Les Fausses confidences est une comédie de Marivaux représenté pour la première fois en 1737 à Paris. C'est d'ailleurs l'une des comédies les plus jouées de Marivaux au monde. Cette pièce repose sur une intrigue simple ; un jeune homme ruiné du nom de Dorante veut épouser une riche veuve du nom de Araminthe et pour cela il fait appel à l'aide de son ancien valet Dubois.
Le passage a étudié est tiré de la scène 14 de l'acte I. C'est un scène clé dans la mesure où le valet Dubois se livre à la première fausse confidence. En effet il révèle à Araminthe qu'elle est l'objet de la passion amoureuse de Dorante. Le valet, dans cet extrait, se livre alors dans un récit improvisé et circonstancié de ces amours cachés, dans le but d'émouvoir la jeune veuve et de susciter son intérêt.
Problématique
Dans cette étude, on se demandera comment s'exprime le talent et la virtuosité du valet.
Plan
Le texte peut être divisé en trois parties:
- le premier mouvement va de la première réplique jusqu'à la réplique d'Araminthe « de quoi s'avise-t-il ? » ; il correspond à la présentation de Dubois de la folie de Dorante
- le deuxième mouvement s'étend jusqu'à la réplique d'Araminthe « Cela est fâcheux ; mais ou m'a-t-il vue, avant de venir chez moi, Dubois ? » ; il correspond à la mise en place la ruse de Dubois consistant à susciter la jalousie d'Araminthe
- et enfin le troisième mouvement du texte est le récit de la folie amoureuse de Dorante, et la première des fausses confidences
I. la présentation par Dubois de la folie de Dorante
Tout d'abord le valet éteint à la jeune veuve de la folie de Dorante et de l'objet de sa folie amoureuse. En effet il insiste fortement sur le paroxysme de cette folie. Il utilise le champ lexical de la folie ; tout d'abord il dit « c'est à la tête », puis « il est timbré ». Il utilise d'ailleurs de nombreuses hyperboles « il extravague d'amour », « il est fou », « il est timbré comme cent ». Il s'agit aussi pour lui de donner le plus intensité et d'idéalisme à la naissance de cette folie en donnant des indicateurs temporels comme le montre le complément circonstanciel de temps « il y a six mois ».
À l'évidence la veuve Araminthe exprime son étonnement et réclame une preuve de la folie « quelle preuve as-tu de sa folie ? », demande-t-elle au valet Dubois. Et surtout elle ne veut pas de ce valet peu sérieux. C'est alors que progressivement le valet dévoile la folie en utilisant un oxymore pour vraiment aiguiser la curiosité de la jeune veuve, il dit : « sa folie est de bon goût ». Mais la jeune veuve persiste quand même à le renvoyer. C'est alors le coup de grâce quand Dubois lui dévoile que l'objet de sa folie: elle-même. Pour cela il utilise une tournure emphatique « C'est vous madame ».
II. La ruse de Dubois pour susciter la jalousie d'Araminthe
Dans un deuxième temps le valet Dubois cherche à susciter la jalousie d'Araminthe. Tout d'abord il dresse un portrait particulièrement élogieux de son ancien maitre puisque il insiste sur sa beauté physique « il est bien fait, d'une figure passable », il insiste aussi sur sa bonne éducation « bien élevé et de bonne famille ». Or la conjonction « mais » introduit un contraste puisque le personnage a une situation matérielle précaire. Il le dit à l'aide de cette conjonction et de la tournure négative « mais il n'est pas riche ».
C'est alors qu'il tourne ça à son avantage. En effet, toujours pour éveiller la jalousie d'Araminthe, le valet explique qu'il est courtisé par des femmes. Et une en particulier. Pour cela il donne des détails, il parle d'une grande brune très piquante. Pour émouvoir la veuve; il rapporte des paroles de Dorante au discours direct « Je les tromperais, me disait-il ; je ne puis les aimer, mon cœur est parti. Ce qu'il disait parfois la larme à l' œil ». D'ailleurs l' œil le détail « la larme à l'œil » introduit presque le registre pathétique.
III. La première fausse confidence
Dans un troisième temps Dubois expose la première fausse confidence en usant de cette arme, à savoir celle de la ruse de la stratégie voir de la malice et du mensonge. Donc pour cela il présente d'abord le cadre spatio-temporelle de la première rencontre « ce fut un jour vous sortîtes de l'Opéra » par le complément circonstanciel de temps « vendredi ». Il cherche vraiment à donner le plus de détails possibles pour, à la fois obtenir l'adhésion de la veuve, mais aussi susciter un intérêt grandissant. Il insiste aussi sur l'état de son personnage, sur une fois de plus sa folie, à l'aide d'hyperbole « il ne remuait plus », « il n'y avait plus personne au logis ». On voit que c'est un récit très vivant, très dynamique, dans lequel le valet manie l'art du suspens, l'art du récit, où il utilise aussi carrément des mensonges qui donnent un caractère particulièrement romancé voire théâtralisé à ce récit de la folie de Dorante.
Par exemple il n'hésite pas lui-même à se créer un personnage en insistant, en mentant: « je me fis même un amis de vos gens qui n'y ai plus ». Puis la valet se met aussi en avant, c'est un personnage très théâtrale, en faisant part de son sens du sacrifice. Par exemple il a dû endurer le froid « lui dans un fiacre, moi derrière, tout deux morfondus et gelés ». Le plan du valet fonctionne à merveille puisque la jeune veuve exprime son étonnement, soit à l'aide d'exclamatives, soit d'interrogations. On peut par exemple relever « Quelle aventure ! », « Tu m'étonnes à un point !... », ou encore la question « Est-il possible ? ».
Conclusion
Ainsi par ses fausses confidences, le valet Dubois cherche précisément à attirer la vraie confidence d'Araminthe. Il veut y parvenir grâce à la ruse, grâce à l'art de la manipulation et grâce à son habilité. La jeune veuve peine de plus en plus à masquer son trouble, mais du fait de ses réticences, de son amour-propre affichés tout au long des trois actes, elle masque encore ses sentiments face à Dubois. Celui-ci cherchera donc toute la pièce à lui arracher l'aveu final.
Aussi on pourrait se poser des questions sur les réelles motivations du valet qu'est Dubois. Quels sont les mobiles qui le pousse à agir de cette façon: est-ce de vraiment essayer de provoquer l'amour de la jeune veuve, est-ce que c'est vraiment par amitié, par fidélité à son ancien maître, ou a t-il d'autres objectifs en tête ?