Rimbaud, Cahier de Douai - Ma Bohème

Une explication linéaire du poème.

Dernière mise à jour : 29/03/2025 • Proposé par: Winners (élève)

Texte étudié

Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;
Oh ! là ! là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !

Mon unique culotte avait un large trou.
– Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
– Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou

Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;

Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur !

Rimbaud, Cahier de Douai - Ma Bohème

Arthur Rimbaud (1854-1891) est un poète français majeur du XIXᵉ siècle, connu pour sa poésie novatrice et son esprit rebelle. Le poème "Ma bohème" se trouve dans la seconde partie du premier recueil d’Arthur Rimbaud : Cahier de Douai. Dans ce poème, Arthur Rimbaud prétend conter – de manière autobiographique ? – une fugue, une errance en pleine nature.

Pourtant, derrière ce thème du bohémien démuni mais en harmonie avec la nature, c’est un véritable art poétique que nous offre le jeune poète. Le sonnet, plein de références directes à la poésie, fait la part belle aux audaces poétiques et langagières. Il revendique une liberté autant physique que poétique.

Problématique

Pour guider notre explication du poème, nous nous demanderons quelle image ce sonnet donne de la liberté.

Plan

Pour mener cette analyse linéaire du poème "Ma bohème" d’Arthur Rimbaud, nous suivrons le mouvement naturel du texte en adoptant un découpage par strophe :
- La première strophe introduit l’errance physique du poète.
- Les strophes 2 et 3 insistent sur le lien du poète avec la nature.
- Enfin, la dernière strophe montre le poète dans un processus de création.

I. L’errance physique du poète (strophe 1)

Le verbe de mouvement « s’en aller » sans complément de lieu met en avant l’absence de destination. L’attitude du poète est décontractée (« les poings dans mes poches trouées »), marquant l’habitude et le plaisir de l’errance. L’imparfait itératif (« allais », « devenait », « étais ») renforce cette idée d’habitude.

La pauvreté est marquée par des images fortes (« poches crevées », « paletot idéal »). L’allitération en m (« m’en », « mes », « mon », « Muse ») crée une impression de douceur en contradiction avec les difficultés matérielles.

La Muse est tutoyée (« j'étais ton féal »), témoignant de la liberté du poète face aux conventions poétiques.

II. La communion avec la nature (strophes 2 et 3)

La pauvreté est renforcée dans « mon unique culotte avait un large trou ».

La métaphore du « Petit-Poucet rêveur » montre que le poète sème des rimes comme des cailloux, marquant la poésie comme guide. L’errance se transforme en euphorie (« Mon auberge était à la Grande-Ourse ») : la nature est perçue comme protectrice.

Le poète perçoit les étoiles avec le toucher (« un doux frou-frou »), illustrant les correspondances sensorielles. L'allitération en s (« je sentais des gouttes ») renforce la douceur de cette harmonie avec la nature.

III. L’acte de création poétique (strophe 4)

Le verbe « rimant » marque le passage à l’acte d'écriture. Le cadre onirique (« ombres fantastiques ») mêle imaginaire et réalité. Le jeu de mots « un délire » / « des lyres » met en avant l’inspiration poétique spontanée. La rime entre « fantastiques » et « élastiques » suggère une liberté ludique dans l’acte poétique.

L’hypallage (« souliers blessés ») met en avant le sacrifice physique du poète pour la création. La dernière exclamation (« un pied près de mon cœur ! ») offre une double lecture : le pied poétique et le pied physique, illustrant la fusion entre vie et poésie.

Conclusion

Nous avons vu que "Ma bohème" propose une vision autobiographique de l’errance et de la bohème en pleine nature, mais aussi une réflexion sur la création poétique.

Ce sonnet illustre trois formes de liberté : la liberté de l’individu en rupture avec la société. La liberté de la poésie, qui s'affranchit des conventions. Et enfin, la liberté de créer un monde à partir du langage.

L’errance et la liberté inspirent Rimbaud dans plusieurs autres poèmes, comme "Sensation" ou "Au cabaret vert", qui explorent également cette quête d’indépendance et d’inspiration

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