Sartre, L'Etre et le Néant: Résistance du rocher

Explication de texte d'un devoir maison en classe de terminale générale. Note obtenue : 14/20.

Dernière mise à jour : 26/12/2021 • Proposé par: anxta (élève)

Texte étudié

Descartes, le premier, reconnaissait à la fois que la volonté est infinie et qu’il faut « tâcher de nous vaincre plutôt que la fortune ». C’est qu’il convient de faire des distinctions: beaucoup des faits énoncés par les déterministes ne sauraient être pris en considération. Le coefficient d’adversité des choses, en particulier, ne saurait être un argument contre notre liberté, car c’est par nous, c’est-à-dire par la position préalable d’une fin que surgit ce coefficient d’adversité. Tel rocher qui manifeste une résistance profonde si je veux le déplacer sera, au contraire, une aide précieuse si je veux l'escalader pour contempler le paysage. En lui-même - s'il est même possible d'envisager ce qu'il peut être en lui-même - il est neutre, c'est-à-dire qu'il attend d'être éclairé par une fin pour se manifester comme adversaire ou comme auxiliaire. Encore ne peut-il se manifester de l'une ou l'autre manière qu'à l'intérieur d'un complexe-ustensile déjà établi. Sans les pics et les piolets, les sentiers déjà tracés, la technique de l'ascension, le rocher ne serait ni facile ni malaisé à gravir ; la question ne se poserait pas, il ne soutiendrait aucun rapport d'aucune sorte avec la technique de l'alpinisme. Ainsi, bien que les choses brutes […] puis­sent dès l’origine limiter notre liberté d’action, c’est notre liberté elle‑même qui doit préalablement constituer le cadre, la technique et les fins par rapport auxquels elles se manifesteront comme des limites. Si le rocher, même, se révèle comme « trop difficile à gravir », et si nous devons renoncer à l’ascension, notons qu’il ne s’est révélé tel que pour avoir été originellement saisi comme « gravissable »; c’est donc notre liberté qui consti­tue les limites qu’elle rencontrera par la suite.

Sartre, L'Etre et le Néant

Le texte expliqué ci-présent est extrait du livre l’Être et le néant de l’auteur Jean Paul Sartre, paru en 1943. On y retrouve comme thème principal la liberté et ses limites. La liberté est une notion qui se définit comme étant le droit naturel de se comporter et d’agir comme bon nous semble, c’est un sentiment lié à notre personnalité et notre individualité. Cependant, l’auteur nous amène, au fil du texte, à nous demander si la liberté existe-t-elle bel et bien chez l’homme ou si celle-ci est contrée par la résistance et le déterminisme de celui-ci ? Et bien Sartre affirme tout simplement sa thèse, qui consiste à dire que la liberté est exclusive et infinie. Nous analyserons donc dans un premier temps le degré de résistance chez Sartre des lignes 1 à 12, dans un second temps le déterminisme, des lignes 13 à 17, puis, pour finir, des lignes 18 à 28, les arguments contraires et favorables à la thèse de Sartre. L’enjeu ici est premièrement de déterminer la thèse de Sartre, puis, deuxièmement son contraire.

