Au XVIe siècle le classicisme fait son entrée dans le monde, cette tendance artistique se distingue par le sens des proportions, le goût de l'équilibre et de la composition stable. Molière s'inscrit dans ce mouvement littéraire pour L’Avare. Mais Molière y utilise également comme genre la comédie dans l’Avare ainsi que dans nombre de ces textes ce qui révolutionnera l’écriture. Les principaux procédés utilisés dans l’œuvre sont ainsi les comiques de mots et de gestes.
L’Acte I scène III se déroule au début de la pièce après qu’Harpagon soupçonne très fortement le valet de Cléante, La Flèche, d’avoir tenté de lui voler ces 10 000 écus d’or enterré au fond du jardin. On vient ainsi à se demander en quoi l’avarice d’Harpagon joue un rôle moteur dans la scène. Dans un premier temps on verra comment le vol et les soupçons d’Harpagon sur La Flèche sont perçus, puis dans un second temps on développera le thème d’avarice dénoncé par La Flèche, et pour finir on se penchera sur la montée de la tension entre Harpagon et le valet de Cléante.
I. L'obsession du vol
Le vol est une angoisse obsessionnelle pour Harpagon. Se faire dépouiller serait un cauchemar à jamais. Le vol est un mot central dans cette comédie, on le retrouve beaucoup entre les lignes 1 à 5, ainsi que le champ lexical de la (dé)possession dans la scène : “j’aurais de joie à le voler !” l.1, “tu parles de voler ?” l.4, "vous fouillez bien partout” l.5, “Ce que tu m’as pris” l.41, “je ne vous ai rien pris” l.42. Ce champ lexical nous ramène au caractère d’Harpagon et à sa peur de se faire dérober par La Flèche.
La Flèche quant à lui nous montre l.1 qu’il "aurait joie à le voler !”. En définitive on comprend qu’il n’a rien volé mais que le faire n’aurait pas été de tout refus. Avec le “Quoi ?” l.3, on comprend qu’il joue l’innocent en répondant à Harpagon comme s'il ne savait pas de quoi il parlait. La Flèche lance ainsi Harpagon sur le thème du vol, sans en être un auteur, ce qui permet à Molière d'insister sur celui-ci, pour que le lecteur comprenne tout le caractère obsessionnel d’Harpagon.
Derrière cette peur d'Harpagon de se faire dépouiller, et sa méfiance maladive d’autrui, se cache son avarice.
II. L'avarice d'Harpagon, cause de tension
On remarque deux répétitions entre les lignes 9 à 18, qui marquent la tension entre les deux personnages.
La première est “d’avarice et d’avaricieux" qu’on retrouve l.9, l.12, l.13, l.15, l.16. Ce terme, énoncé dans un premier temps par La Flèche et repris ensuite par Harpagon, est insinué tout en subtilité, mais reste une insulte envers Harpagon car au fond de lui il sait très bien qu'Harpagon est avare. Ainsi, lorsqu’il dit “que la peste soit de l’avarice, et des avaricieux”, on comprend par la biais de la comparaison entre “la peste” et les “avaricieux” qu'il s'agit d'une insulte envers Harpagon. Ce dernier la comprend tout autant mais ne peut pas répondre à La Flèche car il se dénoncerait en admettant qu’il est lui-même un avaricieux, ce que La Flèche essaye de lui faire dire. Harpagon est ainsi conscient de son avarice mais ne l’admet pas.
La seconde répétition est avec le verbe “dire” qu’on retrouve 4 fois entre les lignes 10 à 13, et qui met en avant l'impossibilité pour les personnages de dire clairement ce qu'ils pensent ou ce qui est. De cet indicible en ressort une tension entre les deux partis, un qui essaye de faire comprendre à Harpagon qu’il parle de lui et un autre qui fait mine de ne pas comprendre. Les phrases ici se raccourcissent, amenant à un échange assez rapide. Ce dialogue haché nous fait nous focaliser sur l’échange de la scène en nous rapprochant le plus possible des personnages, et de la tension qui s'installe.
De cette tension ne peut rien découler de bon, et d'un dialogue de sourd, l'échange de transforme dès lors en opposition frontale.
III. Un dialogue qui ne peut pas bien finir
L’échange entre Harpagon et la Flèche ne fait que de se tendre, entre un Harpagon qui ne reconnaît pas ses tords, et la Flèche qui se montre insolent.
Harpagon prend mal les insinuations de la Flèche, bien que celui-ci s'en défende l.21 “Est ce que vous croyez que je veux parler de vous ?”, d'où l'insistance d'Harpagon “je veux que tu me dises à qui tu parles quand tu dis cela ?” l.22. La Flèche essaie de se défendre, se cherchant une excuse, mais montre par son bégaiement, marqué par les trois points de suspension ligne 24, qu'il parlait bien d'Harpagon. Harpagon comprend que La Flèche ment en se moquant de sa réponse “Et moi, je pourrais bien parler à ta barette” l.25.
Harpagon utilise dès lors un langage de domination envers La Flèche pour le faire taire. De la ligne 27 jusqu'à la fin on retrouve un champ lexical de la violence verbale “Tais-toi.” l.28, “je te rosserai” l.30, “Te tairas-tu ?” l.32, “Va t'en à tous les diables.” l.45, “et je ne me plais point à voir ce chien de boiteux-là.” l.47. Harpagon se déchaîne sur La Flèche car celui-ci l'a démasqué sur son avarice extrême et Harpagon n'a pas d'autre choix que d'utiliser son rang de maître pour faire taire le valet qu'est la Flèche. La Flèche, lui, comprenant très bien la situation se joue d’Harpagon en l’irritant davantage “je me nomme personne” l.29 ou bien encore lorsque Harpagon lui demande de se taire à plusieurs reprises celui-ci n'a de cesse de lui répondre “Qui se sent morveux, qu’il se mouche” l.31, “Oui, malgré moi” l.33. Tout ceci nous renvoie au genre principal de l'œuvre, le comique, ici le comique de mots est très bien exploité en nous montrant les limites des personnages.
Conclusion
Pour conclure on peut dire qu’Harpagon est sans aucun doute d’une avarice extrême et a une peur incontestée de se faire dérober, allant jusqu'à fouiller physiquement la Flèche. La Flèche ici par son insolence et son répondant met en lumière cette avarice et l'incapacité qu'à Harpagon à le reconnaître. La force de l'extrait est également de faire rire de ce personnage qui ne sait pas se faire respecter par le personnage du valet. Mais sans doute celui-ci n'en est même pas conscient, tout aveuglé qu'il est par son avarice.
Ainsi on peut venir à se demander comment Harpagon, personnage plein de vices, réagirait s'il se faisait dépouiller 10 000 écus d’or enterrés au fond de son jardin ou s'il découvrirait que son fils est amoureux de la femme qu’il aime.