La réflexion sur la liberté par rapport à autrui se révèle tout a fait actuelle dans un monde qui plonge dans l'anomie sociale de plus en plus profonde. Mais autrui est-il l'objet de mes contraintes ou un élément nécessaire à ma liberté? Mon objectif va être tout d'abord d'étudier les situations dans lesquelles autrui représente un obstacle à ma liberté. Ensuite j'analyserai dans quels contextes autrui me permet d'être libre.
La présence matérielle d'autrui va être la limite la plus évidente à ma liberté. Cette même notion simplifiée par la déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen du 14 novembre 1791 art4 "la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui". C'est à dire que l'homme doit prendre en compte la volonté d'autrui avant d'agir. La présence même d'autrui est une limite à ma liberté, si l'on prend cette dernière au sens commun:"un maximum de droits et un minimum de contraintes", car je dois le respecter en tant que conscience libre. Ainsi pour Kant dans: Les fonds de la métaphysique des moeurs:"Agit de telles sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans d'autrui non pas simplement comme un moyen mais toujours comme une fin". Autrui étant une conscience libre il a des droits que je ne peux annihiler au profit de ma liberté soit parce que je le respecte soit parce que des moyens concrets m'y obligent. Si j'étais totalement libre je pourrais sans mal garer ma voiture chez mon voisin pour garder un maximum de place chez moi. Mais je ne le ferais pas par respect pour se dernier ou parce qu'il m'attenterait un procès. C'est la présence d'autrui qui représente un système de contraintes et qui est une limite à ma liberté.
D'autre part autrui va créer ou plutôt créer pour moi comme il voudra que je sois pour lui et indépendemment de ma volonté. Il aura de moi une représentation très subjective que je ne pourrais dans le meilleur des cas qu'influencer ou que modifier très légèrement. Si par exemple autrui me voit ou croit me voir saoul, il va avoir comme image de moi un alcoolique, que ce soit vrai ou faux et si je tente de modifier cette image en me comportant par la suite comme une personne détestant l'alcool, autrui ne va pas améliorer l'image qu'il avait de moi mais la déprécier en y ajoutant les étiquettes de vicieux, hypocrite. Je ne suis donc pas libre de choisir l'image de moi que je donne à autrui, donc d'être qui je veux être pour autrui. A travers son jugement il va m'objectiver donc m'enlever ma conscience réfléchie ce qui me permet de faire des choix d'être libre.
Ce phénomène prend encore plus d'ampleur lorsqu'on sait que je me reconnais dans l'image qu'autrui a de moi. C'est à dire que je ne suis même plus libre de choisir quelle image je vais avoir de moi-même. Je ne serais donc pas libre d'être qui je veux. Autrui va être une limite en ce qu'il va restreindre mon potentiel de choisir ce que je veux par rapport à ce que pense pouvoir réaliser. Si autrui à dépeint un portrait de moi comme d'un lâche, d'un incapable et que cette image me revient je n'irai plus me lancer dans aucunes entreprises.
Enfin autrui peut également limiter ma liberté au niveau moral. Dans la société un système de valeur morales régule le comportement de chacun. Ce système est doublement en relation avec autrui.D'une part parce que toutes les règles morales qui composent ce système sont conçues par autrui et d'autre part parcequ'autrui me renvoi mon image. C'est à dire qu'il va me renvoyer mon image "je me vois parce qu'on me voit" J.P. Sartre, quand j'outrepasse mes droits. Il va donc générer chez moi l'apparition d'une conscience réfléchie " je suis seul cela signifie d'abord qu'il n'y a pas de moi pour habiter ma conscience" et par la même occasion créer chez moi un sentiment de culpabilité qui va stopper mes actes. Par exemple si je regarde fixement une personne dans un lieu public, attiré part un défaut qui la déprécie fortement je ne vais pas ressentir de contraintes si je ne suis pas moi-même observé. Mais si le regard d'une personne extérieure ou celui du sujet même de mon observation rencontre le mien je vais par esprit de culpabilité détourner les yeux me sentant honteux. C'est donc en jouant le rôle de miroir qu'autrui va être un frein à ma liberté. Il va me renvoyer une image si péjorative de moi-même que je vais changer de comportement. Je n'agirais plus comme j'en aurai envie.
Autrui est donc loin de favoriser ma liberté. Néanmoins on peut se demander s'il n'est pas un facteur indispensable à l'existence de cette dernière.
Autrui en tant que semblable et membre de ma société va consciemment ou inconsciemment me rappeler mon devoir. Autui étant la représentation matérielle de la contrainte morale il apparaît dans certains cas comme un obstacle par rapport à ma liberté. Mais comme il me rappelle le devoir, la contrainte et que le devoir suppose la liberté il représente l'outil rappelant la possibilité. En effet si l'on doit faire quelque chose par rapport au système de valeur morale que nous renvoie autrui c'est qu'on à la possibilité de le faire, on a le potentiel d'accomplir son devoir. En ville, si je veux traverser une rue mon devoir est de traverser sur le passage piéton afin de respecter la sécurité des automobilistes et la mienne. Maintenant si pour gagner du temps je franchi la route hors du passage piéton autrui me rappellera mon devoir. C'est à dire qu'il m'éclairera sur le fait que je suis libre de traverser sur le passage piéton sereinement si j'en ai envie. Autrui permet donc ma liberté en ce qu'il me rappelle mon potentiel à faire ce que je désire.
De plus autrui est nécessaire à ma liberté car c'est avec lui que je vais créer une relation. Hors être seul n'est pas être sans autrui mais être sans relation avec lui. Autrui pallie donc à ma solitude. En effet il n'y aurait aucun sens pour un homme seul à dire "je suis libre". Dans un premier temps il ne pourrait pas dire "je" car personne ne lui renverrait son image il n'a donc pas conscience de lui-même. D'autre part il n'a aucune motivation à se caractériser comme libre car la liberté est conçue en majeure partie par les contraintes liées à autrui. Sa liberté sera si absolue et permanente qu'elle n'aura plus aucune signification pour l'individu. Il ne saura plus ce qu'est un gêne il ne se rendra donc plus compte qu'il n'en a aucune, qu'il est libre. De plus il ne pourra apprécier son niveau, son degré de liberté car sans autrui il n'aura plus de repères pour une comparaison potentielle. Par exemple dans Vendredi ou les limbes du Pacifique quand le héros se retrouve seul il perd son humanité, sa conscience réfléchie, ce qui lui permet de se rendre compte de sa liberté. Il ne se rend plus compte de son état car autrui n'est pas là pour lui rappeler. Autrui est nécessaire à ma liberté car sans lui cette dernière n'a plus aucun sens pour moi.
Il est donc très difficile de dégager la part de responsabilités d'autrui dans le fait que je sois un être libre. Autrui a beau être un élément nécessaire, indispensable à ma liberté, il peut s'avérer dans de nombreuses situations comme un frein puissant tant au niveau physique que moral à cette même liberté.