Céline est un romancier du XXéme siécle qui est une voix unique dans la littérature francaise : révolte et cri de haine dans une langue orale et d'une violence inouie. Il publie Voyage au bout de la nuit en 1932, un ouvrage pessimiste, en partie autobiographique.
I. Un incipit original
a) Une caractérisation limitée des personnages
Dans cet incipit, un point de vue interne est présent, le narrateur est
homodiégétique : « Moi ».
Il n'y pas de description ni d'analyse psychologique, c'est le profil de
deux étudiants en médecine qui sont amis, le lecteur n'a pas beaucoup d'informations sur les personnages, des personnages lunaires, beaucoup de discours direct, du dialogue ça en devient ainsi un incipit polyphonique.
b) Une caractérisation limitée du cadre spatio-temporel
Pas de présentation du lieu, ni de l'époque : « place Clichy », « Président Point Carré » ; « Le temps » décrit dans le journal. On en déduit que l'on est en France aux environs du début du XXéme siècle. Un registre pittoresque, qui prédomine. Les rues sont désertes å cause de la chaleur : « la chaleur » ; « après le déjeuner ».
c) Refus du début in media-res
« Ca a débuté comme ca », phrase contraire au réalisme, c' est une
rupture du silence, la parole sort du néant.
Des phrases courtes : « Rien pour empêcher le lecteur de se plonger dans une histoire. Le langage familier utilisé donne l'impression de prendre la parole. On remarque à la fin du roman, (l'excipit) la phrase suivante : « Qu'on en parle plus », l'histoire retombe dans le silence c'est une circularité.
Ici l'auteur se sent coupable, l'écriture est présentée comme une faute « et qu'on en parle plus ». Céline dit que ses problèmes viennent de Voyage au bout de la nuit. On remarque par ailleurs un néologisme, tel que « puceux ».
II. Vision désenchantée
a) Refus des valeurs traditionnelles
Refus de l'amour : « l'amour c'est l'infini mis å la portée des caniches » on assimile les hommes aux caniches. « J'ai ma dignité » : l'amour rend indigne, c'est là une ironie envers les sentimentalistes. Refus de 'héroisme, « soldats gratuits »; « héros pour tout le monde » : pas de glorification. « Les mignons du roi en misère » . soumission de la basse classe sociale, complétement opposé aux valeurs des lumières. L'être humain n'évolue pas. Le pessimisme de Céline est dévoilé : « Rien n'est changé » ; « Des mots encore des mots » ; « 0b ca ? » ; « Grands changements, qu'ils racontent ». Importance du paraître : « Les gens de Paris ont l'air » (le paraître). Le monde est un théâtre : « Ils continuent å s'admirer ».
b) Conflit à propos de la race française
Arthur : « une belle race » ; « la plus belle du monde » s'oppose å
« grand ramassis de miteux, chassieux, puceux », c'est une homéotéleute.
Le mépris de Bardamu : « dans mon genre », opposition de la race et
le patriotisme.
« Poursuivis par la faim, la peste, rumeurs et le froid » ;
« vaincus » : Inexistence du patriotisme.
Céline fait preuve d'ironie : « ils ne pouvaient pas aller plus loin å
cause de la mer » ; l'anaphore de « c'est ca » montre que les ancêtres
sont démystifiés et même dépréciés.
C'est l'annonce du Voyage et le refus du patriotisme lors de ce
premier passage.
Un champ lexicale prédomine, celui de la violence : « haineux et
dociles, violés, volés étripés », les francais sont représentés comme
des immigrés.
Bardamu s'engage après pour défendre sa patrie pour contrer L'étre
et le paraître. Confirmation du discours d'Arthur, il faut se méfier des
mots.
c) Une humanité dégradée
Des métaphores dépréciatives et dévalorisante : « singes pédants » :
il n'y a pas de caractères humains (contre les valeurs des lumiéres et
contre l'éloge de la raison).
« Les mignons du roi misère » : personnification de la misère.
Les hommes sont des caniches et présence d'une déshumanisation,
contre la raison.
Métaphore filée de la strangulation : « il serre » ; « ses doigts autour
du cou » ; « Il vous étrangle ». Une Image omniprésente de la mort :
« C'est pas une vie ». L'homme est condamné å souffrir et mourir ».
Conclusion
Un incipit profondément original mais dont le ton dénonciateur
d'une humanité dégradée ne laisse guère apercevoir d'aurore à ce
Voyage au bout de la nuit.