Sylvie Germain, écrivaine contemporaine, prix Goncourt des lycéens pour Magnus (2005), a publié Jours de Colère en 1989, qui reçut le prix Femina. L’histoire se déploie dans le Morvan et présente des figures monstrueuses, aux attitudes extrêmes.
Le texte proposé présente les fils de la famille d’Ephraïm Mauperthuis et de Reinette-la-Grasse, élevés par la dureté du climat, du silence, de la nature et de la colère. Le texte se développe en 3 parties : le premier paragraphe présente les fils comme « hommes des forêts », durs, au chant brutal ; le second paragraphe comme des fils de la colère qui ont grandi dans la nature; enfin le dernier paragraphe fait le lien avec leur famille humaine. Nous nous demanderons en quoi les fils sont présentés comme des créatures quasi inhumaines.
I. Des fils quasi inhumains
Les fils sont rendus dans cette description quasiment inhumains.
a) Ils sont loin des hommes. Il n'y en effet aucune référence précise à l’humanité dans l’extrait. Le cadre de vie est la forêt, les étoiles, la faune (« renards », « chats sauvages », « chevreuils », « sangliers », « bêtes »…).
b) Les enfants sont décrits comme durs, sans cœur. On a en effet le champ lexical de la dureté (« dureté » l. 2, « granit » l.3, « colère » l. 10, ). Ils font corps avec une nature dangereuse, tourmentée (« troué » l.4, « saillant » l.4, « ronces » l.4, « roche » l.6, « heurté comme les saisons » l. 6, « écrasants » l.7, « pétrifiés » l.7).
c) Ces enfants n’ont comme horizon que la forêt, et pour vie que celle du climat changeant, qui ne connaissent que « les bêtes… les étoiles » l. 23. Il y a ici une connotation sauvage (« nourris depuis l’enfance des fruits, des végétaux et des baies sauvages, …, chair des bêtes… » l. 12-13)
II. Des personnages de conte
Les personnages dans cet extrait se rapprochent de ceux d'un conte.
a) Ils vivent en effet dans un hors temps humain, celui des contes, du « il était une fois », celui d’une nature millénaire (« granit… vieux de millions de siècles » l. 3). On suit ici les cycles de la nature, avec l'imparfait de répétition, des tournures répétitives (« des étés… des hivers » l. 7, « passages séculaires » l. 20), et même le chant de la nature (« un chant qui scandait autant leurs joies que leurs colères » l.8-9).
b) Ils s’apparentent à des sylvains, les créatures mythologiques de la nature chez les Grecs (« hommes des forêts », « à leur image », l.1) ; cf. la métaphore « hommes des forêts », « élevés parmi les arbres », « un même chant les habitait » l. 5. On peut également les rapprocher des frères du conte le Petit Poucet avec la dernière phrase du texte (nombreux enfants, pauvres, vivant dans la nature, la petite maison…).
c) Le deuxième paragraphe établit des correspondances entre le sol et le ciel. Il y a un « écho » mais aussi une forme d’élévation vers les cieux, un certain aspect mystique, renforcé par le lieu de pèlerinage (Saint-Jacques-de-Compostelle).
Conclusion
Ce passage permet de mieux connaître les personnages. L'évocation des lieux naturels nous montre combien ils ont façonné ces êtres. Ce qui domine pourtant est la sauvagerie hors norme, qui les rend quasiment inhumains.
Ce texte descriptif appartient aussi au genre merveilleux. Ces neufs frères habitent la forêt. Ils forment un groupe compact au comportement typé, simpliste et similaire. Ils vivent dans un passé indéterminé. Il y a là quelques ingrédients du conte.
On peut faire ici une ouverture sur Le Petit Poucet pour la rudesse des conditions de vie qui marque, ou bien celle de Germinal de Zola pour la rudesse des conditions de la mine.