Introduction
Après avoir considéré la perfection de Dieu, il s'agit maintenant pour Leibniz de préciser ce qui découle de cette perfection. L'article 6 du Discours de Métaphysique tente de démontrer que pour cette raison, Dieu ne saurait rien faire hors d'ordre. La distinction commune entre volontés ordinaires et volontés extraordinaires de Dieu n'a en fait pas lieu d'être: en réalité, nous prenons les phénomènes dont la cause nous échappe, en raison de leur complexité, pour des exceptions à la régularité. Tout d'abord, Leibniz énonce une première thèse: toutest conforme à l'ordre universel, et ce qui semble extraordinaire ne l'est qu'àl'égard de notre ordre particulier. Puis, par plusieurs exemples, il montre que rien n'est jamais réellement irrégulier car l'on peut toujours formuler des règles pour rendre compte de ce qui est considéré comme tel. Il formule alors la raison de notre assentiment à cette croyance: c'est notre ignorance de l'ordre universel qui nous fait croire désordonné ce qui est complexe. Dans un troisième temps, Leibniz en conclut que Dieu ne peut créer que l'ordre, mais qu'il a créé le monde le plus parfait, c'est à dire la plus grande abondance de phénomène par les plus simples voies.
[tp]1re partie[/tp]
Cet article s'ouvre sur la présentation d'un point de vue courant : la division des actions de Dieu en ordinaire et extraordinaire. C'est précisément cette division qu'il s'agira de remettre en question dans ce texte. En désignant les « volontés ou actions de Dieu », remarquons que Leibniz ne marque pas par la conjonction « ou » une disjonction entre les deux termes, mais une stricte équivalence. En effet, comme Leibniz en a convenu à l'article 1, Dieu est un être parfait possédant toutes les perfections au plus souverain degré. Il est toutpuissant pour cette raison, il ne peut vouloir quelque chose sans que cette chose advienne aussitôt. Ce n'est bien sûr pas là réduire sa liberté, mais la porter à son plus haut degré. Par « volontés ou actions de Dieu », nous pouvons ainsi entendre l'ensemble des phénomènes se présentant à nous, en tant que tout phénomène est action et volonté de Dieu. Extraordinaire n'est pas ici, bien entendu, à prendre dans son sens figuré, de ce qui suscite l'admiration, mais dans son sens premier. L'extraordinaire ne désigne pas les seuls miracles, tel les noces de Cana, mais plus généralement tout ce qui échappe aux régularités, à l'ordre. Ainsi, les monstres apparaissent aussi comme extraordi