Polysémie du mot illumination :
- action d’illuminer
- ensemble des Lumières disposées pour éclairer les rues ou éclairer les bâtiments publics → le poète éclaire le lecteur, rend sa vie plus gaie, moins sombre ?
- inspiration soudaine, trait de génie → le poète est un être à part, d’une grande vivacité d’esprit ? → rappel le rayon blanc
- religion. Dans l’expérience ascétique et mystique, état d’éveil, intelligence spirituelle
Les Ponts, extrait des Illuminations de Rimbaud, est un poème en prose. Le poète fait ici une description confuse d’une ville (Londres, Venise ? peut importe), peut-être s’agit-il d’une juxtaposition de différentes visions réelles. Nous verrons dans un premier temps en quoi ce poème ressemble à un tableau, nous étudierons ensuite le génie poétique de Rimbaud et enfin on étudiera la création poétique de l’écrivain.
I. Un poème descriptif, un tableau complexe
1. Une situation d’énonciation floue
- un locuteur (un peintre), absent. Pas de je.
Il n’apparaît que discrètement :
l.2 « bizarre »,
l.3 « ceux-ci », « ceux-là », l.20 « cette » ; pronoms et adjectifs démonstratif qui suppose quelqu’un qui montre
l.16 « on distingue » pronom indéfini mais qui suggère quelqu’un hors champs
Le poète est un spectateur anonyme, sa perception est difficile.
- pas de racines temporelles, le temps parait suspendu :
Verbes au présent mais s’agit-il du temps de l’actuel, présent de vérité générale ?
=> notion d’une durée indéterminée
Le poète n’a pas cette notion :
l.17 « sont-ce des airs populaires, des bouts de concerts seigneuriaux, des restants d’hymne publics ? » Moyen-Âge, période plus récente, vocabulaire approximatif
2. Une grande importance du visuel
- vocabulaire de la peinture, « ciels » l.1, « dessin » l.2, « figure » l.6
- précision des formes : droits, bombés, longs, cordes, circuits, large
=> construction géométrique complexe. C’est l’espace qui organise le poème
- importance des couleurs :
dominante de gris donné des le début, « gris de cristal », gris→ terne, cristal→ pureté et luminosité. Expression presque oxymorique qui témoigne de l’ambiguïté du poème. « eau
grise et bleue » l.19, reflets
Lumière, « circuits éclairés » l.8
Couleur vive l.17 « veste rouge » qui attire l’attention
II. Le génie poétique
1. Un tableau mis en mouvement
- d’abord statique (phrase nominale)
- puis verbe au participe présent l.4 et 5 « descendant », « obliquant »
- puis verbe pronominaux qui introduise l’action, l.6-7 « se renouvelant », l.11-12 « s’abaissent et s’amoindrissent »
- puis des mouvements : l.17 « croisent », « filent »
2. L’ouie relaie la vue
La vue peu claire « on distingue » l.16 laisse place aux sensations auditives « accords mineurs » l.16, « cordes » l.16, « instruments de musique » l.17
Jeu sur les sonorités, sorte de rimes internes « airs populaires », « concerts seigneuriaux », hymne public »
3. Le doute, l’incertitude s’installent
- « peut-être » l.17
- phrase interrogative l.17, 18
-Hypothèses multiples
Tout s’estompe progressivement, l.15 « frêles », « mineurs », impression d’une perseption morcelée « bouts », « restants »
4. L’anéantissement final
Tout disparaît, construction patiemment élaborée mais illusoire, vision balayée
Chute du texte l19-20 mise en relief par un tiret
III. Le pouvoir de la création poétique
1. Le poème s’ouvre et se ferme sur la même vision, le ciel
Début : pluriel, terme pictural
Fin : singulier, unique, plus dominateur, sens plus complexe
2. L’illusion poétique
La dernière phrase agit comme un coup de théâtre dans sa rapidité et dans sa surprise
Message ?
D’ordinaire la lumière éclaire, révèle, ici, elle efface tout et ne donne pas la clé du sens du poème.
Sens du mot comédie ?
Implique une mise en scène
- pièce comique ? Rimbaud s’amuserait à construire, créer un décor de théâtre pour enfin tout effacer
- parodie de tableaux : refus de reproduire une réalité telle qu’elle.
- tout n’est qu’une comédie, le théâtre ; et même la littérature
On a ici une prose particulièrement poétique qui joue sur les sensations visuelles (le poèmes est présenté comme un tableau) et auditives (jeu sur les sonorités). C’est un poème animé ou Rimbaud s’amuse à construire minutieusement un décor pour enfin le détruire. Le rayon blanc qui détruit tout lui confère une dimension mystérieuse. On peut donc s’interroger sur son sens, peut-être que le poète maudit veut ici monter que les choses sont éphémères et que la vie n’est qu’une comédie, qu’une illusion.