Racine, Britannicus - Acte II, scène 2

Commentaire entièrement rédigé en trois parties :
I. Une déclaration d’amour de Néron pour Junie, dans un mélange de fascination et de mystère,
II. Un révélateur de l’inégalité entre les personnages et de leur personnalité,
III. Un jeu de sadisme et de masochisme qui agit sur les relations entre les personnages

Dernière mise à jour : 16/03/2021 • Proposé par: paulb (élève)

Texte étudié

NARCISSE.

GRaces aux Dieux, Seigneur, Junie entre vos mains

Vous aſſure aujourd’huy du reſte des Romains.
Vos Ennemis, déchûs de leur vaine eſperance
Sont allez chez Pallas pleurer leur impuiſſance.
Mais que vois-je ? Vous-meſme inquiet, étonné,
Plus que Britannicus paroiſſez conſterné.
Que preſage à mes yeux cette triſteſſe obſcure,
Et ces ſombres regards errans à l’avanture ?
Tout vous rit. La Fortune obeït à vos vœux.

NERON.
Narciſſe c’en eſt fait. Neron eſt amoureux.

NARCISSE.
Vous ?

NERON.
Depuis un moment, mais pour toute ma vie,

J’aime (que dis-je aimer ?) j’idolatre Junie.

NARCISSE.
Vous l’aimez ?

NERON.
Excité d’un deſir curieux

Cette nuit je l’ay veuë arriver en ces lieux,
Triſte, levant au Ciel ſes yeux moüillez de larmes,
Qui brilloiẽt au travers des flambeaux & des armes,

Belle, ſans ornement, dans le ſimple appareil
D’une Beauté qu’on vient d’arracher au ſommeil.
Que veux-tu ? Je ne ſçay ſi cette negligence,
Les ombres, les flambeaux, les cris, & le ſilence,
Et le farouche aſpect de ſes fiers raviſſeurs,
Relevoient de ſes yeux les timides douceurs.
Quoy qu’il en ſoit, ravy d’une ſi belle veuë,
J’ay voulu luy parler & ma voix s’eſt perduë :
Immobile, ſaiſi d’un long eſtonnement
Je l’ay laiſſé paſſer dans ſon appartement.
J’ay paſſé dans le mien. C’eſt là que ſolitaire
De ſon image en vain j’ay voulu me diſtraire.
Trop preſente à mes yeux je croyois luy parler
J’aimois juſqu’à ſes pleurs que je faiſois couler.
Quelquefois, mais trop tard, je luy demandois grace ;
J’employois les ſoûpirs, & meſme la menaſſe.
Voilà comme occupé de mon nouvel amour
Mes yeux ſans ſe fermer ont attendu le jour.
Mais je m’en fais peut-eſtre une trop belle image
Elle m’eſt apparuë avec trop d’avantage,
Narciſſe, qu’en dis-tu ?

NARCISSE.
Quoy, Seigneur, croira-t-on

Qu’elle ait pû ſi long-temps ſe cacher à Neron ?

NERON.
Tu le ſçais bien, Narciſſe. Et ſoit que ſa colere

M’imputaſt le mal-heur qui luy ravit ſon Frere,
Soit que ſon cœur jaloux d’une auſtere fierté
Enviaſt à nos yeux ſa naiſſante beauté,
Fidelle à ſa douleur, & dans l’ombre enfermée
Elle ſe déroboit même à ſa Renommée.
Et c’eſt cette vertu ſi nouvelle à la Cour
Dont la perſeverance irrite mon amour.

Quoy, Narciſſe ? Tandis qu’il n’eſt point de Romaine
Que mon amour n’honore & ne rende plus vaine,
Qui dés qu’à ſes regards elle oſe ſe fier
Sur le cœur de Ceſar ne les vienne eſſayer :
Seule dans ſon Palais la modeſte Junie
Regarde leurs honneurs comme une ignominie,
Fuit, & ne daigne pas peut-eſtre s’informer
Si Ceſar eſt aimable, ou bien s’il ſçait aimer ?
Dy moy : Britannicus l’aime-t-il ?

NARCISSE.
Quoy s’il l’aime,

Seigneur ?

NERON.
Si jeune encor ſe connoiſt-il luy même ?

D’un regard enchanteur connoiſt-il le poiſon ?

NARCISSE.
Seigneur, l’amour toûjours n’attend pas la raiſon.

N’en doutez point, il l’aime. Inſtruits par tant de charmes
Ses yeux ſont déja faits à l’uſage des larmes.
A ſes moindres deſirs il ſçait s’accommoder,
Et peut-eſtre déja ſçait-il perſuader.

NERON.
Que dis-tu ? Sur ſon cœur il auroit quelque empire ?

