Stendhal, de son vrai nom Henri Beyle, écrit Le Rouge et le Noir en 1830. La particularité de ce roman est que Stendhal le situe exactement à la période où il l’écrit. Il s’agit donc d’un renouvellement du roman historique puisqu’il se fond dans la période contemporaine. La Restauration vit ses derniers jours. Stendhal l’a si bien pressenti, qu’il se précipite à Paris dès que la révolution souffle sur la ville pour abattre les derniers Bourbon, et que son éditeur se voit contrer de publier l’œuvre sans les titres des derniers chapitres.
Cependant, l’histoire passe à côté du jeune Sorel, sans que le lecteur n’en perçoive autre chose que ce que le jeune homme est susceptible d’entrevoir. Cette technique descriptive relève d’une toute nouvelle forme de réalisme. Le jeune héros est d’ailleurs issu du peuple. Mais il est cultivé et sa famille le rejette. Il devient précepteur chez le Maire, M. de Rênal. Il se pense hypocrite et stratège, mais c’est un sensible, un passionné. Marqué par le romantisme, il rêve à la gloire napoléonienne qu’il n’a pas connue et qu’il idéalise. Désespéré de ne pas pouvoir porter l’habit du soldat, il se projette dans celui de l’ecclésiastique, plus apte à le conduire à la réussite. Il fait la connaissance de Madame de Rênal, mais il ne reconnaît pas la nature des sentiments qu’il éprouve pour elle. Cette dernière connaît enfin le bonheur depuis qu’elle a rencontré Julien et l’aime d’un amour total et désintéressé.
L’extrait se situe au chapitre XVIII du Livre I. Comme le roi vient à Verrières, la ville constitue une garde d’honneur et Madame de Rênal rêve de placer son protégé en tête du cortège. L’extrait fait percevoir au lecteur comment le héros réussit malgré lui. Des lignes 1 à 9, la narration enferme le lecteur dans les erreurs d’interprétation de Julien. Des lignes 10 à 16, le narrateur se fait omniscient pour révéler le fonctionnement des êtres et de la société. Finalement, les lignes 17 à 21 illustrent la critique sociale et l’attrait irrésistible pour les apparences.
I. La narration enferme le lecteur dans le point de vue du personnage (l.1 à 9)
a) La focalisation interne limite la perception au point de vue de Julien
Julien est le sujet des verbes : « Julien fut », « il l’en aima », « Il épia », « il la trouva », « il voulut ». Les deux péripéties sont commentées par sa voix au discours direct, « il » devient « je » : « [i]Je l’avais pré