Peut-on apprendre à être libre ?

Une copie d'un élève en classe préparatoire ECG.

Dernière mise à jour : 19/03/2022 • Proposé par: Cams77 (élève)

D’après Charles de Montesquieu, « La liberté est le pouvoir de faire tout ce que les lois permettent ». Être libre signifie ne pas être empêché de faire ce que l'on veut (sortir de chez soi, quitter son pays par exemple) ou encore dire sans crainte ce que l'on pense. Elle est conçue comme l’absence de toute contrainte étrangère. Originaire du mot latin liber elle garde son sens originel. À la base, la liberté est la libre condition de l'homme qui n'est pas esclave ou prisonnier, qui n'est pas privé de droit c'est-à-dire un maître ou un citoyen qui dispose librement de sa personne et participe activement à la vie de la cité. Ainsi la liberté fut d'abord un statut c'est-à-dire une condition sociale et politique garantie par un ensemble de droits et de devoirs avant d'être conçu par les philosophes, les théologiens comme une caractéristique individuelle purement psychologique et morale. La notion d'apprentissage est directement liée à la liberté. Apprendre est un processus par lequel une personne acquiert des connaissances, maîtrise des habiletés ou développe des attitudes. Il semble que la liberté consiste à ne subir aucune règle ; or, la notion d’apprentissage suppose la contrainte, de faire des efforts pour développer sa connaissance, il y a donc un paradoxe. Apprendre est de l’ordre de l’acquis. Au contraire, la liberté semble naturelle, spontanée, dégagée de toute contrainte. Ainsi, si l’on a besoin d’apprendre à être libre, cela signifie qu’on ne l’est pas au départ. La liberté ne serait donc pas donnée. On admet tout autant que l’homme doit être éduqué. Sans quoi, il n’est pas véritablement libre mais soumis à ses désirs.

Nous pourrions donc nous demander si la liberté est un concept naturel donc inné chez tous les hommes ou si bien au contraire, il faut l’acquérir au cours de sa vie, est qu’il y a une certaine nécessité, voire obligation à apprendre la liberté ? Nous verrons dans une première partie La liberté telle une donnée immédiate et un droit inné, dans une seconde partie que tout de même la nécessité d'une libération requiert un certain apprentissage puis dans une troisième partie, nous verrons si la liberté vaut la peine d’être apprise.

I. La liberté telle une donnée immédiate et un droit inné

La liberté est une donnée immédiate de la conscience; elle se connaît sans preuve à travers un sentiment. Il suffit que je veuille ou désire quelque chose pour manifester ainsi ma liberté. Si, la liberté c'est faire ce que l’on veut, comme tuer quelqu’un, être libre c’est également être le plus fort et dominer les autres, il apparaît que chacun, dès la naissance et dès qu'il en a les capacités physiques, peut être "libre".

Sartre dira que la liberté fait partie intégrante de l’être humain. On ne peut la nier. Comme il le dit dans une célèbre citation, « l’homme est condamné à être libre. » (L’existentialisme est un humanisme 1946). Autrement dit, nous n’avons pas la liberté d’être libre ou pas : non, il ne faut pas apprendre à être libre, car nous le sommes déjà, par nature. Même lorsque nous nions notre propre liberté, avec une « mauvaise éducation » par exemple, ce qui nous priveraient de notre libre arbitre et nous détermineraient à avoir un comportement mauvais ou honteux, nous savons bien, au fond, que nous pourrions nous comporter autrement, autrement dit que nous sommes libres, que nous ayons appris à l’être ou pas.

Ainsi, la liberté peut être envisagée comme naissant avec l'homme ("les hommes naissent libres et égaux en droit" affirme aussi la Déclaration Universelle des Droits de l'homme et du Citoyen). La liberté est la donnée première de notre existence : la liberté ne s'apprend pas : elle est, elle n'est pas déterminée, elle n'a pas besoin de conditions préalables pour exister. Elle est dans le choix : Le choix entre deux choses 
je suis totalement libre, je ne suis soumis à aucune détermination. Cette liberté, appelée liberté d'indifférence, ne présuppose aucune éducation ni apprentissage
.

