Un sujet sur la thématique du bonheur (« heureux »), de la liberté et du désir.
Analyse des termes du sens du sujet : être heureux renvoie à un état subjectif, soit une satisfaction du désir, soit le plaisir, soit d’un accord avec soi-même vers lequel on aspire le plus souvent. Le sujet renvoie à la mise en question d’une attente passive du bonheur comme quelque chose qui viendrait du dehors. Il s’agit de critiquer le bonheur tel qu’il est imaginé comme chance ou malchance, comme dépendant de la fatalité ou du hasard ou encore comme renvoyant uniquement des obstacles extérieurs faisant de nous de simples victimes de notre malheur.
Problématique : sommes-nous les artisans de notre bonheur ou relève t-il de circonstances qui nous échappent d’autant plus qu’il ne semble pas y avoir de recette du bonheur ? Le bonheur est il subordonné à des conditions collectives et politiques plus ou moins favorables ou est il une affaire individuelle (problème du « nous » dans le sujet)
I. Le bonheur semble être une question de chance
Par étymologie : « heur », qui signifie « bonne fortune », « chance ». Le bonheur est donc une question de chance, selon que les évènements se montrent favorables. Le bonheur semble dissocié de la vertu (le bon est malheureux tandis que le méchant jouit d’un bonheur insolant) et de la action de la volonté.
Pour Kant les moyens pour atteindre le bonheur sont incertains par définition, car le bonheur n'est pas identique chez chacun. Pour Kant, dans les Fondements de la métaphysique des mœurs « Le bonheur est un idéal de l'imagination et non de la raison. ». C'est donc une notion empirique, particulière chez chacun et il n'y a donc pas de recette universelle du bonheur.
Aussi, le bonheur n’est pas un dessein de la nature. Freud, dans Malaise dans la civilisation déclare même sur le bonheur: « Celui-ci est absolument irréalisable ; tout l’ordre de l’univers s’y oppose ; on serait tenté de dire qu’il n’est point entré dans le plan de la "Création" que l’homme soit "heureux" ». Le bonheur n'est en effet pour Freud « possible de par sa nature que sous forme de phénomène épisodique ». Et de rajouter « nos facultés de bonheur sont limitées par notre constitution ». Nous ne serions ainsi pas fait pour le bonheur, car pas adapté à celui-ci, et condamnés à des épisodes de bonheurs temporaires par la nature.
Transition : Mais si le bonheur semble si difficile à atteindre, ne dépend-il pas au moins de nous de nous mettre dans les conditions du bonheur ?
II. Mais le bonheur est favorisé par une pratique vertueuse
L'eudémonisme est une doctrine philosophique qui lie elle le bonheur et la raison : ce ne serait donc pas le destin qui nous fait heureux ou malheureux.
S'il n'y a pas de recette magique au bonheur, de bonnes pratiques permettent ainsi de laisser le malheur à distance. Pour Épicure il s'agit ainsi d'atteindre la sérénité de l’âme, en ayant avoir une intelligence du désir et du plaisir, qui permet de discerner ce qu’il faut choisir et ce qu’il faut éviter. De même pour les stoïciens (comme Sénèque, Épictète, Marc Aurèle), il faut rester libre à l’égard de ses passions et être maître de ses pensées quelle que soient les circonstances.
Plus encore, pour Aristote, le bonheur est ainsi à la portée de tous et consiste dans la pratique effective de la vertu envers soi-même et envers la cité. La vertu, chez Aristote, se trouve entre connaissance et action : c’est une volonté de bien agir qui, à force de s’actualiser, devient une habitude. La vertu est donc à comprendre comme une tendance à bien agir soutenue par la volonté de bien faire. « Nous sommes ce que nous répétons sans cesse. L'excellence n'est donc pas un acte, mais une habitude » (Éthique à Nicomaque, II, 1).
Transition : Une pratique vertueuse répétée, et consciente des limites de nos passions, permet ainsi de nous donner les conditions du bonheur. Mais si le bonheur ne dépend pas que de nous, est-ce que sa forme ne dépend pas de la liberté qui nous est offerte, ou pour laquelle on se bat ?
III. Un bon usage de notre liberté permet de choisir notre chemin vers le bonheur
La liberté collective qui est la même pour tous et garantie par la loi, avec l’existence reconnue et effective du droit. Nul n’est heureux en dictature, lorsque privé de l’usage de ses libertés fondamentales. La politique doit toutefois se contenter de mettre en place les conditions du bonheur individuel : en luttant contre l’inculture, l’aliénation au travail, ou encore toute instrumentalisation de la personne.
De même la liberté personnelle, éclairée par la raison, se manifeste par des choix, des décisions, une façon de conduire sa vie, c’est tout l’enjeu du discernement du bien et du mal, du bonheur et du malheur comme conséquence de l’action. En étant conscient des implication de nos choix, et en étant acteur de notre propre liberté, nous nous donnons ainsi la possibilité de choisir notre propre voie du bonheur.
Conclusion
Le bonheur n’arrive donc pas par hasard. Nous contribuons par nos actes à nous rendre heureux ou malheureux. Aussi un bonheur subi ou reçu du dehors qui ne dépend pas de nous pourrait être, à juste titre, considéré comme inférieur à un bonheur voulu et mérité. Il dépend ainsi de nous d'au moins de choisir pour quelle forme de bonheur et donc d'idéal on se bat, à défaut d'être certain de l'atteindre.