NARCISSE.
Je ne ſçay. Mais, Seigneur, ce que je puis vous dire,

Je l’ay veû quelquefois s’arracher de ces lieux,
Le cœur plein d’un courroux qu’il cachoit à vos yeux,
D’une Cour qui le fuit pleurant l’ingratitude,
Las de voſtre grandeur, & de ſa ſervitude,
Entre l’impatience & la crainte flottant ;
Il alloit voir Junie, & revenoit contant.

NERON.
D’autant plus malheureux qu’il aura ſçû luy plaire,

Narciſſe, il doit plûtoſt ſouhaiter ſa colere.
Neron impunément ne ſera pas jaloux,

NARCISSE.
Vous ? Et de quoy, Seigneur, vous inquietez-vous ?

Junie a pû le plaindre & partager ſes peines,
Elle n’a veu couler de larmes que les ſiennes.
Mais aujourd’huy, Seigneur, que ſes yeux deſſillez
Regardant de plus prés l’éclat dont vous brillez,
Verront autour de vous les Rois ſans diadéme,
Inconnus dans la foule, & ſon Amant luy-même,
Attachez ſur vos yeux s’honorer d’un regard
Que vous aurez ſur eux fait tomber au haſard,
Quand elle vous verra de ce degré de gloire,
Venir en ſoûpirant avoüer ſa victoire,
Maiſtre n’en doutez point, d’un cœur déja charmé
Commandez qu’on vous aime, & vous ſerez aimé.

NERON.
A combien de chagrins il faut que je m’appreſte !

Que d’importunitez !

NARCISSE.
Quoy donc ? qui vous arreſte,

Seigneur ?

NERON.
Tout. Octavie, Agrippine, Burrhus,

Senecque, Rome entiere, & trois ans de vertus.
Non que pour Octavie un reſte de tendreſſe
M’attache à ſon hymen, & plaigne ſa jeuneſſe.
Mes yeux depuis long-temps fatiguez de ſes ſoins,
Rarement de ſes pleurs daignent eſtre témoins.
Trop heureux ſi bien-toſt la faveur d’un divorce,
Me ſoulageoit d’un joug qu’on m’impoſa par force.

Le Ciel même en ſecret ſemble la condamner.
Ses vœux depuis quatre ans ont beau l’importuner.
Les Dieux ne mõtrent point que ſa vertu les touche :
D’aucun gage, Narciſſe, ils n’honorent ſa couche.
L’Empire vainement demande un heritier.

NARCISSE.
Que tardez-vous, Seigneur, à la repudier ?

L’Empire, voſtre cœur, tout condamne Octavie.
Auguſte, voſtre ayeul, ſoûpiroit pour Livie,
Par un double divorce ils s’unirent tous deux,
Et vous devez l’Empire à ce divorce heureux.
Tibere, que l’Hymen plaça dans ſa famille,
Oſa bien à ſes yeux repudier ſa Fille.
Vous ſeul juſques icy contraire à vos deſirs
N’oſez par un divorce aſſurer vos plaiſirs.

NERON.
Et ne connois-tu pas l’implacable Agrippine ?

Mon amour inquiet déja ſe l’imagine,
Qui m’ameine Octavie, & d’un œil enflammé
Atteſte les ſaints droits d’un nœud qu’elle a formé,
Et portant à mon cœur des atteintes plus rudes,
Me fait un long recit de mes ingratitudes.
De quel front ſoûtenir ce fâcheux entretien ?

NARCISSE.
N’eſtes vous pas, Seigneur, voſtre Maiſtre, & le ſien ?

Vous verrons-nous toûjours trẽbler ſous ſa Tutelle ?
Vivez, regnez pour vous. C’eſt trop regner pour Elle.
Craignez-vous ? Mais, Seigneur, vous ne la craignez pas.
Vous venez de bannir le ſuperbe Pallas,
Pallas, dont vous ſçavez qu’elle ſoûtient l’audace.

NERON.
Eſloigné de ſes yeux j’ordonne, je menaſſe,

J’écoute vos conſeils, j’oſe les approuver,
Je m’excite contre-elle & tâche à la braver.
Mais (je t’expoſe icy mon ame toute nuë)
Si-toſt que mon mal-heur me rameine à ſa veuë,
Soit que je n’oſe encor démentir le pouvoir
De ces yeux, où j’ay lû ſi long-temps mon devoir,
Soit qu’à tant de bien-faits ma memoire fidelle,
Luy ſoûmette en ſecret tout ce que je tiens d’elle,
Mais enfin mes efforts ne me ſervent de rien,
Mon Genie étonné tremble devant le ſien.
Et c’eſt pour m’affranchir de cette dépendance
Que je la fuy par tout, que même je l’offenſe,
Et que de temps en temps j’irrite ſes ennuis
Afin qu’elle m’évite autant que je la fuis.
Mais je t’arreſte trop. Retire-toy, Narciſſe.
Britannicus pourroit t’accuſer d’artifice.

