Situation du passage
M. Rémy a recommandé son neveu Dorante comme intendant à Araminte qui est une jeune veuve fortunée. Il ignore que cela fait partie d'un complot qui a été tramé par Dubois, le valet d'Araminte, qui était autrefois au service de Dorante, pour introduire celui-ci chez sa nouvelle maîtresse et pour lui faire partager l'amour de Dorante.
Introduction
La scène 2 de l'Acte 1 est la fin de l'exposition et elle réunit Dorante et Dubois qui vont effectuer une dernière mise au point avant d'enclencher le piège qui se refermera sur Araminte. La scène devient dynamique par l'énergie avec laquelle Dubois va balayer les doutes de Dorante. Il est sûr de lui, tout en étant conscient de deux obstacles : la position sociale et le caractère stable d'Araminte. C'est le dernier morceau de bravoure de Dubois qui cherche à remporter l'adhésion de Dorante. De plus, il parle beaucoup et devient ainsi le personnage principal de cette scène.
Problématique: Comment l’ingénieux valet Dubois prend l'ascendant sur son maitre ?
I. Le plan infaillible de Dubois
a) Dorante associé au plan de Dubois
"DUBOIS - Oh ! vous m'impatientez avec vos terreurs : Oh que diantre ! un peu de confiance ; vous réussirez, vous dis-je.". Dubois cherche à faire réagir Dorante et à le faire sortir de son pessimisme. En effet, il va rabrouer Dorante par des interjections exclamatives, et le verbe “réussir ” au futur. Il présente ainsi le succès comme assuré.
Ceci s'oppose au terme “terreurs ” qui avait une valeur hyperbolique et qui était associé aux sentiments de Dorante. D'ailleurs la conviction de Dubois est telle qu'il parle rapidement et que les phrases s'enchaînent avec la ponctuation, marquée par l'utilisation de la parataxe.
b) Des obstacles présentés comme surmontables
"Je m'en charge, je le veux, je l'ai mis là". L'anaphore du pronom “je ” (présent 3 fois) montre que Dubois au centre de son plan. Le rythme ternaire met de plus en valeur “je le veux ”.
"nous sommes convenus de toutes nos actions ; toutes nos mesures sont prises". L'utilisation du passé composé permet à Dubois d'associer Dorante à son plan, grâce à sa valeur d'accomplie. De plus la répétition anaphorique de “toutes ” permet de montrer qu'il n'a rien laissé au hasard,
"que tout a été prévu à l'avance" met l'accent sur la stratégie de Dubois.
“je connais l'humeur de ma maîtresse, je sais votre mérite, je sais mes talents, je vous conduis“. L'anaphore de “je” montre là encore que Dubois a le rôle principal, qu'il se met en avant. Cependant, le mot “mérite" montre qu'il estime Dorante . “Je vous conduis” montre que Dorante doit s'en remettre complètement à Dubois.
"et on vous aimera, toute raisonnable qu'on est ; on vous épousera, toute fière qu'on est, et on vous enrichira, tout ruiné que vous êtes, entendez-vous ? " Avec l’utilisation du pronom personnel indéfini “on ” qui qualifie Araminte, Dubois s'associe à elle. L'utilisation répétée du futur qui marque la certitude montre que Dorante n'a pas de raison de s'en faire . Les mots “ruiné ” et “seul ” rappellent la situation de Dorante. La concession “toute raisonnable qu'on est" indique la nuance de l'obstacle qui sera surmontée.
II. Une inversion de l'ordre social
a) Pour réussir, Dubois va devoir prendre le pas sur Araminte
"Fierté, raison et richesse". Par ces trois mots qui qualifient Araminte, Dubois est en train de récapituler les éléments d'une victoire annoncée par un ton vigoureux (rythme ternaire) "il faudra que tout se rende." “se rendre ” est dans le registre militaire
"Quand l'amour parle, il est le maître, et il parlera". Par ce présent de vérité générale, Dubois appuie ses propos. La reprise du verbe “parler ” montre qu'il est sûr de lui, il semble promettre un triomphe amoureux. Le “et ” sous-entend "et je vous garantit", qui marque une formule d'insistance.
b) Dubois prend la première place et s'associe à l'amour
"adieu ; je vous quitte" il peut dorénavant disparaître car il a donné de fortes garanties à Dorante. Il appuie sa sortie et amène à Dorante la situation présente.
"j'entends quelqu'un, c'est peut-être Monsieur Rémy ; nous voilà embarqués; poursuivons. ( Il fait quelques pas, et revient.) À propos, tâchez que Marton prenne un peu de goût pour vous.". Rappel également du complot qui les réunit. L'action est engagée “nous voilà embarqué, poursuivons ”. C'est un rappel qu'il est toujours aux aguets par le “j'entends quelqu'un ” et la didascalie. Il est donc méfiant. La phrase injonctive “tâchez ” montre que Dubois essaye de s'appuyer sur Marton pour envisager ce qu'il faudra faire pour Dorante. Dans un premier temps le but est de cacher les sentiments de Dorante à Araminte.
"L'amour et moi, nous ferons le reste. ". Dubois est le personnage le plus puissant et le plus mystérieux, il paraît également prétentieux.
Conclusion
On peut considérer que l'exposition est achevée, on a vu le rôle de meneur de jeu de Dubois, et on voit maintenant qu'il ne veut pas fausser l'évolution des sentiments ni les évènements qui en découlent. Il se limite à organiser les choses et à en accélérer le rythme.
Le thème central qui rappelle ceux de Molière, est celui du rapport maître/valet, mais, chez Marivaux, le valet mène le jeu. Les milieux sociaux sont mis en avant avec la richesse d'Araminte et la pauvreté de Dorante.