Rabelais, Le Quart Livre - Chapitre XLI : La guerre des Andouilles

Commentaire en trois parties.

Dernière mise à jour : 28/01/2025 • Proposé par: Elisa (élève)

Texte étudié

COMMENT PANTAGRUEL ROMPIT LES ANDOUILLES AUX GENOUX.

Quand ces Andouilles approchèrent et que Pantagruel aperçut comment elles déployaient leurs bras et commençaient déjà à se préparer à attaquer, celui-ci envoya Gymnaste entendre ce qu'elles voulaient dire et savoir pourquoi elles voulaient sans hésitation guerroyer contre leurs vieux amis, qui n'avaient rien dit ni fait de mal. Gymnaste fit une grande et profonde révérence en arrivant devant les premières rangées, et il s'écria aussi fort qu'il le pouvait pour dire : « Nous, nous, nous sommes tous vos vos vos amis, et à votre servi... vi... vice. Nous sommes des amis de Mard... Mard... Mardigras, votre vénérable dirigeant... ». A ce mot un gros Cervelas sauvage et dodu qui conduisait la première ligne de leur bataillon fit le geste de vouloir le saisir à la gorge. Alors Gymnaste tire son épée à deux mains, et tranche le Cervelas en deux morceaux.  Après qu'il a tué ce Cervelas écervelé, les Andouilles attaquent Gymnaste et le terrassent méchamment, mais Pantagruel et ses hommes courent à son secours. Alors commence le combat martial pêle-mêle. Raflandouille érafle les Andouilles, Tailleboudin taille les Boudins, Pantagruel brise les Andouilles aux genoux. Frère Jean se tient silencieux, caché dans sa Truie de Troie (d'où il peut tout voir), quand les Godiveaux qui étaient en embuscade s'attaquent à Pantagruel en poussant de grands cris.
 
En voyant ce désarroi et ce tumulte, Frère Jean ouvre les portes de sa Truie, et sort avec ses fidèles soldats, les uns portant des broches de fer, les autres tenant landiers, couvercles, poêles et pelles, cocottes, grills, faitouts, tenailles, balais, pinces, marmites, mortiers, pilons, tous en ordre comme des brûleurs de maison, hurlant et criant tous ensemble épouvantablement. Nabuzardan ! Nabuzardan ! Nabuzardan ! Par de tels cris d'émeute, ils choquent les Godiveaux, et traversent les Saucissons. Les Andouilles s'aperçoivent soudain de l'arrivée de renforts, et prennent leurs jambes à leur cou, comme si elles avaient vu tous les Diables. Elles tombent comme des mouches sous les coups de bedaine de Frère Jean. Ses soldats ne font pas de quartier. Cela faisait pitié à voir. Le camp était tout couvert d'Andouilles mortes ou blessées. Et le conte dit que, si Dieu n'y avait pas veillé, toute la génération Andouillique aurait été exterminée par ces soldats de cuisine [...].

Rabelais, Le Quart Livre - Chapitre XLI

Le Quart Livre de Rabelais est l’un des ouvrages les plus célèbres de la littérature française. Publié en 1552, il fait suite aux trois premiers livres de la série Gargantua et Pantagruel. Cette œuvre est une satire de la société de l’époque et présente les aventures de Pantagruel, fils de Gargantua, et de ses amis.

Le texte étudié relate « La guerre des andouilles », un récit burlesque dans lequel Pantagruel aborde l'île Farouche et dont les habitants, les Andouilles, le prennent pour un envoyé de Carêmeprenant, avec qui elles sont toujours en guerre.

Problématique

Ce texte présente une tension entre un récit de bataille dans les règles, et des participants ridicules, propre à la parodie (on peut penser dans le même registre au combat des rats et des grenouilles, attribué à Homère). Mais toute parodie a une cible. Quelle est celle de Rabelais ?

I. Un récit de bataille parodique

La « parodie » est étymologiquement « chant à côté », une œuvre parallèle, qui suit un modèle tout en introduisant un décalage.

a) Le modèle : un récit de combat repris étape par étape

En préliminaire, l’armée avance en force pour faire impression : « Pantagruel aperçut comme elles déployaient leurs bras, et déjà elles commençaient à baisser les bois [les lances] », 328/383 . Pantagruel envoie un émissaire, Gymnaste, pour parlementer et négocier la paix ; l’émissaire proclame qu’ils sont amis et rappelle une alliance ancienne : « Tous tenons de Mardigras, votre antique confédéré » (330/383) c’est-à-dire que Gymnaste affirme qu’ils sont tous liés par amitié ou par lien familial à Mardigras, qui est l’allié des Andouilles.

Néanmoins l’émissaire est attaqué, par « un gros Cervelat sauvage » (330/383) et riposte « trancha le Cervelat en deux pièces », (ibid.) C’est le signal de l’attaque pour l’armée ennemie : « [Une fois] ce Cervelat écervelé, les Andouilles coururent sus à Gymnaste », (330/385). Attaque à laquelle répond l’armée de Pantagruel qui se lance à l’assaut : « Pantagruel avec ses gens accourut le grands pas au secours », (330/385). Des troupes ennemies cachées, fondent en embuscade sur les troupes de Pantagruel « les Godiveaux qui étaient en embuscade sortirent tous bruyamment contre Pantagruel », (330/385). Frère Jean mène une contre-embuscade, lui qui, jusque-là, restait caché dans une machine de guerre, sa « truie » (330/385) ; cris de guerre et v

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