NARCISSE.
Non, non, Britannicus s’abandonne à ma foy.

Par ſon ordre, Seigneur, il croit que je vous voy,
Que je m’informe icy de tout ce qui le touche
Et veut de vos ſecrets eſtre inſtruit par ma bouche.
Impatient ſur tout de revoir ſes amours
Il attend de mes ſoins ce fidelle ſecours.

NERON.
J’y conſens : porte luy cette douce nouvelle :

Il la verra.

NARCISSE.
Seigneur banniſſez-le loin d’elle.

NERON.
J’ay mes raiſons, Narciſſe, & tu peux concevoir,

Que je luy vendray cher le plaiſir de la voir.
Cependant vante luy ton heureux ſtratagême.
Dy-luy qu’en ſa faveur on me trompe moy-même,
Qu’il la voit ſans mon ordre. On ouvre, la voicy.
Va retrouver ton Maiſtre & l’amener icy.

Racine, Britannicus - Acte II, scène 2

Britannicus est une tragédie en 5 actes et en alexandrins de Jean Racine, représentée pour la première fois le 13 décembre 1669 à l’Hôtel de Bourgogne. Fait notable, Britannicus est la première tragédie classique racinienne à puiser son inspiration dans l’histoire romaine, source de très nombreuses pièces de l’époque classique. Par la suite, Racine s’inspira largement de l’histoire romaine, par exemple en y puisant le sujet de sa pièce Bérénice. Dans de nombreuses tragédies raciniennes, la passion, qu’elle soit amoureuse ou politique, détruit des personnages pourtant tout-puissants, qui tentent de lutter contre elle ; le plus souvent, cette trame est mêlée à une intrigue politique. En outre, Racine applique dans ses pièces le principe aristotélicien de catharsis des sentiments, en jouant à la fois sur la terreur et la pitié. Britannicus n’échappe à la règle : la scène 2 de l’acte II constitue un dialogue en alexandrins et en rimes suivies, entre Néron et Narcisse, le gouverneur de Britannicus son frère, qu’il a écarté du trône. Néron vient d’enlever Junie, amoureuse de Britannicus, de qui il tombe amoureux. C’est précisément ce que raconte cette scène. Or, un problème se pose pour Néron : comment être aimé de la femme qu’il vient de kidnapper ? On peut ainsi se demander comment Racine s’y prend exprimer des sentiments contradictoires relevant de l’ambivalence du personnage de Néon, à la fois amoureux transi et personnage sadique et sans limites.

Pour répondre à cette question plus précisément, nous verrons dans un premier temps que l’extrait constitue une déclaration d’amour de Néron pour Junie, dans un mélange à la fois de fascination et de mystère. Dans un deuxième temps, il convient de se pencher sur le fait que cette scène agit comme un révélateur de l’inégalité qui régit les rapports entre les personnages, et par extension agit comme un révélateur des personnalités des personnages. Enfin dans une dernière partie, nous nous pencherons sur les subtils jeux de sadisme et de masochisme qui régissent l’ensemble du texte, qui agit sur les relations entre les personnages, tantôt bourreaux, tantôt victimes.

I. Une déclaration d’amour de Néron pour Junie, dans un mélange de fascination et de mystère

Cette scène reprend un motif traditionnel du théâtre, celui de la déclaration d’amour. Racine, le maître des passions, ne déroge pas à la règle en présentant, dans un dialogue entre Néron et Narcisse, les sentiments de l’empereur pour Junie.

En effet au théâtre, le monologue est le signe que le personnage exprime ses vrais sentiments, sans « jouer un rôle », mais aussi un moyen de méditer sur une situation problématique. Pensons à la tirade de Lorenzo dans Lorenzaccio ou encore aux tirades d’Hamlet dans les pièces éponymes. Certes, il ne s’agit pas ici à proprement parler d’un monologue dans la mesure où le personnage de Narcisse est là pour interagir avec Néron. Cependant, Narcisse n’a dans cette scène qu’un rôle très limité. Ses paroles sont a priori inutiles et vide de sens. Tout du moins, on peut considérer le passage des vers 386 au vers 408 comme une tirade. En effet, Néron fait un développement relativement long et de manière ininterrompue sur le thème de son amour pour Junie et de son enlèvement. Un développement aussi long témoigne de la volonté d’exposer aux spectateurs les véritables sentiments de Néron : on entre véritablement dans son intellect, dans ses pensées, par exemple au vers 395 : « ravi d’une si belle vue ». On accède aussi bien à ses sentiments qu’à ses souvenirs, au point de pouvoir considérer ce texte comme une introspection de Néron.

