Le désir, au sens étymologique, évoque un astre disparu, la nostalgie d'une étoile (du latin desiderare, « regretter » et sidus, « l'étoile »). L'ambiguïté du désir est déjà explicite : témoin douloureux d'un manque profond au sein d’une existence, il fait tendre cependant vers une plénitude possible et concentre un être entier vers sa réalisation pourtant toujours insatisfaite. Peut-on, voire doit-on, apprendre à museler ses désirs ? Je répondrai à cette question en trois parties : tout d’abord le contrôle de ses désirs semble nécessaire de part sa nature, puis qu'il faut distinguer les désirs, et pour finir le désir comme obstacle à la morale.
I. Le contrôle des désirs est nécessaire de part sa nature
Pour comprendre le sens du désir, il faut d’abord préciser cette valeur, ce qui permettra par la suite de savoir ce qu'est la satisfaction d’un désir. Le désir est la recherche d’un objet. La première caractéristique du désir apparaît être la manifestation d'un manque qui marque douloureuse incomplétude. Il est une conscience en quête. Le but d’un désir est d’être source d’une satisfaction. On ne peut désirer que ce que l’on ne possède pas, donc ce qui n’est pas en notre possession, il y a donc un sentiment de privation qui peut devenir une souffrance, et satisfaire ce désir c’est y mettre fin. Or, si l'on en croit Kant, l'une des destinations à laquelle la nature a voué l'homme est le bonheur. On peut donc dire que répondre à cette satisfaction c’est donc atteindre le bonheur. Mais atteindre ce bonheur est-ce vraiment important ?
Il n’y a que l’homme qui est soumis au désir. Le désir n’est le besoin qui lui est vital et en cas de non-satisfaction il peut conduire à la mort. Le désir ne mène pas à la mort mais provoque au pire une sensation de manque, il n’a rien de vital. Les animaux par exemple qui, par instinct de survie, arrivent à satisfaire leurs propres besoins. Seul l'homme est mu par le désir. Mais, il n’existe pas que des désirs matériels ou corporels, il en existe aussi intellectuels. La philosophie pour Eros est un désir. Dans le Banquet de Platon, Eros passe sa vie entière à philosopher, par besoin, mais aussi par désir. Dans le texte, Platon explique « les philosophes ne sont ni sages, ni ignorants ». Les dieux, eux, ne philosophent plus car ils ont acquis la sagesse, tandis que les ignorants ne philosophent pas non plus mais car croyant déjà connaître, ils ne désirent plus la connaissance. Mais faut-il maîtriser ses désirs pour être sage ?
Si tout désir est irrationnel et si être sage, c'est être raisonnable, alors il semble qu'il faille rejeter tout désir si l'on veut être vraiment sage. Nous désirons souvent des choses impossibles comme par exemple être riches mais sans trop travailler ou encore des choses excessives et qui nous nuisent comme manger avec excès... De tels désirs s'opposent assurément à l'idée même de sagesse. Pour être libres, pour être heureux, pour être sages, il ne faut rien désirer, afin de ne dépendre que de soi-même : « ce n'est pas par la satisfaction des désirs que s'obtient la liberté, mais par la destruction de tout désir », dit Epictète.
La sagesse implique-t-elle l'éradication de tout désir ? Pour pouvoir renoncer à tout désir, ne faut-il pas désirer renoncer à tout désir ? Pour devenir sage, ne faut-il pas désirer la connaissance, et la sagesse elle-même ? Le sage lui même doit choisir et mesurer ses désirs.
II. Il faut distinguer les désirs entre eux
Les désirs sont un calcul en vu d’atteindre le bonheur. Mais il y a plusieurs type de désirs qui peuvent plus ou moins être satisfaits.
Selon différents désirs, ils peuvent plus ou moins être satisfaits. Les désirs naturels peuvent être nécessaire ou simplement naturel. Les désirs sont nécessaires pour le bonheur, et pour vivre. Il y a les désirs naturels nécessaires pour le bonheur, l’ataraxie qui désigne la tranquillité de l’âme et provient de la profonde quiétude découlant de l’absence de trouble et de douleur qui ont été comblé par la satisfaction du désir. Ceux-ci n’ont pas à être satisfaits ; ils sont excessifs et, si l’on prend l’habitude de tels plaisirs, on risque de souffrir le jour ou on ne pourra plus se les procurer. Mais il y a principalement les désirs naturels nécessaires pour la vie qui sont par exemple la nourriture ou le sommeil, qui sont deux choses indispensables au bien être d’une personne. Ceux-ci sont des désirs que personnes même les sages ne peuvent refuser, ce sont des désirs prédateurs et purement biologiques. Ceux-ci dépassent le stade de purement désir, car ils sont également des besoins vitaux, mais certain autres besoin sont loin d’être vitaux.
