Introduction
En 1830, Henri Beyle dit Stendhal, fait paraître « Le Rouge et le Noir ». Ce roman deviendra très célèbre au XX° siècle, si l’on songe à toutes les adaptations cinématographiques dont il été l’objet, et en particulier à celle du metteur en scène Claude Autant Lara, avec Gérard Philippe et Danièle Darrieux. Comme l’indique le sous-titre « Chronique de 1830 », l’auteur a inscrit la vie de Julien Sorel dans l’histoire de la Restauration et de la société de l’époque, dont il a fait une critique assez vive. Il y a représenté surtout les bourgeois anoblis, le bas et le haut clergé, l’aristocratie mondaine, exception faite des paysans et ouvriers. Et cependant le protagoniste est bien issu de leurs rangs. Il incarne précisément, pourrait-on dire, si l’on ne craignait pas l’anachronisme, la lutte des classes, dans cette société postérieure à la chute de Napoléon, gouvernée par les Bourbons et par l’Église, c’est-à-dire l’alliance du Trône et de l’Autel. Le temps est alors bien révolu des aventures héroïques de la Révolution et de l’Empire, lorsqu’on pouvait devenir par son courage et son seul mérite, général à 24 ans ! Le plébéien Sorel, fils d’un charpentier de Verrières, est rejeté et blessé par son milieu d’origine, des frères brutaux et un père cupide. Comme c’est le cas pour de nombreux jeunes gens de sa génération, son modèle est Napoléon. Vendu par son père, il a été engagé comme précepteur des enfants du maire, M. de Rênal, sur la recommandation du vieil abbé Chélan, curé de Verrières. Le roi arrive dans cette localité, et le curé emmène avec lui son protégé à l’église de Verrières, puis à l’abbaye de Bray le Haut, où le jeune évêque d’Agde doit accueillir le roi et lui présenter les reliques de Saint-Clément. Mais au moment de l’arrivée du souverain, on ne trouve pas le prélat. L’abbé Chélan, doyen du chapitre en raison de son âge, accompagné de Julien, part à sa recherche.
La scène proposée constitue assurément l’une des étapes de la formation du héros. Il part seul à travers l’antique abbaye de Bray le Haut, à la recherche du dignitaire ecclésiastique. Nous sommes en quelque sorte dans l’âme de Julien, et nous découvrons progressivement, à travers son regard, les lieux, et enfin, un personnage, dont il reconnaîtra l’identité, après beaucoup d’étonnements et d’interrogations.
Nous analyserons donc en premier lieu la leçon donnée à Julien et la critique sociale contenue implicitement dans ce monde nouveau, encore inconnu pour