Molière, Le Malade imaginaire - Acte II, scène 5: Tirade de M. Diafoirus

Je suis en première générale. C'est la correction pour les lectures linéaires de l'oral du bac.

Dernière mise à jour : 25/02/2024 • Proposé par: monlyceepointnet (élève)

Texte étudié

MONSIEUR DIAFOIRUS

Monsieur, ce n'est pas parce que je suis son père; mais je puis dire que j'ai sujet d'être content de lui, et que tous ceux qui le voient, en parlent comme d'un garçon, qui n'a point de méchanceté. Il n'a jamais eu l'imagination bien vive, ni ce feu d'esprit qu'on remarque dans quelques-uns; mais c'est par là que j'ai toujours bien auguré de sa judiciaire, qualité requise pour l'exercice de notre art. Lorsqu'il était petit, il n'a jamais été ce qu'on appelle mièvre et éveillé. On le voyait toujours doux, paisible et taciturne, ne disant jamais mot, et ne jouant jamais à tous ces petits jeux que l'on nomme enfantins. On eut toutes les peines du monde à lui apprendre à lire; et il avait neuf ans, qu'il ne connaissait pas encore ses lettres. Bon, disais-je en moi-même: les arbres tardifs sont ceux qui portent les meilleurs fruits. On grave sur le marbre bien plus malaisément que sur le sable; mais les choses y sont conservées bien plus longtemps; et cette lenteur à comprendre, cette pesanteur d'imagination, est la marque d'un bon jugement à venir. Lorsque je l'envoyai au collège, il trouva de la peine; mais il se raidissait contre les difficultés; et ses régents se louaient toujours à moi de son assiduité et de son travail. Enfin, à force de battre le fer, il en est venu glorieusement à avoir ses licences; et je puis dire, sans vanité que, depuis deux ans qu'il est sur les bancs, il n'y a point de candidat qui ait fait plus de bruit que lui dans toutes les disputes de notre école. Il s'y est rendu redoutable; et il ne s'y passe point d'acte où il n'aille argumenter à outrance pour la proposition contraire. Il est ferme dans la dispute, fort comme un Turc sur ses principes, ne démord jamais de son opinion, et poursuit un raisonnement jusque dans les derniers recoins de la logique. Mais, sur toute chose, ce qui me plaît en lui, et en quoi il suit mon exemple, c'est qu'il s'attache aveuglément aux opinions de nos anciens, et que jamais il n'a voulu comprendre ni écouter les raisons et les expériences des prétendues découvertes de notre siècle touchant la circulation du sang et autres opinions de même farine.

Molière, Le Malade imaginaire - Acte II, scène 5

Le Malade imaginaire, dernière œuvre dramatique écrite par Molière, est une comédie-ballet en trois actes et en prose, créée le 10 février 1673 par la Troupe du Roi sur la scène du Palais-Royal à Paris. La pièce tourne autour d'Argan, le « malade imaginaire », homme veuf qui se voit prodiguer des « soins », par des médecins peu scrupuleux.

Dans cette scène, M. Diafoirus, médecin, présente officiellement son fils Thomas à Argan, qui souhaite le marier à sa fille. Le père, dans une longue tirade, fait de son fils un éloge pour le moins curieux.

Problématique : En quoi cet éloge atypique est-il une satire efficace de la médecine et des médecins ?

I. Un enfant discret (l. 1 à 8)

La tirade du médecin s'ouvre sur une précaution oratoire, avec l'assertion suivante : « Monsieur, ce n'est pas parce que je suis son père, mais je puis dire que j'ai sujet d'être content de lui ». L'emploi d’emblée d'une tournure emphatique et négative nie le lien entre sa paternité (explicitée par la conjonction de subordination « parce que ») et l'à priori favorable qui pourrait orienter son discours en la faveur du jeune homme.

La conjonction de coordination « mais » qui oppose un jugement qui se veut objectif envers ce jeune homme qui inspire le contentement et mérite d'être loué pour ce qu'il est… mais les nombreuses marques de la première personne du singulier (« je », « j' ») et le lexique modalisé (« puis dire », « content ») font de cette tirade de Diafoirus père une entrée en matière assez ambiguë, où il semble presque se louer lui-même.

Les négations employées par M. Diafoirus sont éloquentes et permettent de lire à travers le portrait qu'il fait de son fils : « il n'a jamais eu l'imagination bien vive, ni ce feu d'esprit qu’on remarque dans quelques-uns ». L'absurdité du raisonnement du médecin est soulignée par la conjonction « mais ». L’affirmation qui suit dévalorise tout médecin, à l’insu semble-t-il du locuteur. Le portrait de Thomas enfant « lorsqu’il était petit » se poursuit avec nombreuses tournures négatives « jamais été mièvre (…) et éveillé » c'est-à-dire dépourvu des signes d’une intelligence vive.

Si les mots se font plus élogieux sur son tempérament « doux, paisible », ils sont suivis dans l’énumération du terme péjoratif « taciturne » puis à nouveau de tournures négatives, avec la répétition « ne jamais », qui souligne le caractère

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