Mais le principal thème de cette scène est la description de la femme aimée. La rencontre avec Junie apparaît presque comme une découverte mystique, puisque Néron l’a rencontrée en étant « excité d’un désir curieux ». Est curieux ce qui est bizarre, étrange, singulier. Le désir qui pousse Néron est donc issu d’une source inconnu ; il ne sait pas pourquoi il la voit. Compris dans un autre sens, « curieux » peut vouloir dire « qui est propre à inspirer le désir de voir et de savoir ». Ainsi Néron est poussé vers Narcisse comme par une force mystique. Néron est d’ailleurs excité par un désir curieux : le pronom indéfini montre bien ici que Néron n’est pas capable de comprendre et d’appréhender le sentiment qui le pousse vers elle.

La réplique « Depuis un moment, mais pour toute ma vie » (v.383) traduit bien le fait que Néron a eu un « coup de foudre ». Néron est tombé amoureux très rapidement (« un moment ») ; en revanche, c’est un sentiment très fort qui le prend, comme en témoigne ensuite toute la suite de la scène, qui n’est qu’une longue déclaration d’amour. L’amour profond que ressent Néron est en même temps accentué par l’antithèse entre ces deux idées : face à la brièveté du moment depuis quand Néron est amoureux, il oppose « toute sa vie », comme une promesse d’engagement et une promesse de la solidité de ses sentiments. Lorsque Néron avoue ses sentiments, il commet un blasphème : « J’aime (que dis-je aimer ?), j’idolâtre Junie. » Junie est en effet placée au rang d’idole, c’est-à-dire la représentation d’une divinité sous forme matérielle. C’est un blasphème dans la mesure où les seules choses qu’on peut idolâtrer (ou dans son sens étymologique adorer), ce sont bien les images pieuses, en accord avec la religion. La phrase est d’autant plus marquante qu’elle contient une double allitération en « j » et en « i », insistant sur le parallèle entre l’idole et Junie.

Néron accorde une valeur très importante à Junie, dans la mesure où il la fait garante — si ce n’est la dernière garante — de la vertu. En effet, Néron évoque au vers 417 « cette vertu, si nouvelle à la cour » qui consiste « simplement » à se refuser à Néron. Aussi, elle considère les « honneurs » des hommes comme une « ignominie » (v.424), c’est-à-dire qu’elle refuse de s’offrir aux hommes, tout comme la Vierge Marie est restée pure. Cette phrase d’une part souligne la vertu de Junie, mais d’autre part donne de la cour de Néron une image pitoyable : la cour semble être un lieu de débauche et de luxure, où la vertu n’existe pas. Ne peut-on pas y voir un clin d’œil de la part de Racine à la cour du roi Louis XIV, uniquement tournée vers la luxure ? Néron évoque aussi la « modeste Junie » (v.423). Ainsi, Junie réunie au moins dans ce passage deux des sept vertus catholiques, à savoir chasteté et modestie.

Qui plus est, ces qualités morales sont doublées de qualités physiques qui, pour certains philosophes de l’Antiquité — Platon notamment —, sont intimement liées. Ainsi, Junie est décrite comme « belle, sans ornements, dans le simple appareil, d’une beauté qu’on vient d’arracher ai sommeil ». Ces deux vers très riches témoignent notamment du fait que la modestie dont fait preuve Junie se retrouve aussi dans son apparence : elle est sans ornements, c’est-à-dire sans décorations superflues, dans le « simple appareil ». L’antithèse entre « belle » et « sans ornement » est d’ailleurs bien là pour montrer que Junie n’a pas besoin d’ornements pour être belle. Sa beauté naturelle, presque virginale, lui suffit à être désirable. L’expression de « simple appareil » peut désigner aussi bien le fait que Junie soit habillée de manière simple que renvoyer à l’idée que, tout comme Ève qui rappelons-le vivait « dans le plus simple appareil », Junie est une créature divine qui n’a pas besoin de fioritures (représentation du mal, de l’hypocrisie) pour être belle. Pensons ainsi à la Naissance de Vénus de Boticcelli, qui représente la naissance de Vénus, déesse de l’amour et de la séduction, elle aussi nue. On pourrait extrapoler en disant que Junie, qui présente quelques similitudes avec Ève (pure, nue…), est en train d’être corrompue par le « diable », c’est-à-dire Néron. On peut aussi remarquer que Néron fait transporter Junie dans une autre pièce, tout comme Ève qui est expulsée du paradis. La beauté de Junie est soulignée par un polyptote « Belle (…) d’une beauté… ». Cette figure permet bien sûr d’insister sur sa beauté, mais aussi est-ce peut-être un moyen de dire que la beauté de Junie s’autosuffit à elle-même : la beauté de Junie trouve sa propre fin en soi, dans sa propre beauté. Ainsi, on a l’idée que cette beauté n’est pas faite pour séduire les hommes, ni pour être montrée, exhibée. Au contraire, elle est tournée vers elle-même, autant pour dire que la beauté de Junie est quelque chose d’imprenable que pour évoquer la pureté dont Junie fait preuve.

