Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu - Acte I, scène 6

Plan de la fiche : I. L'expression du point de vue d'Andromaque, une femme, II. Mais également à celui de Priam (figure du roi), III. L'affrontement idéologique de ces deux conceptions

Dernière mise à jour : 16/03/2021 • Proposé par: zetud (élève)

Texte étudié

ANDROMAQUE
Mon père, je vous en supplie. Si vous avez cette amitié pour les femmes, écoutez ce que toutes les femmes du monde vous disent par ma voix. Laissez-nous nos maris comme ils sont. Pour qu’ils gardent leur agilité et leur courage, les dieux ont créés autour d’eux tant d’entraîneurs vivants ou non vivants ! Quand ce ne serait que l’orage ! Quand ce ne serait que les bêtes ! Aussi longtemps qu’il y aura des loups, des éléphants, des onces, l’homme aura mieux que l’homme comme émule et comme adversaire. Tous ces grands oiseaux qui volent autour de nous, ces lièvres dont nous les femmes confondons le poil avec les bruyères, sont de plus sûrs garants de la vue perçante de nos maris que l’autre cible, que le cœur de l’ennemi emprisonné dans sa cuirasse. Chaque fois que j’ai vu tuer un cerf ou un aigle, je l’ai remercié. Je savais qu’il mourait pour Hector. Pourquoi voulez-vous que je doive Hector à la mort d’autres hommes ?

PRIAM
Je ne le veux pas, ma petite chérie. Mais savez-vous pourquoi vous êtes là, toutes si belles et si vaillantes ? C’est parce que vos maris et vos pères et vos aïeux furent des guerriers. S’ils avaient été paresseux aux armes, s’ils n’avaient pas su que cette occupation terne et stupide qu’est la vie se justifie soudain et s’illumine par le mépris que les hommes ont d’elle, c’est vous qui seriez lâches et réclameriez la guerre. Il n’y a pas deux façons de se rendre immortel ici-bas, c’est oublier qu’on est mortel.

ANDROMAQUE
Oh ! justement, Père, vous le savez bien ! Ce sont les braves qui meurent à la guerre. Pour ne pas y être tué, il faut un grand hasard ou une grande habileté. Il faut avoir courbé la tête ou s’être agenouillé au moins une fois devant le danger. Les soldats qui défilent sous les arcs de triomphe sont ceux qui ont déserté la mort. Comment un pays pourrait-il gagner dans son honneur et dans sa force en les perdant tous les deux ?

PRIAM
Ma fille, la première lâcheté est la première ride d’un peuple.

Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu - Acte I, scène 6

Cette pièce de théâtre écrite en 1935 pendant l’entre-deux-guerres par Giraudoux est l’expression du questionnement sur les motivations de la nouvelle guerre qui se prépare. La Guerre de Troie n’aura pas lieu est en effet un texte qui aborde à travers cet épisode mythique le thème de la fatalité de la guerre et de la responsabilité des hommes dans cet accomplissement tragique. Il s’agit en effet d’une remise en cause des fondements de la guerre. Cet extrait en particulier cherche à en montrer le caractère absurde.
Il convient donc de s’interroger sur les moyens mis en place par le dramaturge pour rendre compte des différentes conceptions de la guerre.
En effet, on assiste à l’expression du point de vue d’Andromaque, une femme, mais également à celui de Priam qui par sa figure de roi représente les hommes et l’autorité. Enfin, on peut voir comment Giraudoux théâtralise l’affrontement idéologique de ces deux conceptions à travers celui des personnages.

Ainsi, tout d’abord, on assiste au discours d’Andromaque, la femme d’Hector qui plaide pour la paix devant Priam. Son objectif est d’empêcher la guerre. Pour cela, elle commence par mettre en relief le fait que la guerre aille à l’encontre de toutes les valeurs qu’elle défend.
Elle se donne dès le début le rôle de porte-parole de la pensée féminine qui s’oppose fondamentalement au mode de réflexion des hommes. Son propos semble en effet être à généraliser au-delà du simple cadre de l’action. Il s’agit d’un point de vue universel. Andromaque le revendique en disant à la ligne 3 : « écoutez ce que toutes les femmes du monde vous disent par ma voix ». Ses arguments sont en effet ceux de toutes les femmes à travers le monde mais également à travers le temps. En tant que femme, elle fait appel à l’argument des mères. Elle prône la valeur de la vie puisque c’est elle qui la donne. Elle veut avant tout préserver la vie ce qui n’est pas le cas des hommes qui place la gloire avant la simple survie. L’expression « pour ne pas y être tué » (l. 33) illustre bien ce qu’elle défend, à savoir la conservation.
Dans le fait de donner la mort, elle veut voir avant tout un geste nécessaire dont dépend la survie et qui passe par exemple par la chasse (« les bêtes » l. 8). Elle comprend la mort des animaux qui permettent de nourrir les êtres humains et d’assurer leur préservation mais pas celle des autres hommes qui semble vaine. Donner la mort à un autre homme rend la guerre inhumaine. Implicitement cela est basé su

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