Introduction
Situation : il s’agit du procès intenté par Marceline pour se faire épouser de Figaro, elle prétend donc que Figaro lui ait promis le mariage en échange de l’argent qu’elle lui a prêté. Le Comte espère que, grâce à Marceline, le mariage de Marceline ait lieu, pas celui de Suzanne. C’est une étape importante au cours de l’intrigue. Le public se demande l’issue du procès. Beaumarchais règle les comptes qu’il a eus avec la justice et il est agressif envers les hommes de loi avec une forme de vengeance. Beaumarchais, a en effet perdu un procès.
Les enjeux sont : Figaro pourra-t-il épouser Suzanne ? Va-t-il gagner le procès ? Devra-t-il épouser Marceline ?
La bataille entre les 2 parties est violente. Dans cet extrait, tout va porter sur un problème de langage. Il va y avoir un jeu sur l’écrit et l’oral.
I. Les problèmes du langage
1) Ce dont on parle
Il s’agit essentiellement de l’acte écrit. C’est à partir de cela que va se déclencher la querelle. Le comte intervient 3 fois dans l’extrait de façon interrogative en désirant des précisions sur ce qui est écrit :
l.18 : « avant d’aller plus loin, avocat, convient-on de la validité du titre ? »
l.27 : « y a-t-il ET dans l’acte ; ou bien OU ? »
l.47 : « Comment juger pareille question ? »
Plusieurs éléments dans le texte font référence à l’interprétation du texte.
La didascalie « lit ».
2) Le message lui-même
Jusqu’à la ligne 50, la discussion porte sur le OU et le ET. La phrase incriminée est reprise plusieurs fois.
D’abord, par Bartholo, l.10-12 : « et je l’épouserais »
Puis, par Figaro, l.24 : « Ou je l’épouserais »
Enfin, Double-Main hésité : l.35 : « ET, OU, ET, OU »
Puis, on a une interprétation, celle de Bartholo puis celle de Figaro : l.38 et 42
La distinction est plus sensible avec l’accent sur le OU (l.50-67). Le public ne peut se rendre compte de cette subtilité.
l.74 : c’est le problème de la virgule.
La querelle se déclenche à nouveau à propos de choses de plus en plus subtiles auxquelles on ne peut pas trancher.
A travers ce passage, Beaumarchais montre le caractère équivoque d’un écrit. Il se pose le problème de l’interprétation et cela est très ennuyeux en justice.
3) Le langage comme moyen de pression
On va voir comment chaque personnage, à l’aide du langage, essaye de convaincre ce qui est le but dans un procès. On a l’usage des impératifs.
l.1 : « avancez, lisez »
Les silences de l’huissier servent au déroulement du procès.
D’autre part, on a toutes les phrases déclaratives marquant une conviction.
l.24 : « il n’est pas dit »
l.38 : « je soutiens »
Dans la plupart des répliques, Figaro prend systématiquement le contre-pied de Bartholo.
l.25 : « il n’est pas dit dans l’écrit : laquelle somme je lui rendrai ET je l’épouserai ; mais laquelle somme je lui rendrai OU le l’épouserai »
Bartholo dit ligne 38 que c’est la conjonction ET et Figaro la conjonction OU.
l.70-72 : c’est l’histoire de virgule : c’est virgule, sans virgule. Figaro reprend les mêmes termes que Beaumarchais avec des tournures très proches détruisant mieux les affirmations de Bartholo. Cela produit un effet comique.
4) Importance du débat linguistique
Tout l’avenir de Figaro se joue dans ce procès et dépend des termes du contrat et cela se joue sur quelques mots. Il y a disproportion entre la cause et les faits. Si la conjonction « ET » est effectivement écrite, Figaro doit impérativement se marier à Marceline. Au 18e siècle, une promesse de mariage était très solennel et devait être exécuté sous peine d’être poursuivis dans les tribunaux.
II. Le comique de la scène
1) Les noms
Il y a un comique sur les noms. Double-Main fait référence à la vénalité, cupidité : p.195 : « il mange à 2 râteliers »
Brid’Oison est emprunté à un personnage de Rabelais : Bridoye. Rabelais l’avait utilisé de façon satyrique pour désigner un imbécile. Il s’appelle Don Goezman. Ce dernier était le conseiller de Beaumarchais ayant fait le rapport contre lui. Cela évoque son ennemi, on a un caractère caricaturale.
2) Les comportements et l’expression
On a le bégaiement du juge et cela produit un effet comique (l.4-20-30).
D’autre part, on voit la sottise du personnage. La seule chose qu’il semble savoir, c’est le pâté (l.37).
Un autre élément comique, c’est l’huissier qui répète et cela très fort.
l.6-83 : « silence »
La didascalie et la répétition nous le montre comme un perroquet. A la fin de la scène, on a la didascalie « vite » produisant encore un effet comique. L’accélération s’oppose au caractère pompeux et solennel de l’appareil judiciaire.
3) Les éléments satiriques
a) Langage pompeux des avocats
A travers le langage de Bartholo, on s’en rend compte par des termes pédants :
l.39-40 : « la conjonction copulative ET qui lie les membres corrélatifs de la phrase »
De même, les tournures sont excessives.
l.15 : « jamais cause plus intéressante ne fut soumise au jugement de la cour »
A travers sa plaidoirie, Beaumarchais se moque des avocats. Les exemples cités n’ont rien à voir avec la situation présente.
l.16 : « depuis Alexandre le Grand, qui promit mariage à la belle Thalestris ».
Ils sont prétentieux et ridicules et cela dénote le caractère archaïque de la justice. Les didascalies soulignent les critiques de Beaumarchais.
l.14 : « ils plaident »
l.38-42 : « plaidant ». Il souligne que c’est le langage des avocats qui est ridicule.
l.45 : la moquerie de Figaro « qu’il s’avise de parler latin, j’y suis grec ».
b) Les juges et la justice
On a vu qu’il était stupide. On a le caractère pointilleux de la justice. On discute très longuement sur un tout petit mot entraînant une discussion interminable.
l.37 : « un pâté ». Les actes de justice étaient, à l’époque, très souvent raturés par les plaideurs.
c) La médecine et la censure
l.61-62 : « ou la maladie vous tuera ou ce sera le médecin »
Dans le 2ème exemple, il s’attaque à la censure.
l.63-66 : « où vous n’écrirez rien qui plaise ou les sots vous dénigreront »
Les mémoires de Beaumarchais sur Goezman ont été censurées.
Conclusion
Cette scène du procès fait référence à la situation personnelle de Beaumarchais, au procès, dans lequel il a été ruiné sur le rapport du conseiller Goezman. La critique passe constamment par l’utilisation de procédés comiques : la comédie était un genre très prisé au 18e siècle et il a, ici, une valeur pédagogique permettant de mieux faire passer la critique.