L’image tient dans cette un scène un rôle fondamental : c’est en effet en la voyant que Néron tombe amoureux de Junie : « Cette nuit, je l’ai vue arriver en ces lieux ». L’image de Junie va ainsi hanter Néron, comme en témoigne la double répétition du mot « image » (v.400 et v.407). On peut en quelque sorte dire que Junie hante Néron, il n’arrive pas à se détacher de son image. C’est d’ailleurs ce que fait cette scène : elle n’est qu’un souvenir, une « image », que Néron se répète dans sa mémoire. Logiquement, cette image de Junie est rendue possible par la capacité de voir. Encore une fois, une isotopie parcourant le texte (« vue » v.387 ; « vue » v.395 ; « yeux » v.406 ; « regard » v.421 ; etc.) témoigne de l’importance qu’a le regard. On pourrait presque, sans mauvais jeu de mots, que Néron n’y croit pas ses yeux. De même, l’importance de la vision est prouvée par le fait que Néron désigne Junie par une phrase, « une si belle vue » (v.395) témoignant bien sûr de la beauté de Junie, mais aussi du fait que Junie est réduite à l’état de vision ; elle n’est pas une personne reconnue comme telle, mais simplement une image, une vue, créée dans le cerveau de Néron et demeurant dans sa mémoire. On lui nie ses qualités humaines pour ne la ramener qu’au stade de l’image.

II. Un révélateur de l’inégalité entre les personnages et de leur personnalité

Derrière cette scène de déclaration d’amour flamboyante se cache une autre réalité. On peut en effet percevoir dans un texte que les relations entre les personnes sont inégales et tendent à révéler une autre facette de chaque personnage.

Cette scène constitue a priori un dialogue : deux personnages qui discutent, Néron et Narcisse. Ainsi à plusieurs reprises, les personnages se répondent, de sorte que lorsqu’un personnage a fini de parler, il ne finit pas un vers, mais laisse le soin à l’autre de le finir. C’est le cas aux vers 385 et 386 ou encore aux vers 408 et 409, ou encore aux vers 382 et 383 : « Narcisse : Vous ? - Néron : Depuis un moment, mais pour toute ma vie». Les personnages semblent ainsi constamment se répondre, de sorte que cet échange témoigne aussi du rapport de proximité qui existe entre les deux personnages. Tout du moins, Néron est assez proche de Narcisse pour pouvoir se confier à lui.

Face à cette apparente égalité, on relève tout de même une nette prédominance de Néron sur Narcisse, qui n’est que simple gouverneur de Britannicus. Cette prédominance se retrouve dans la taille des discours des deux protagonistes : Néron domine l’ensemble de la discussion avec des vers 386 à 408 une petite tirade. En un sens, le personnage de Narcisse ne sert pas ici à grand-chose : il est simplement réduit aux répliques « Vous ? » ; « Vous l’aimez ? » et « Quoi ? Seigneur, croira-t-on qu’elle ait pu si longtemps se cacher à Néron ? ». À chaque fois, le personnage est là pour poser des questions, sommes toutes inutiles, mais qui permettent de raviver les émotions de Néron, qui permettent d’entretenir le monologue de Néron. Le meilleur exemple serait sûrement les deux questions rhétoriques de Narcisse, « Vous ? » et « Vous l’aimez », auxquelles Néron ne prend même pas la peine de répondre. En un certain sens, on peut donc dire que cet extrait constitue un monologue, dans lequel le personnage de Narcisse s’efface devant Néron.

La domination de Néron se retrouve dans le texte. Narcisse l’appelle ainsi « Seigneur » (409), terme qui peut aussi bien renvoyer au gouverneur qu’à Dieu. Il peut donc s’agir d’un blasphème permettant à Narcisse de vanter la personne de Néron en le plaçant au rang d’une divinité. Narcisse parle aussi de Néron à la troisième personne du singulier : « Croira-t-on qu’elle ait pu si longtemps se cacher à Néron ? ». Le fait de parler d’un personnage présent sur scène à la troisième personne donne l’impression que la personne concernée est « inaccessible », comme si on parlait d’un concept plus que d’une personne. Néron apparaît comme une entité inviolable, intouchable, placée sur un piédestal. C’est en même temps un personnage craint et estimé. De plus, les vers 409 et 410 — « Quoi ? Seigneur, croira-t-on qu’elle ait pu si longtemps se cacher à Néron ? » — constitue un modèle de flatterie. Narcisse montre en effet dans ces deux vers tout le talent de courtisan dont il est capable, puisqu’il insiste ici sur l’idée que personne ne peut se cacher de Néron, tant en raison de sa puissance qu’en raison de son charme. On pourrait lire en filigrane une critique adressée aux courtisans, juste bons à flatter l’égo du roi. Pensons par exemple au poème de Du Bellay, « Seigneur je ne saurais regarder d’un bon œil » où il écrit à propos des courtisans : « Plutôt auront-ils (les courtisans) vu, afin de lui (le roi) complaire / La lune en plein midi, à minuit le soleil ». Cela montre donc que Narcisse est soumis au pouvoir de Néron.

