Dans la scène précédente, Molière avait montré le matérialisme de Dom Juan. La scène 2 va servir à préciser les rapports de Dom Juan avec la religion à travers la rencontre d'un ermite nécessiteux.
I. Un affrontement manichéen
a) Le grand seigneur et le misérable
Tutoiement de Dom Juan envers le pauvre alors que celui ci le vouvoie... politesse excessive avec un effet de redondance. Cela traduit le mépris récurrent de Dom Juan envers ces inférieurs dans le plan social.
Le pauvre est anonyme et incarne ici donc la misère à cette époque (17ème siècle). On a ici le champ lexical de la misère "pauvre, plus grande nécessité "... avec une progression du concret vers l'abstrait. Abstrait : "grande nécessité du monde". Concret : "un morceau de pain à me mettre sous la dent".
Le pauvre prévient Dom Juan d'un danger. Plus important encore, Molière nous présente un homme qui a voué sa vie à prier pour les autres. Ses prières ont un caractère altruiste. Dom Juan ne comprend pas le coté désintéressé du pauvre. Pour Dom Juan en effet, tout s'achète et tout se vend.
b) Réaction de Sganarelle
Face à cet affrontement entre le bien et le mal, Sganarelle représente la médiocrité qui apparaît à travers la phrase de "va, va, jure un peu". Sganarelle reste complice de son maître et se désolidarise du pauvre.
II. Une scène à valeur symbolique
a) L'impie et le croyant
Dom Juan ironise envers la croyance du pauvre. Derrière cette ironie, Dom Juan veut montrer au pauvre l'inutilité de la religion: "voila qui est étrange, et tu es bien mal reconnu de tes soins."
Le pauvre a choisi sa vie. C'est un ermite qui a consacré sa vie à Dieu. Dom Juan est en quelque sorte jaloux, envieux du pauvre qui a trouvé un sens à sa vie, la foi, alors que lui n'a aucun sens à son existence.
b) L'enjeu idéologique : le blasphème
Dom Juan demande au pauvre d'insulter Dieu et donc de renier sa foie. Le pauvre s'identifie à sa foie et s'il la renie, il n'aura plus rien et il se reniera lui-même.
On retrouve le goût de la destruction chez Dom Juan comme dans la scène avec Charlotte.
c) Dom Juan tentateur
On peut remarquer l'aspect corrupteur de Dom Juan. Il veut acheter la joie du pauvre par un louis d'or comme il a acheté Charlotte par une promesse de mariage.
On voit l'aspect diabolique de Dom Juan à travers les jeux de scène. On voit la progression des jeux de scènes. Le louis est mis sous les yeux des pauvres "en voici un que je te donne" ; "prends le , voila" . La tentation est de plus en plus forte pour le pauvre.
Ce louis d'or a une valeur symbolique. Il représente 30 deniers : cette somme représente l'argent que Judas, un des apôtres du Christ, avait reçu pour dénoncer le Christ à Pilate. Le rapprochement est ici évident, puisque Dom Juan demande au pauvre de renier Dieu pour 30 deniers.
d) L'échec de Dom Juan
Face à Dom Juan, le pauvre possède une force totale. Sa force morale lui vient de Dieu, d'où son nom Francisque (l'allusion ici est faire à l'ordre de Saint Francis. cet ordre là regroupe des croyant ayant fait voeu de pauvreté).
Pour ne pas perdre la face, Dom Juan donne le louis d'or "pour l'amour de l'humanité". La phrase est ambiguë. À travers cette phrase, Dom Juan lance un défi à Dieu. La phrase s'oppose à l'expression "pour l'amour de Dieu". Dom Juan ne se plie pas à la morale religieuse de l'époque, il est dans la provocation.
La morale de l'époque est de faire le bien pour faire plaisir à Dieu. Malgré tout, par son attitude sacrilège, Dom Juan a peut être réussi à mettre des doutes dans l'esprit du pauvre et peut être que sa défaite n'est pas totale. Par l'importance de la somme donnée, il y a peut être chez Dom Juan le désir que le pauvre se dégrade et qu'il fasse mauvais usage de cet argent.
Conclusion
Dans cette scène très audacieuse (car elle montre l'impiété de Dom Juan), on retrouve des traits de caractère importants et en particulier, la perversité et le goût de la destruction. Il veut détruire le pauvre sur le plan spirituel. Le défi vis à vis de Dieu devient plus concret . De plus, au thème de l'impiété de Dom Juan ; s'ajoute ici celui du sacrilège à travers le blasphème.