Contemporain d’Honoré de Balzac, Stendhal (1783-1842) appartient à la première génération d'écrivains réalistes, mais il fut aussi influencé par le romantisme. Son roman le plus connu, Le Rouge et le Noir, fut publié en 1830, en pleine bataille romantique. Dans l'ouverture de cette œuvre, l'auteur nous présente un tableau réaliste d'une petite ville de province, dans le Jura, en mettant l'accent sur sa prospérité et l'influence du premier notable de la ville, un des personnages secondaires du roman. Nous tenterons de dégager ce qui fait le charme et l'originalité de cette situation initiale.
Le début de ce premier chapitre offre donc une image pittoresque et industrieuse de la ville, dans les trois premiers paragraphes, puis un portrait peu flatteur de son maire.
I. Le tableau d'une ville pittoresque et prospère
Le premier paragraphe présente une vue d'ensemble de la ville, avec un vocabulaire mélioratif, « l'une des plus jolies ». Les contrastes de couleurs, blanc, rouge pour les « maisons », et vert pour les « touffes » donnent un charme à cette bourgade montagnarde construite à flanc de colline. Le nom de la ville est fictif, mais l'auteur l'inscrit dans un cadre réel connu, comme le montre l'utilisation des noms propres. Il fait également référence au passé de la ville en s'appuyant sur l'histoire : la Franche-Comté a été longtemps une province espagnole. La description est au présent et engage ainsi le lecteur à découvrir le site comme s'il l'avait sous les yeux.
Tout en décrivant la topographie et la rugosité du climat, à l'aide de personnifications (« les cimes se couvrent », « un torrent se précipite »), le second paragraphe s'intéresse à l'aspect économique. Les activités sont nombreuses et variées, le travail du bois, séculaire, le textile imprimé. L'auteur met l'accent sur la prospérité de la ville, avec un lexique mélioratif : « « bien-être », « aisance générale », « enrichi », « a fait rebâtir toutes les maisons ». Si la ville est habitée par des hommes « plus paysans que bourgeois », elle s'embourgeoise néanmoins. L'auteur situe également la scène dans une époque postérieure à « la chute de Napoléon », donc après 1815.
Le regard s'est déplacé au début du troisième paragraphe. On suit l'itinéraire d'un personnage indéfini, avec l'utilisation du pronom « on » et l'évocation de ce « voyageur », qui peut être l'auteur, un visi