Le choix du prénom « Narcisse » : certes Narcisse est un personnage historique, proche de Néron (Tiberius Claudius Narcissus). Cependant, le nom Narcisse peut aussi renvoyer au personnage de Narcisse qui, dans la mythologie grecque, finit par mourir, car trop obsédé par son propre reflet. Ici, Narcisse apparaît donc comme l’antithèse de Néron : tandis que Narcisse est un personnage incapable d’aimer quelqu’un d’autre que soi, Néron est un personnage complètement épris d’amour, se donnant corps et âme à une femme. On a donc un contraste tout du moins suggéré par le nom de Narcisse et les paroles de Néron. En bref, face aux valeurs d’égoïsme et d’égocentrisme que porte le nom Narcisse, Néron est un personnage passionné. C’est ainsi que Narcisse est étonné lorsque que Néron lui avoue être amoureux : « Vous ? » se contente-t-il de répondre quand Néron lui avoue ses sentiments. L’utilisation la plus simple du pronom dans une phrase interrogative non verbale traduit bien cet étonnement : il semble être pris de court et ne pas savoir quoi répondre, comme s’il n’y croyait pas. En bref, un personnage incapable de comprendre l’amour. Cette opposition ne fait qu’accentuer encore la profondeur des sentiments de Néron.

De même, face à la beauté simple, sans superflu de Junie ainsi que la modestie et l’honneur dont elle fait preuve, Néron apparaît comme un personnage sans cesse victime du pêché de démesure ou, pour reprendre un terme grec, d’hubris, c’est-à-dire un sentiment violent inspiré par les passions. Cela se retrouve dans le comportement de Néron dans la mesure où celui-ci agit comme s’il dominait tout le monde, avec un comportement à l’opposé de la modestie — comme le prouve le fait qu’il parle de lui à la troisième personne, par exemple dans les vers 425-426. De plus, il utilise à plusieurs reprises l’adverbe « trop » qui peut traduire aussi bien la force que l’excès : « trop belle image » ; « trop d’avantage » (407-408). Quand bien même ces adverbes sont utilisés pour décrire la beauté de Junie, cela dénote bien l’hubris, l’excès dont fait preuve Néron lorsqu’il peint le portrait de celle qu’il aime. Qui plus est, Néron semble être un personnage rongé par le vice. En effet, en plus de faire preuve d’une certaine hubris, fait preuve de curiosité : « Excité d’un désir curieux ». D’une part, le terme « excité » renvoie à un état d’irritation, de tension nerveuse, mais aussi dans un autre sens le fait d’éveiller chez quelqu’un un désir physique. Cela laisse sous-entendre que Néron est incapable de se maîtriser, de gérer ses émotions, aussi bien sur le plan purement psychologique que dans la gestion de ses pulsions, en l’occurence ici les pulsions sexuelles. De plus, la curiosité dont fait preuve Néron n’est pas ici à comprendre dans un sens de recherche, de compréhension du monde intelligible. Il s’agit bien ici de la curiosité comme vice que Thomas d’Aquin opposait à la studiosité. En bref, Néron est encore une fois dans le péché : il s’agit bien d’une curiosité malsaine.

III. Un jeu de sadisme et de masochisme qui agit sur les relations entre les personnages

Cette scène constitue aussi dans une large mesure le moyen pour le spectateur de découvrir tout le caractère sadique de Néron. Cependant, face à cette apparente domination de Néron, on peut découvrir que se cache un véritable tissu de liens sado-masochistes unissant les personnages.

