Il s'agit d'un poème écrit par Chassignet, homme de loi catholique qui a vécu entre 1571 et 1635. Il est extrait de Mépris de la vie et consolation contre la mort, qui est son unique œuvre.
La vie y est vue comme un passage avant la mort. L'auteur souligne la fragilité de l'existence humaine dans un paysage naturel changeant par le biais d'une structure argumentative, persuasive, au service de la chrétienté.
I. Volonté argumentative pour l'affirmation d'un mensonge
a) Structure argumentative
Le terme de "preuve" montre qu'il veut prouver quelque chose. Le deuxième quatrain est un parallélisme (même construction): il y a une volonté didactique certaine
Les connecteurs logiques argumentatifs "toutefois", "aussi" amènent l'exemple après deux arguments dans le quatrain. Le pronom englobant "nous" marque volonté d’être cru du lecteur, de l'entraîner dans la croyance de celui qui s’exprime. Les répétitions anaphoriques régulières ont une valeur persuasive.
b) Une vérité troublante : la vie est un passage
Tout le système didactique est mis en place pour affirmer une thèse, une idée générale qui est une sorte d’illusion "la vie est au songe comparable" et "la vie est à l’ombrage comparable" sont deux comparaisons qui assimilent la vie au songe, qualifié de "mensonger", et à l'"ombre" qualifié de "léger", "remuant", "inconstant", "peu stable".
Une réalité paradoxale qui se nie avec le "rien" et le "vain" (vers 1 et 5). C'est une sorte de paradoxe qui s’inscrit dans la nature.
II. Aspect de mouvement comme principe du monde humain
a) La nature comme référence
La nature semble être dans le poème. Elle est le comparant dans le deuxième quatrain "l'arbre d’un verger"
b) Légèreté, mouvance, inconstance
On a cinq adjectifs du champ lexical du mouvement "muable", "remuant", "inconstant", "peu stable", "vagabond". "vagabond muable" est par ailleurs un chiasme représentant le mouvement. Les adjectifs voyagent eux-même, la mouvance du premier quatrain ne se retrouve pas dans le second. Le mouvement est contenu dans les tercets : dans les verbes "entra" et "ressortis" et dans les noms "entrée" et "départ"
La vie ne serait qu’un déguisement de la mort, ce que semblent signifier les enjambements au vers 10 -11 "une preuve assurée... Que cette vie" et au vers 11- 12 "entra soudainement... Le sage Pythagore" où l'on a le passage d'un tercet à l’autre sans ponctuation.
III. Une incantation rassurante
a) Un être angoissé
Le poète a utilisé la forme sûre du sonnet où il respecte les règles et les cadrages : les alexandrins riment sur 5 rimes, les quatrains sur 2 ( A-B), et les tercets sur 3. Les rimes embrasées unissent le 1er et le 2eme tercet, comme pour se rassurer.
Il emploie le terme "assuré". Il éprouve également le besoin de s’appuyer sur un sage "Pythagore" qui est celui qui défini les connaissances, les bases. La chute (concheto) peut paraître obscure mais il reste le "vitement" de la fin.
b) Un chant émouvant
Il faut accepter la vie comme un passage comme semble l'enseigner la sagesse antique et chrétienne. Il faut savoir renoncer à la vie de façon stoïque. Le poème à le don d'émouvoir le chrétien pour l’amener à un acceptation raisonnable. Le poète se donne comme un chant pour apaiser.
Le songe et la vie ne sont que des déguisements, des illusions. Le poème berce l’âme, les sonorités nasales revenant en assonances régulières. Les parallélismes et anaphores, allitérations en [s] qui pourraient paraître trompeuses sont douces à l’oreille et au cœur. Il y a la volonté ici d’émouvoir le chrétien.
Conclusion
Ce poème se veut rassurant. Derrière ce poème, le lecteur sent la présence de Dieu, qui est la vérité. Il est imprégné de l'esthétique baroque cultivant l'instabilité : on perçoit un monde d'illusion, où la mort est omniprésente.
Chassignet témoigne ainsi de son temps, représentatif de la prise de conscience du fait que l'homme crée le paradoxe par lequel il est enfermé. Le monde de l'homme est marqué par la fragilité, l'inconstance et s'oppose à l'absolu, à l’immuable divin.