Introduction
Egisthe est régent car il a éliminé son prédécesseur. Il parle dans cette scène au Président de la cour de justice et au mendiant, qui, conformément aux croyances grecques, peut être un Dieu. Egisthe nuance donc ses propos.
Un rapport difficile entre dieux et humanité
L'auteur respecte les croyances du peuple grec, puisque celui-ci est polythéiste. Or Giraudoux écrit toujours "dieux" au pluriel. Il ne distingue pas les dieux les uns des autres, il parle d'eux en général, c'est à dire dans leur totalité.
a) Des dieux imprévisibles
Les dieux semblent être des personnages qui sont entre le meilleur et le pire :"gravitation". Ils sont le lien entre ce qui est logique et ce qui ne l'est pas. La religion comble les vides inexplicables.
Les dieux se moquent de la cohérence de leurs punitions. Ces actes, cette "justice extra-humaine" n’est pas pour lui une intervention divine, mais la réalisation d’un destin dont chacun a hérité au hasard.
Les dieux sont absurdes, injustes : Egisthe utilise des métaphores pour évoquer l'action des dieux : la guerre (qui est déclenchée par les humains), la peste (dont on ne peut pas grand chose), et la punition de la mère qui s'acharne sur un seul de ses sept enfants (qui est une attitude totalement volontaire). Tout ce qui relève du hasard, ou d'une chose mauvaise, est mis automatiquement sur le compte de la "justice extra-humaine". Elle semble justifier n'importe quel comportement. Les antithèses entre ce qui est juste ou non soulignent encore plus cette absurdité.
b) Des dieux haïs
Dans l’antiquité, on pensait que les dieux punissaient les hommes pour leurs mauvaises actions. Pour Egisthe, les dieux sont méprisants à l'égard des Hommes; on a ici le champ lexical de l'inconscience.
Tout ce qui concerne le domaine sacré est péjoratif, Egisthe ne respecte pas les dieux : "boxeurs, fesseurs".
Ces expressions désignent des preuves de force vulgaire. De plus, "dormeurs" désignent des personnes qui semblent inutiles et n'ont aucune raison d'être.
Ils sont donc un peu extravagants, comme le montre la dernière phrase : "réactions de dormeurs, ronflement ou tonnerre." Le tonnerre fait référence à la foudre, qui était l’attribut du Dieu des dieux, Zeus. Comparée à un ronflement, elle est tournée en dérision.
Les "diamants", terme apparemment flatteur, sont qualifiés d'"atones et sourds", ce qui détruit toute la valeur méliorative de la métaphore.
Le mendiant applaudi. Cela peut signifier qu’il se reconnaît dans la définition que vient de faire Egisthe, et donc qu’il est effectivement un Dieu.
II. Le rôle du chef d'Etat
a) il faut éviter au mieux les dieux
"je crois que je crois aux dieux" : Il y a deux sens au verbe croire. Premièrement, il avoue qu'il n'y croit pas puisqu'il pense avoir approximativement la foi. Il provoque le mendiant, si c'est un dieu. Le deuxième sens renvoie au langage diplomatique, c'est à dire à la mise extrême de nuances dans les paroles. Giraudoux se moque donc ici de ces expressions feutrées à outrance pour éviter de choquer et pleines d'ambiguïtés.
Pour Egisthe aussi, l'humanité est une "moisissure suprême". Par cet oxymore, Egisthe méprise les relations entre les dieux et les Hommes. Il montre que les dieux oublient les Hommes, ce qui permet également à Egisthe d’oublier ce qu’il a fait (le meurtre d'Agamemnon).
Le rôle d'un chef d'Etat est d'éviter que les dieux interviennent. "férocement": il empêche que les hommes fassent des actions qui puissent déranger les dieux. Donc il justifie sa dictature et le règne de l'ordre par la force. Il devient plus dur qu'eux, il exerce une forte répression sur ses sujets.
b) mais il est parfois difficile de faire autrement
"la seule question que doit se poser un chef d'état est de savoir s'il croit aux dieux"
Les dieux sont la seule puissance au-dessus du chef d'Etat qu'incarne Egisthe. Il doit leur rendre des comptes.
L'humanité subit des chocs que le chef d'Etat ne peut enrayer: "le volet qui frappe la femme de l’innocent". Il considère ceci comme des accidents. D'ailleurs, la racine latine de ce mot veut dire "par hasard". Il trouve une explication à ce hasard qui arrive aux hommes : les dieux.
Conclusion
Dans les épopées et les tragédies grecques, les actions humaines sont toujours poussées par les dieux. L'intervention divine justifie tout, ainsi que la fatalité : c'est le style épique. Giraudoux refuse ces deux choses : la fatalité ne va pas conduire l’œuvre, ce sont les actions humaines.
L'auteur cherche à "gifler" les français à propos de l'arrivée nazie. Il critique le chef d'Etat d'alors, qui assure la paix, plutôt que de prendre en main son destin, et par exemple armer la France, ce que le gouvernement ne fera que trop tard.