Le sadisme de Néron se retrouve aussi dans le fait qu’il exulte d’avoir enlevé Junie. En effet, cette scène montre que Néron essaie de revivre dans son esprit les quelques moments où il a été en contact avec Junie. Il prend un plaisir sadique à rejouer la scène, dans la mesure où peu lui emporte les pleurs de Junie, puisqu’il a effectivement pour lui Junie : « Sa colère / m’imputât le malheur qui lui ravit son frère ». En ce sens, la structure de la scène est intéressante pour comprendre ce jeu de récits enchâssés. À partir du vers 387, Néron fait le récit de la nuit passée. Cette scène constitue en fait une hypotypose, durant laquelle le cadre spatio-temporel est donné (« cette nuit » ; « en ces lieux »). De plus, Néron utilise un imparfait avec une valeur de description : « ses yeux brillaient » ; « ses fiers ravisseurs relevaient ». Cette hypotypose permet de faire la description d’une scène que les spectateurs n’ont pas vue, mais décrite de telle façon que les spectateurs aient l’impression de la vivre en direct. Il s’agit pour Néron d’un moyen de revivre le passé, comme s’il voulait rattrapé le passé pour pouvoir de nouveau la revoir. Mais à partir du vers 399, on entre dans un deuxième moment où Néron rejoue la scène durant toute une nuit. Il « croit la voir », il veut se « distraire de son image ». Et ainsi « Mes yeux sans se fermer ont attendu le jour ». Ce vers permet de montrer que Néron est devenu complètement accroc à Junie, au point qu’il ne puisse plus fermer les yeux. Cette hyperbole pourrait être comprise comme le moyen pour Néron de ne pas oublier l’image de Junie ou, tout du moins, comme un moyen pour constamment la revoir. C’est donc un amour à sens unique ; un amour qui lui procure du plaisir (comme en témoigne le fait qu’il répète la scène dans sa tête) mais surtout un amour destructeur pour Néron. Enfin si cela ne suffisait pas, il est dit que Néron « aimai(t) jusqu’à jusqu’à ses pleurs qu(‘il) faisai(t) couler » (v. 402). Tandis qu’on cherche traditionnellement à plaire à l’être aimé, à le satisfaire, Néron prend un plaisir évident à voir pleurer Junie, pleurs dans lesquels il voit une raison supplémentaire de l’aimer. C’est donc une relation sado-masochiste dans laquelle l’amour de Néron est tel qu’il n’est même plus capable de prendre conscience de la douleur qu’il produit. Ses pleurs n’ont plus d’importance ; c’est un détail qui s’efface derrière la beauté de Junie.

L’amour que Junie refuse à Néron peut décelée au vers 391, lorsque Néron évoque la « négligence » de Junie. Le terme a au temps de Racine un sens de nonchalance, d’indifférence. Le fait que Junie se refuse à Néron énerve particulièrement ce dernier, comme trahit l’expression « Quoi, Narcisse ! » (v. 409). Cette exclamation avec l’interjection « quoi », doublée d’un point d’exclamation montrant l’intensité avec laquelle le propos doit être déclaré ainsi que l’adresse personnelle à Narcisse permet de montrer toute la frustration de Néron. Le personnage, qui pourtant a le pouvoir, perd ses moyens au point de devoir d’énerver. La raison est simple : il s’agit de la persévérance de Junie à se refuser à lui : « cette vertu (…) dont la persévérance irrite mon amour » (v. 417-418). Le terme « irriter » peut ici être compris de deux manières : compris au sens propre, le terme peut vouloir dire « mettre en colère ». Dans ce cas, l’énervement de Néron la conséquence de sa frustration. Mais au sens figuré, le terme peut avoir le sens d’ « augmenter, exciter, rendre plus fort, plus violent ». Compris ainsi, Néron voudrait dire par là que le refus de Junie est aussi quelque chose qui fait que son amour pour elle ne va qu’en grandissant. Néron est donc enfermé dans un cercle vicieux où, plus Junie se refuse à elle, plus il l’aime. On voit là tous les jeux de pouvoir que les deux personnages ont entre eux : la relation ne se limite pas à une domination de Néron sur Junie comme on serait d’abord tenté de le croire. En réalité, Junie dispose d’un pouvoir conséquent, dans la mesure où elle est maîtresse des émotions de Néron. On est donc ici dans un jeu de sadisme et de masochisme où ceux qui semblent détenir le pouvoir sont en fait les éléments les plus soumis. Ce jeu entre sadisme et masochisme est d’ailleurs souligné au vers 404 : « J’employais les soupirs, et même la menace ». Néron, car ne sachant que faire pour rattraper Junie, utilise à la suite deux moyens antithétiques, à savoir la peur (la menace) et la douceur (les soupirs).

Mais face à Junie, Néron, le fier empereur qui n’hésite pas à user de la force, se trouve soudain désemparé. Sa force physique ou son pouvoir ne lui permettent plus rien ici. Ce contraste saisissant est souligné par l’opposition qui est faite au vers 396 : « J’ai voulu lui parler, et ma voix s’est perdue ». On a ici une claire opposition entre d’un côté l’action (parler) et le vouloir (« voulu »), et de l’autre une entité invisible (la voix) qui n’est capable de rien (elle se perd). L’utilisation d’un verbe pronominal (« se perdre ») permet ici d’insister sur le fait que Néron n’est plus vraiment maître de lui-même face à Junie ; l’action se fait sans lui, sa voix refuse de s’exprimer… et il n’a aucun pouvoir là-dessus. Ainsi face à Junie, il n’a plus aucun pouvoir.