Les désirs vains sont des désirs purs, n’ayant aucun besoins vitaux pour la personne les désirant. Ces désirs sont purement artificiels ou encore impossible à atteindre ; ils doivent être proscrits. Ils peuvent être artificiels comme par exemple la gloire ou la richesse, qui au font de nous même n’apporte rien, et nous écarte de la sagesse car ils sont inutile et superflu et il y a également les désirs irréalisables comme par exemple le désir d’immortalité afin d’échapper à la mort et d’exister une période peut-être éternelle. Le sage bien sur ne choisira pas ce genre de désir mais préfèrera le désir naturel au bonheur .
Les désirs naturels au bonheur peuvent être tous être satisfaits contrairement aux désirs vains ou naturels non-nécessaire, mais que ce passe-t-il lorsque ces désirs portent préjudice à quelqu’un ? deviennent vains ? deviennent-ils un obstacle à la morale ?
III. Le désir comme obstacle à la morale
Que serait une société où chacun accomplirait tous ses désirs ? Le désir de chacun est propre à celui qui l'éprouve. Toute les promesses de satisfaction ne sont pas forcément bonne pour les autre. Un conflit est toujours possible. Un cas très courant et le désir d’un bien de quelqu’un d’autre, cela ne veut pas dire qu’il pourra remplir ma satisfaction en me le donnant. Accomplir tous ses désirs, c'est accomplir beaucoup.
On peut aller jusqu'à affirmer que le désir est toujours fondamentalement désir de l'autre. Je désire ce que les autres ont. Dès qu'un bien est possédé par tous il n'intéresse plus personne et le désir se porte sur autre chose. Nous désirons ce que désire l'autre parce que son désir rend la chose désirable. Mais alors la satisfaction de tous nos désirs est-elle compatible avec la morale, celle-ci devant être universelle sous peine de n'être pas ?
Il n'y a pas de morale sans liberté et donc sans maîtrise de soi. Il existe des désirs dangereux et immoraux. Platon nous montre que la tempérance est une vertu. Je ne suis pas libre de mes désirs (ils surgissent sans que je sache d'où ils viennent) et on peut donc considérer qu'il n'est pas de vie libre et juste là où l'on satisfait sans discernement tous ses désirs. Cela signifie simplement qu'il faut maîtriser ses désirs. L'alternative ne se situe pas entre satisfaire tous ses désirs ou n'en satisfaire aucun mais entre se laisser tout entier diriger par ses désirs (et renoncer à la justice et à la sagesse) ou les canaliser dans un sens créateur et pleinement humain. Subordonné à la raison, le désir devient positif puisque, nous l'avons vu, la philosophie aussi est désir. Mais cela n’impose t-il pas un devoir ?
Il n'en reste pas moins que le devoir est étranger au désir. Les désirs sont sources de conflit et la morale se veut universelle. Le commerçant qui ne vole pas sa clientèle agit, certes, conformément à son devoir mais, s'il n'est animé que par le désir d'avoir plus de clients et donc de gagner plus d'argent, il ne saurait être considéré comme moral. Seul est moral celui dont la volonté est bonne et qui agit en fonction de l'unique respect pour la loi morale. Cela ne signifie pas que le désir soit mauvais. En réalité, il n'est ni bon ni mauvais. La morale se situe simplement ailleurs. Si la satisfaction de certains désirs peut conduire au bonheur, la fin de l'homme n'est pas seulement le bonheur. Il y a une destination plus haute, proprement humaine, qui est la destination morale.
Conclusion
Ainsi, satisfaire tous ses désirs n'est pas une bonne règle de vie au sens où une bonne règle de vie est une règle de vie morale. Elle empêche également l’accès à la sagesse. Mais tout dépend également du type de désirs s’ils sont naturels nécessaires ou au contraire vains. Il n'empêche que, puisque la destination humaine est double (morale et bonheur), renoncer aux désirs lorsqu'il n'est pas contraire à la morale est aussi une mauvaise règle de vie. Il ne faut donc pas satisfaire tous ses désirs mais seulement ceux qui sont nécessaires.