I. Les différents degrés de résistance

Comme expliqué brièvement plus haut, la liberté désigne un pouvoir de faire mais également une capacité à agir. Cette dernière débute et doit se réaliser dans l’action, c’est-à-dire qu’elle est la source même de nos agissements, ce n’est pas une simple capacité. A partir de la ligne 5, l’auteur symbolise la notion de degré de résistance par l’exemple du rocher. Le degré de résistance est défini comme étant la manière dont un objet résiste à la force de la nature. En effet, un objet est à l’origine fondé et n’a pas de nuisance ou de bienfait pour l’homme. Lorsque Sartre dit que « le degré de résistance ne saurait être un argument contre notre conception de la liberté », il explique en fait que c’est l’homme qui invente cette « résistance ». De ce fait, l’auteur illustre l’indifférence de l’objet par l’exemple du rocher. Celui-ci va subir un quelconque changement de la part de la « liberté humaine ». Cette notion de liberté humaine correspond au fait que l’homme est abstrait de toute forme de contrainte et qu’il sera épanouit dans ses désirs et envies. C’est donc par la liberté humaine qu’est défini le degré de résistance d’un objet, dans le cas présent le rocher. C’est aussi à cause d’elle que la résistance de chaque objet change. Le rocher est un parfait exemple « tel rocher qui manifeste une résistance profonde » (l. 5) car selon l’utilisation d’un objet, que ce soit un rocher ou non, il aura un degré de résistance peu ou très élevé. On peut d’ailleurs remarquer que l’auteur dissocie deux degrés de résistance assez inverses. En effet, l’homme, en étant libre, peut faire face à un obstacle de difficulté à niveau faible, modéré ou très éprouvant. Ici, on peut voir que le rocher est décrit comme un obstacle qu’on ne peut éviter et déplacer. Cependant, Sartre nous offre une autre vision de celui-ci : A la ligne 7, le rocher peut également servir d’ « aide précieuse si je veux l’escalader pour contempler le paysage ». De cette manière, il faut voir le rocher comme quelque chose de naturel qui nous entoure et donc observer sa neutralité. Avant toute action de l’homme, le rocher n’a pas de fonction « adversaire » ou « auxiliaire ». C’est donc elle qui va définir son degré de résistance.

II. L'homme, source de la résistance

Comme expliqué précédemment, avant toute action de l’homme sur lui, un rocher possède une neutralité. A partir de la ligne 13, Sartre pose le champ lexical correspondant au rocher et le milieu de la montagne pour éventuellement observer comment il va se conduire. La citation suivante, « sans les pics et les piolets, les sentiers déjà tracés […] la question ne se poserait pas », prouve bel et bien le fait que si l’homme n’avait pas effectué ne serait-ce qu’une quelconque modification sur la nature, l’objet aurait retrouvé sa neutralité. Pour Sartre, la finalité de notre action va déterminer les moyens utilisés pour y parvenir. Ces changements sont alors établis par le déterminisme de l’homme, qui revient à dire que nos envies et désirs sont déterminés par des mouvements manifestés. Un philosophe comme Bachelard affirme d’ailleurs que « le déterminisme est une notion qui signe la prise humaine sur la nature ». Pour exemple, l’auteur utilise l’alpinisme : il n’y avait pas de sentiers tracés à l’origine, donc l’homme les a inventés et tracés. Grâce à notre détermination, notre liberté d’action va nous guider et ainsi pouvoir imposer ses limites. L’homme est pour finir, conscient des ses actions mais ignorant des causes par laquelle il est déterminé.

III. La liberté comme cadre

Pour finir, Sartre fait valoir sa thèse en insistant sur le fait qu’à la ligne 18 « c’est notre liberté elle-même qui doit préalablement constituer le cadre, la technique et les fins par rapport auxquelles elle se manifesteront comme des limites ». De ce fait, on pourrait se questionner sur l’origine même de la liberté si elle ne rencontrait pas de difficultés et/ou d’obstacles. En utilisant des « choses brutes » (l.18), Sartre les définit comme étant des obstacles, limitant donc la liberté humaine. Pour lui, il existe une situation complexe et éprouvante du rocher qui ne peut être gravit facilement. De plus, « renoncer à l’ascension » (l.24) nous informe qu’une limite est infligée à notre liberté : à l’origine, « le rocher […] se révèle comme "trop difficile à gravir" ». Observons là que cet objet est naturellement neutre et qu’il n’aura pas d’incident. Cependant, notre « liberté d’action » nous assigne « des limites » suivant la finalité que va subir l’objet. C’est donc l’homme qui va se fixer à lui-même des limites et qui va donc pouvoir décider de ses œuvres et interventions.

Conclusion

En conclusion, on peut dire que Sartre souligne très fortement l’existence d’une liberté dont les limites de l’homme en dépendent. En effet, il attribue à l’homme la responsabilité de ses propres choix, qui ne peuvent cependant fuir cette liberté pourtant pas choisie. Afin d’accomplir une action, l’homme va donc faire face à des « choses », qui, selon le cas, seront des obstacles ou des auxiliaires.