Après un exil d'une douzaine d'années en province, Jean-Baptiste Poquelin retourne à Paris et, prenant le pseudonyme de Molière, il fonde l'Illustre Théâtre, troupe qui aura un franc succès et deviendra troupe royale. Molière écrit Dom Juan en 1665, pièce représentée pour le première fois le 15 février de cette même année.
Dom Juan fut un triomphe de courte durée car elle fut censurée cinq semaines plu tard pas la Companie du Saint Sacrement. Cette comédie irrespectueuse des règles du théâtre classique (non respect des trois unités) est l'histoire d'un « grand seigneur méchant homme » qui se sent « un coeur à aimer toute la Terre », bafouant Ciel, règles et éthique.
Cette première scène présente un dialogue entre Sganarelle et Gusman, deux valets (l'un de Dom Juan, l'autre de Done Elvire) qui plonge in medias res le lecteur dans l'intrigue : Le grand séducteur à enlevé Don Elvire du couvent, l'a épousé puis abandonné et Sganarelle annonce à Gusman que Dom Juan ne reviendra jamais vers Don Elvire.
I. Le portrait de Dom Juan par Sganarelle
a) L'impiété de Dom Juan
On relève des termes de champs lexicaux qui mettent en valeur l'idée que DJ est un impie: "diable" ; "turc" ; "hérétique" ; "ni saint ni dieu" ; "ni ciel". Sganarelle utilise une énumération qui renforce le thème de l'impiété. Par ailleurs il y a une expression hyperbolique : "c'est le plus grand scélérat que la terre est jamais connu" : on voit que DJ est un libertin, il ne croit à rien de supérieur à lui.
Le pouvoir est étroitement lié à l'église et aux traditions ce qui veut dire que DJ se sent aussi indépendant de l'état et des pouvoirs.
Sganarelle annonce le dénouement de la pièce, en annonçant le châtiment divin.
b) Débauche de Dom Juan
DJ est pire que le diable : "bête brute" ; "pourceau d'Épicure" ; "Sardanapale".
Ajouté a ce champ lexical, il y a un procédé d'énumération dans la formule "il aurait encore épousé toi, ton chien, ton chat" ; "demoiselle, paysanne" ; "qui est prêt à séduire toutes les femmes".
Cette énumération est soulignée par une remarque de Sganarelle : "ça ne lui coûte rien à contracter" :
DJ à déjà bafoué l'institution du mariage, s'est marié plusieurs fois. Ce n'est qu'une ébauche du personnage. Cela montre son refus à la limitation, son goût pour la liberté totale. Par ailleurs il a conscience de transgresser les règles morales, religieuses et sociales.
Il ferme l'oreille à toutes les remontrances qu'on peut lui faire.
c) Sa qualité de grand seigneur
La conduite de DJ est peinte par Sganarelle : cette conduite s'explique par le fait que c'est un aristocrate, conscient de sa supériorité sociale liée a ses privilèges. Le mot "Don" signifie maître en latin. Le mot espagnol Don est particulier a la noblesse.
De plus Sganarelle l'appelle "mon maître" dans sa tirade, ce qui implique la puissance de DJ, et sa place dans la hiérarchie sociale.
Sganarelle essaye d'éclairer Gusman sur le comportement de DJ.
De même l'emploie de "les belles", "toutes" montre que pour DJ, les femmes forment un tout.
Sganarelle montre que DJ éprouve un plaisir insatiable à faire souffrir, mais en même temps, que c'est une manière pour le héros d'être aristocrate, car il montre son goût de la démesure, montrant ainsi qu'il appartient à cet ordre de la société qui ne s'occupe que de son plaisir et qui peut exhaussé de toutes ses envies.
II. Les révélations du valet sur lui-même
En parlant sans retenue en l'absence de son maître et en s'exprimant au naturel, Sganarelle nous apprend des choses sur lui même.
Nous voyons qu'il est d'une intelligence limitée déformée par les préjugés :
Sganarelle révèle sa crédulité, son absence de courage, son admiration pour son maître.
a) Sa crédulité.
Sganarelle se présente en effet comme un défenseur de la morale et de la foi religieuse mais il se montre plus superstitieux que religieux. En effet dans l'énumération "qui ne croit ni ciel ni loup garou", on voit que Sganarelle met au même plan des données n'appartenant pas au même domaine. Les mots "enfer" et "dieu" sont en revanche différents des loups garous qui appartiennent aux croyances populaires. Enumération : "plus grand scélérat" ; "un enragé" ; "un chien" ; "un turc".
Il emploie des termes qui dans sa bouche sont tous péjoratifs mais qui en réalité sont des ennemis du christianisme. Il mélange les choses différentes. Cela révèle son manque de connaissance et son besoin de parler.
b) La fierté de Sganarelle et son manque de courage
Sganarelle se montre fier devant son Gusman et il se conduit en être supérieur. Il le montre par sa manière de parler en l'absence de son maître et emploie un ton supérieur en présence de Gusman.
Dès la première phrase, Sganarelle utilise un ton de supériorité, "moi" (renforcement du"je" : Sganarelle se différencie de Gusman, on voit comment Sganarelle tire fierté de son intimité avec DJ). Cependant on peut dire que le courage de Sganarelle n'est que verbal et qu'il n'existe que en l'absence de son maître. En effet Sganarelle révèle sa contradiction qui le caractérise.
Sganarelle montre qu'il est dévoué à son maître parce qu'il a peur de lui. Cette tirade nous révèle 4 choses importantes :
Elle est révélatrice de la dissimulation des valets / Révèle ce que Sganarelle a dit à Gusman, qu'il avait peur de DJ. La situation de la pièce montre que Sganarelle a peur en voyant son maître arriver. / Prouve que Sganarelle sera toujours dans une situation inférieure face à DJ. / Cette fin de tirade annonce ce que le spectateur va voir dans pièce, un valet qui sera toujours docile face à son maître.
c) L'admiration du valet pour le maître
L'admiration transparaît par Sganarelle passionné par son maître. La longueur de la tirade le prouve, avec le souci du détail. Cela prouve que Sganarelle ne peut pas exister sans son maître. Dès le début s'esquisse un thème capital qui est celui du couple que forment le maître et le valet. Le désir de Sganarelle de parader répond également à une tentative d'imiter DJ.
Cette tirade qui appartient à la fin de la scène d'exposition nous décrit donc Dom Juan en tant que libertin exceptionnel grâce à un valet crédule et poltron, mais fasciné par son maître. Par ailleurs le valet se révèle lui même à travers le point de vue qu'il choisis pour parler de son maître. Ainsi dès le début de la pièce, le ton burlesque du valet place la pièce sous le signe de la comédie, mais le thème religieux est déjà annoncé et confère à cette comédie un caractère polémique.
Molière semble suggérer au public que la crédulité de Sganarelle est aussi dangereuse et condamnable que le libertinage de Dom Juan. C'est peut être pour cela que Dom Juan et Sganarelle forment un couple. Cette tirade est une forme microcosme de la pièce.