II. La nécessité d'une libération requiert un certain apprentissage

En effet, si on considère qu’être libre c’est ne subir aucune contrainte, alors cela implique que l’on est libre que lorsque l’on est seul. Il faudrait donc en déduire que la société est un obstacle à la liberté. En ce sens, on n’apprend pas à être libre. Au contraire, dès lors que l’on apprend à vivre ensemble (pour former une société) on « désapprend » la liberté. Dans son Traité de pédagogie, en 1855, Kant explique qu’on ne peut pas être libre sans éducation, donc sans apprentissage, mais plus encore sans une éducation contraignante. En effet, « l’homme privé d’éducation ne sait pas se servir de sa liberté ». Autrement dit, la liberté n’est pas chez l’être humain une disposition “naturelle” ou spontanée : elle nécessite un apprentissage, une éducation.

Cet apprentissage doit se faire chez l’enfant, le plus tôt possible, pour que l’adulte qu’il sera puisse être libre. On peut donner l’exemple de la privation : il ne faut pas répondre à tous les désirs d’un enfant (se coucher tard) ; car si on l’habitue à avoir tout ce qu’il souhaite, on ne le prépare pas à affronter les situations de manque, la frustration, et ainsi à être indépendant, autosuffisant, c’est-à-dire libre. L’apprentissage de la liberté passe donc paradoxalement par une forme de contrainte. La liberté n'est pas donnée, elle est à conquérir
.

L'homme libre est celui qui se fait libre, qui connaît ses possibilités et ses limites. Agir
 librement, ce n'est pas agir n'importe comment, c'est agir selon la raison et la
 connaissance des moyens à mettre en œuvre pour réaliser une fin, qui ne peut être acquise.

III. Mais est ce que la liberté vaut la peine d’être apprise ?

On peut en effet penser que la liberté est accompagnée de la responsabilité qui peuvent être des obstacles à notre bonheur. Être responsable de soi, c’est littéralement répondre de ses actes : si je suis libre, on peut me reprocher mes mauvaises actions ; je dois faire des choix, qui ne seront sans doute pas toujours les bons : cela peut provoquer de l’angoisse, comme le dit Kierkegaard, théologien danois du XIXe siècle « l’angoisse est le vertige de la liberté ». Alors n’est-il pas plus facile de renoncer à notre liberté, car ne pas être libre peut apporter le bonheur. Un évêque qui renonce à ses libertés individuelles, par l’ascèse par exemple, pour sa foi envers Dieu, est par exemple sans doute plus heureux que celui qui cherche seul de la vérité, mais ne trouve que le doute.

Également, il n’y a pas de vie collective possible, et pas de société humaine, sans des règles, c’est-à-dire des droits, des interdictions et des obligations. Dans le Traité théologico-politique, Spinoza explique que si les êtres humains étaient entièrement guidés par la raison, nulle loi ne serait nécessaire à leurs sociétés, car ils agiraient spontanément en liant les intérêts individuels et collectif. Mais ils sont plus souvent entraînés par leurs désirs qui les poussent à agir contre ces intérêts. L’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen soutient que « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Être libre en société, c’est ainsi prendre en compte la liberté des autres, et donc apprendre quelles sont les règles indispensables à cette prise en compte, règles qui empêchent un usage excessif de la liberté consistant à nuire aux autres. Car elles ne sont pas connues naturellement des êtres humains. Elles supposent donc bien un apprentissage, et nul n’est libre sans elles : le tyran qui prétend s’affranchir des lois serait lui-même le moins libre des hommes, esclave qu’il serait de ses passions.

Conclusion

Mais ces lois sont-elles vraiment au service de la liberté du peuple. L’histoire montre que c’est loin d’être toujours le cas comme avec les révolutions, celles-ci n’ayant d’ailleurs pas toujours débouchées sur davantage de liberté. La vie en société nécessite un apprentissage collectif de la liberté et des règles qui la permettent. De plus, un peuple doit apprendre à être libre, c’est-à-dire parfois conquérir et conserver sa liberté.

Finalement, la apprendre la liberté est un concept ambigu et ambivalent. Si l’on considère qu’elle est innée, nous sommes libres mais cela requière de la responsabilité. Si la liberté n’est pas innée, il faut alors l’apprendre et la maîtriser ce qui requiert du travail et de la patience, l’inverse de ce que représente la liberté elle-même. C’est pour cela qu’il faut se demander s'il faut vraiment être libre, sous contraintes ? Ou alors rester dans l’ignorance d’une certaine liberté afin de ne pas subir la responsabilité de ces actes.

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