Le fait que Néron soit face à Junie complètement incapable d’action est d’ailleurs souligné au vers suivant : « Immobile, saisi d’un long étonnement » (397). Face à l’étonnement (dont la dimension grandement philosophique est à souligner), c’est-à-dire face à ce sentiment de surprise provoqué par quelque chose d’inattendu ou d’extraordinaire, Néron reste « immobile ». Réduit à l’état de statut, il est incapable de bouger (« i » privatif suivi du radical mobile), d’autant plus que la ponctuation semble indiquer que Néron est isolé du reste, comme dans un monde à part : le mot immobile est ainsi rejeté en début de phrase et séparé du reste du vers par une virgule, comme une séparation. Cette virgule impose aussi au lecteur ou au comédien de faire une pause, et ainsi de ralentir le rythme, ce qui correspond parfaitement au sentiment de longueur que veut donner ce vers. Le terme « saisi » peut ici être compris de différentes manières : il peut d’une part désigner le fait que Néron est tout simplement pris d’un long étonnement ; mais il peut aussi avoir un sens beaucoup plus fort. Néron est en fait victime d’une sorte de ravissement, il est pris entier comme prisonnier de Junie. Le mot « ravi » est d’ailleurs présent au vers 395 : « ravi d’une si belle vue ». Le terme peut être compris de deux manières : il peut d’une part avoir le sens de « charmer » ; dans ce cas, le terme signifie simplement l’admiration que peut avoir Néron pour Junie. D’autre part, le terme peut avoir (comme l’indique l’étymologie du mot, rapere, entraîner avec soi, enlever de force) le sens d’enlèvement de force. Et dans ce cas, le vers se double d’un sens beaucoup plus profond : Néron est véritablement enlevé, kidnappé, par la beauté de Junie. Il s’est lui-même fait le prisonnier de Junie en voyant son image. Lorsque Néron dit : « Narcisse, c’en est fait, Néron est amoureux. », Néron parle en fait de lui à la troisième personne du singulier. Là encore, cela traduit tout l’orgueil du personnage. Il évoque le fait de tomber amoureux comme une fin, un processus psychologique qui se terminerait par un absolu : celui d’être amoureux. C’est ce que traduit le « c’en est fait ». Il donne l’impression qu’il s’agit d’une véritable conquête, qui est en même temps une espèce de jeu du destin, une fatalité, un peu à la manière du Alea jacta est. En quelque sorte, Néron est lui-même pris au piège : il n’a plus été son propre maître à partir du moment où il a rencontré Junie.

Le fait que Junie soit vue comme un personnage sadique (bien malgré elle) est encore confirmé par le faire qu’elle semble hanter Néron. En effet, la scène se passe dans les mêmes lieux que là où est passé Junie : « Cette nuit, je l’ai vue arriver en ces lieux » (v. 387). Néron reste dans les lieux par lesquelles elle est passée, sans doute parce que ses yeux ont une certaine dimension mystique, due au simple fait que Junie soit passée par là. De plus, Néron déclare que « de son image en vain j’ai voulu me distraire / Trop présente à mes yeux je croyais lui parler » (v. 400-401). L’adverbe « trop » est ici bien sûr utilisé pour désigner un excès : elle lui semble en effet si proche qu’il est capable de la voir… quand bien même elle n’est pas. La présence de Junie s’apparente donc presque à une apparition fantomatique, ou tout du moins à une entité mystique capable d’apparition — quand bien même ces images sont en fait créées par Néron. De même, il veut se détourner de son image, mais n’y arrive pas ; son image est comme un cauchemar que l’on voudrait effacer, un fantôme qui le hante. Le plaisir de voir l’être aimé se transforme petit à petit en une souffrance masochiste.

Conclusion

Le motif de la déclaration amoureuse est un motif récurrent de la littérature ; pensons par exemple à la tirade du baiser dans Cyrano (III, 10). Britannicus n’innove donc pas en proposant une scène où le héros, Néron, déclare sa flamme à Junie. Du moins en apparence. En effet, il apparaît a priori que cet extrait est une brillante déclaration d’amour, réunissant en outre des topos de la littérature concernant l’amour, comme les flammes. Cependant, la particularité de ce texte réside dans le fait qu’il s’agit ici d’une déclaration, va-t-on dire, à sens unique, dans la mesure où tandis que Néron est fou amoureux de Junie, Junie ne peut en retour lui offrir qu’un refus et des larmes. Cette scène joue donc particulièrement sur un jeu de rapports de force et de domination entre les personnages. En apparence, Néron semble dominer Narcisse aussi bien que Junie. Mais en réalité, ne pouvons-nous pas voir dans ce texte, inscrit en filigrane, un complexe jeu de pouvoir où Narcisse a le rôle du parfait servant, et Junie un rôle sadique ? Comme nous avons pu le voir, la supériorité et la domination de Néron sont ici en partie remises en question dans la mesure où il semble particulièrement affecté par le refus de Junie de s’offrir à lui. Or, les sentiments de Néron sont en fait partagés entre un amour sans limites pour elle et une haine tout aussi égale, l’un ne faisant qu’augmenter l’autre et inversement ; d’où un subtil jeu entre sadisme et masochisme.