Balzac, Le Père Goriot: L'enterrement du père Goriot (2)

Analyse linéaire du texte, retravaillée avec le professeur. Note obtenue au bac à l'oral de français: 16/20.

Dernière mise à jour : 30/10/2021 • Proposé par: annaaaa_83 (élève)

Texte étudié

Cependant, au moment où le corps fut placé dans le corbillard, deux voitures armoriées, mais vides, celle du comte de Restaud et celle du baron de Nucingen, se présentèrent et suivirent le convoi jusqu’au Père-Lachaise. A six heures, le corps du père Goriot fut descendu dans sa fosse, autour de laquelle étaient les gens de ses filles, qui disparurent avec le clergé aussitôt que fut dite la courte prière due au bonhomme pour l’argent de l’étudiant. Quand les deux fossoyeurs eurent jeté quelques pelletées de terre sur la bière pour la cacher, ils se relevèrent, et l’un d’eux, s’adressant à Rastignac, lui demanda leur pourboire. Eugène fouilla dans sa poche et n’y trouva rien, il fut forcé d’emprunter vingt sous à Christophe. Ce fait, si léger en lui-même, détermina chez Rastignac un accès d’horrible tristesse. Le jour tombait, un humide crépuscule agaçait les nerfs, il regarda la tombe et y ensevelit sa dernière larme de jeune homme, cette larme arrachée par les saintes émotions d’un cœur pur, une de ces larmes qui, de la terre où elles tombent, rejaillissent jusque dans les cieux. Il se croisa les bras, contempla les nuages, et, le voyant ainsi, Christophe le quitta.

Rastignac, resté seul, fit quelques pas vers le haut du cimetière et vit Paris tortueusement couché le long des deux rives de la Seine où commençaient à briller les lumières. Ses yeux s’attachèrent presque avidement entre la colonne de la place Vendôme et le dôme des Invalides, là où vivait ce beau monde dans lequel il avait voulu pénétrer. Il lança sur cette ruche bourdonnante un regard qui semblait par avance en pomper le miel, et dit ces mots grandioses :

— À nous deux maintenant !

Et pour premier acte du défi qu’il portait à la Société, Rastignac alla dîner chez madame de Nucingen.

Balzac, Le Père Goriot

I. Présentation du texte

Considéré comme le premier roman réaliste : Honoré de Balzac (1799-1850) livre dans le Père Goriot publié en 1835 une analyse de la société de la restauration. Le roman d’apprentissage, le lecteur y suit les pas d’un jeune noble désargenté : Eugène de Rastignac qui rêve de réussir à Paris ; il s’aide des femmes comme le fait Bel-Ami, il abandonne peu à peu ses scrupules moraux pour réaliser ses ambitions sociales. Après une lente agonie le Père Goriot, vieillard escroqué par ses propres filles : Anastasie et Delphine, qu’il aime pourtant tendrement, est enterré dans des conditions misérables. Ce sont ses étudiants : Rastignac et Bianchon qui s’occupent des formalités et qui assument les frais de ces obsèques puisque Rastignac venu demander l’argent nécessaire n’est reçu ni chez les Nucingen ni chez les Restaud. Après un sacre religieux minuté à la hauteur des 70 francs verser par l’étudiant, le convoi funèbre arrive au cimetière parisien du Père Lachaise. Ici, il s’agit de l’explication du Roman où Rastignac seul avec Christophe, le domestique de la miteuse pension Vauquer accompagne la mise en terre du défunt délaissé.

Problématique

Quelle figure de l’ambitieux Rastignac incarne-t-il dans ce texte ?

Découpage

L’extrait se compose de 2 mouvements
1) L 1 à 11 : il relate la descente du Père Goriot dans la fosse, qui est la phase de clôture tournée vers la terre : c’est la fin de l’apprentissage d’Eugène.

2) L 12 à 17 : montre qu’Eugène de Rastignac s’éloigne de la tombe, se tournant vers Paris qu’il domine du regard, à qui il lance un défi, motivé par sa rage de réussir dans la société de Restauration. C’est la phase d’ouverture tournée vers le ciel vers Paris et annonçant paradoxalement parce que nous sommes dans l’explicit : un mouvement de départ.

II. Analyse linéraire

Phrase 1

Le premier mouvement de l’extrait s’ouvre sur le convoi funèbre qui accompagne le Père Goriot, on retrouve le champ lexical réaliste des obsèques « corps, corbillard, convoi », le toponyme « le cimetière du Père Lachaise », qui encre le récit dans le réel, on remarque également deux titres aristocratique « Comte de Restaud et celle du Baron de Nucingen », mis sur un plan d’équité par la préposition « et » (rappelant le Rouge et le Noir), qui dénonce leur même hypocrisie : alors qu’ils enterrent leur beau-père, ils font juste acte de présence, en ap

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