Selon Deleuze, « Autrui représente ma possibilité de désirer ». De ce fait, il est indispensable de connaître la nature de son désir pour avoir la possibilité de le désirer. Nous pouvons en déduire que la connaissance préalable de l’objet de son désir est essentiel à la volonté de satisfaire ou non celui-ci.
Cependant, dans certains cas, la connaissance de son désir n’est pas nécessaire notamment dans la passion sexuelle. En effet, d’après Les passions de l’âme, (CCXI) « Les passions sont toutes bonnes de leur nature et nous n’avons rien à éviter que leurs mauvais usages et leurs excès », Descartes y représente le fait que lorsqu’un être est en état de manque, il subviendra obligatoirement et excessivement à ses désirs sans en connaître réellement l’objet.
Le désir suppose-t- il donc la connaissance préalable de son objet ?
Ce questionnement met en valeur les différentes dimensions du désir, celles-ci étant la force consciente, la pulsion sublimée (l’inconscient) et la force créatrice.
Le désir est représenté comme étant un état psychique, une force intérieure dont j’ai conscience et dont je connais l’objet. De par la conscience, l’Homme est entrainé dans la complexité du désir : il désire, il le sait et il sait qu’il désire et ce qu’il désire. L’objet de son désir est représenté par l’idée que l’Homme se fait de celui-ci. Le rôle de la raison est d’évoquer de manière cohérente les choses. A partir de l’objet représenté, le désir est suscité et la pensée aide au renouvellement de nos aspirations en introduisant devant notre regard de nouvelles envies. Ainsi, de par notre pensée, notre force consciente, l’homme connaît préalablement et au fond de lui l’objet de ces désirs. Un nouveau facteur entre en jeu, la publicité agit de la même manière que la pensée, en installant devant l’œil humain des nouveaux produits sans cesse renouvelés que l’Homme voudra obtenir (On constate, d’ailleurs, que l’œil humain observe plus de 5000 publicités de la naissance à la majorité). On peut donc dire que ce « marchand de rêve » contrôle nos désirs et notre subjectivité ne nous appartient plus. Notre seule échappatoire est construite autour de la raison qui nous aide dans notre maitrise de nous même et de nos passions.
La pensée est consciente et l’Homme la connaît et peut la maitriser. A travers cette maitrise, il peut orienter ces désirs. L’idée de maitrise du désir est développée par la théorie épicurienne du temps de la philosophie de l’Antiquité grecque. Le concept « raison » est ainsi expliqué comme étant un principe d’harmonie qui régule le monde dans le but d’éviter une vie chaotique. L’épicurisme professe que pour éviter la souffrance et le chaos dans le monde entier, nous avons tout intérêt à éviter les sources de plaisir n’étant ni naturelles, ni nécessaires (l’exemple des excès de nourriture) et favoriser en contre partie le bonheur et la raison. La théorie épicurienne est ainsi développée à travers ces citations « Parmi les désirs naturels, les uns sont nécessaires pour le bonheur, les autres (…) pour le fait de vivre » et « Lorsque nous disons que le plaisir est le souverain du bien, nous ne pensons pas aux plaisirs des débauchés ni à ceux qui consistent dans les jouissances physiques. (…) Le plaisir dont nous parlons consiste dans l’absence de souffrance physique et de troubles de l’âme » Ainsi, on différencie les désirs superflus aux désirs naturels et biologiques basés sur la nécessité de vivre (boire, manger,…). Dans ce contexte, l’Homme est préalablement connaisseur de l’objet de ses désirs par la conscience de soi et par déduction, l’Homme contrôle ses besoins biologiques et prend lui-même la décision de les satisfaire ou non.
Néanmoins, après de nombreuses découvertes et expériences, on apprend une nouvelle définition du désir. En effet, le désir dans ce cas est mêlé non pas à la conscience mais à l’inconscience. On sous-entend ainsi que le désir échappe à la raison, qu’il est donc irrationnel mais aussi insatiable, de plus, il peut paraître parfois instable voire violent. Ainsi, la découverte de l’inconscient marque une nouvelle étape dans l’approche du désir.
L’inconscient joue un rôle primordial pour le désir. En effet, ce rôle lui est attribué en tant que passion sublimée. Le désir méconnait la réalité et il est développé par l’inconscient en étant ciblé sur le désir lui-même et non pas sur l’objet du désir. En effet, la passion ressentie par l’individu ne prends pas en compte le sujet désigné, il ne soucie guère de celui-ci, il porte un intérêt essentiellement tourné vers la passion qui l’intéresse plus que tout. Prenons l’exemple de Don Juan, celui-ci assouvit ses désirs par la séduction des femmes, celles-ci en elle-même ne l’intéresse que très peu. La sublimation est un processus de détournement de l’obstacle du refoulement dans le but de satisfaire ses pulsions, ses « jouissances ». Par ce processus, l’individu arrive à imaginer un objet capable de le satisfaire, il l’intériorise, l’idéalise et le « savoure » dans son être intérieur. En effet, dès que son désir est choisi et déterminé, il est complètement omnibulé par celui-ci et le considère comme un but à réaliser. Il peut même en venir à être instable et violent dans le but de l’acquérir et la condition d’insatiabilité est donc admise. En conclusion, on peut dire que l’inconscient est une dimension du désir qui ne peut qu’être pris en compte par les philosophes qui étudient ce concept.
Néanmoins, l’individu, par trop d’idéalisation et de rêve, en vient souvent à être déçu par son désir lorsqu’il l’obtient. Ainsi, le désir ne connaît pas préalablement son sujet puisque cette passion sublimée développée par l’inconscient l’empêche d’en prendre conscience. Le désir de l’individu est donc erroné par cette pulsion sublimée.
Malgré le fait que l’inconscient joue un grand rôle dans la création et l’évolution du désir, un autre paramètre est présenté : la puissance créatrice. En effet, on constate à postériori que, sans désir sur Terre, nulle œuvre fondamentale a l’Homme et à son monde aurait été construite.
Dans cette troisième et dernière partie, le désir est considéré non pas comme un manque à l’Homme mais comme une force créatrice. En effet, le désir donne aux choses leur présence par l’idéalisation de celui-ci ; la citation de Spinoza en témoigne : « Je n’aime pas une chose parce qu’elle est belle, elle est belle parce que je l’aime ». Dans ce contexte, Spinoza en déduit que sans désir, peu de choses dans le monde seraient belle puisque personne ne les aurait désirés et aimés. De plus, on constate que tous les grands événements qui ont marqué l’Histoire ont été réalisés par des Hommes qui avaient un énorme désir de les réaliser. Comment Einstein aurait découvert les lois de la relativité s’il n’était pas passionné par les sciences et les recherches ? ou comment Freud aurait il pu découvrir l’Hypnose sans passion de l’Homme. Ainsi, leurs passions et leurs envies les ont poussés à transformer le monde par leur création et leur découverte en dépassant leurs limites, les obstacles, les incompréhensions,… Le désir représente donc un facteur essentiel à la création de projets puisque ceux-ci passeront de l’état d’illusion à un état de réalité. Ainsi, notre force créatrice nous pousse à façonner le monde et pas seulement notre imaginaire. Notre désir peut donc être dénommé comme étant un producteur de richesses réelles ou une force créatrice.
A travers cette étude des diverses dimensions du désir, nous avons découvert que seulement par la conscience, l’Homme est capable de connaître préalablement le sujet de son désir par la force consciente, il découvre ainsi un objet de désir. Les désirs servent souvent à l’Homme dans sa recherche de reconnaissance et ceci peut aboutir à la prise de conscience entière de lui-même et de ce qu’il est.