps instaure la notion de dépassement comme l'illustre l'adage : « le temps, c'est de l'argent ». D'un point de vue d'une vie, l'homme doit sans cesse par le temps réfléchir à sa vie sociale. L'étudiant regarde le futur alors qu'une personne âgée sera tournée vers le passé.
Le temps apparaît donc comme une prison qui enferme l'homme dans un cycle de vie qui finit par la mort et l'empêche de vivre une vie libre dégagée de toute pensée. Le temps manipule aussi notre conscience que nos relations avec autrui.
Le temps est insaisissable pour l'homme ; il passe en même temps que l'homme évolue dans la vie. Le temps est donc la marque de la finitude humaine. Il tient l'homme prisonnier. Or celui-ci peut néanmoins restreindre ou simplement supprimer son temps. La mémoire, les sentiments, les craintes, les espoirs sont autant de moyens de se jouer du temps qui accorde à l'homme la faculté d'accomplir des projets. Néanmoins, ni la philosophie, ni la science ne peuvent enrayer le caractère irréversible du temps qui s'écoule.