Etre victime d'une illusion, c'est croire à l'existence d'une chose qui n'est pas ou qui n'est pas telle qu'on la voit ou imagine. Dans les deux cas, il en ressort que l'illusion n'est jamais une invention totale, mais qu'elle s'appuie sur un élément réel interprété, transformé. Le fait d'être heureux est l'état dans lequel on jouit du bonheur et on peut être satisfait de son sort.
La question est alors de savoir s'il est possible d'atteindre le bonheur tout en existant dans une réalité erronée.
[tp]1)L'illusion: un obstacle au bonheur[/tp]
"la vie est une rose dont chaque pétale est une illusion et chaque épine une réalité" A. de Musset
Le symbole de la pétale représente le bien être, la douceur et donc le bonheur apport par l'illusion mais dans le même temps, l'épine symbolise la souffrance et la douleur, ainsi l'illusion peut présenter des obstacles au bonheur total.
a_l'illusion cache la réalité et est un obstacle à la vérité
L'illusion nous environne, elle nous habite, peut-être même sommes-nous illusion.
toutefois la recherche du bonheur est l'illusion suprême qui résume toutes les autres: l'individu s'imagine etre une fin en soi, alors qu'il n'est qu'un moyen de l'espèce.
Schopenhauer: " il n'y a qu'une erreur innée: celle qui consiste à croire que nous existons pour être heureux"
toute notre activité est soumise à cette illusion, et, à travers elle, à cette volonté rusée qui anime souterrainement notre vie consciente.
connaitre la vérité condamne à se retirer de la vie et à s'installer en spectateur de la vie. L'illusion nous cache tout cela, d'ailleurs elle enchante lorsque la vérité est blessante et adoucit la réalité lorsqu'elle semble trop dure.
b_des victimes de l'illusion, voilà ce que nous sommes
le propre de l'illusion est de se jouer de nous ce qu'indique assez l'origine latine du mot avec le verbe "illudere" signifiant "se jouer de". Ainsi nous sommes les victimes ou les jouets d'une illusion et jamais le maitre à moins d'etre illusionniste. Ceci peut faire naitre une sensation de manipulation nous obsédant, de paranoïa envers tous ceux qui nous entourent dans la peur d'etre manipulés, trompés. Ce qui est le propre de l'illusion peut donc contribuer à nuire à notre bonheur en nous empêchant de mener une vie dans la tranquillité. Mais ce n'est pas le seul cas ou l'illusion peut nous etre nuisible.
c_la désillusion et le naufrage dans la souffrance
le plus difficile dans l'illusion est sans doute son opposé : la désillusion qui nous fait parfois redescendre violemment sur terre. Elle cause l'effondrement de nos enchantements, l'écroulement de nos perceptions mais surtout nous fait entrevoir nos torts. Par exemple, le jeune Lucien Rubempré dans les illusions perdues de Balzac, part à la conquête de Paris enflammé par l'ambition mais ses illusions se brisent sur la réalité sociale. L'illusion parait agréable à vivre comme dans le rêve, qui en constitue depuis toujours le modèle, le plus dur étant cependant le réveil et donc la prise de conscience de ses erreurs.
L'illusion pose donc bien des difficultés dans la quête du bonheur, d'ailleurs, pour Spinoza, elle est l'ennemie du bonheur car elle naît de la faiblesse, de l'ignorance et alimente les passions mauvaises (crainte, tristesse...). Cependant, l'accès au bonheur ne peut-il pas se faire par l'assouvissement des désirs?
[tp]2)L'illusion: une voie vers le bonheur par l'épanouissement des désirs[/tp]
L'homme cherche à être heureux mais est bien en peine de définir tout à fait ce qu'il veut. Toutes ses passions sont génératrices d'illusions qui lui font prendre ses désirs pour des réalités.
a_l'illusion est dérivée des désirs humains
Freud dans l'Avenir d'une illusion définit à sa façon l'illusion. "une illusion n'est pas la même chose qu'une erreur, une illusion n'est pas non plus nécessairement une erreur [...] ce qui caractérise l'illusion, c'est d'etre dérivée des désirs humains". Il prend pour exemple le cas de la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb qui était persuadé d'avoir découvert les Indes parce que c'était sont but : la part de désir que comportait cette illusion était donc manifeste.
pour Kant, "est illusion le leurre qui subsiste, même quand on sait que l'objet supposé n'existe pas"(Anthropologie du point de vue pragmatique). Ainsi nous sommes responsables de nos erreurs, en ce sens que nous choisissons de prendre telle ou telle parti sans avoir pris les précautions de vérifier qu'on était dans le vrai, mais notre volonté se soumet aux lumières de l'intelligence et nous sommes alors tout aussi responsable de nos illusions que de nos désillusions, de notre bonheur que de notre malheur.
b_un exemple avec l'art
L'art est voile d'illusions, il nous donne quiétude ou euphorie parce qu'il nous divertit de l'abime, le rend parfois invisible.
D'après Nietzsche, l'art est une production vitale d'illusions: "il faut nous aimer et soigner l'erreur, elle est la matrice de la connaissance. L'art au service de l'illusion, voilà notre culte" (La volonté de puissance) Ainsi l'art est un exemple assez parlant de l'illusion et surtout de notre responsabilité dans nos illusions: c'est à chacun de nous d'interpréter et de se représenter l'art à sa manière. L'art en tant que moyen d'expression permet à ceux qui s'en servent d'assouvir leurs désirs et à d'autre de se libérer, s'évader, s'extasier en admirant ce qui a pu etre réalisé. Mais l'art est aussi l'expression de ce besoin vital d'illusion dans la vie des hommes.
c_l'illusion: un besoin vital
" la vie a besoin d'illusions, c'est-à-dire de non vérités tenues pour des vérités" c'est ce qu'affirme Nietzsche dans le livre du philosophe. Ceci s'explique par le fait que le besoin d'illusion suppose que, si la volonté de savoir se satisfait dans la connaissance de la réalité, il n'en va pas de même de la volonté de vivre qui trouve la réalité trop prosaïque, trop décevante ou frustrante, et cherche dans l'illusion la satisfaction d'un besoin qui excède ce que peut offrir la réalité ainsi sans illusion la vie est invivable. L'illusion nous protège en étant rassurante, elle nous aide à supporter la vie. L'illusion seule fait vivre car l'homme a besoins de raisons de vivre et la raison seule ne les lui donne pas. De plus l'imagination nous pourvoit en illusions nécessaires pour fuir la pensée de la mort, oublier notre finitude, chercher à combler notre néant.
Ainsi l'illusion permet à l'homme d'exprimer et surtout de réaliser ses désirs. Il est ainsi heureux par satisfaction de son sort, cependant comment est réellement ce bonheur dans l'illusion?
[tp]3)Le bonheur illusoire: un bonheur imparfait car superficiel[/tp]
Bien qu'on a pu voir qu'il y avait des difficultés pour accéder au bonheur dans l'illusion, la suite de l'étude à mis en évidence une possibilité à l'homme d'y parvenir cependant où l'amène réellement cette voie du bonheur dans l'illusion, c'est ce que nous allons observer dans cette dernière partie.
a_Nous ne sommes pas maitres de nos illusions
notre nature ets animée d'une tendance et d'une prétention à connaitre et à vouloir plus que nous pouvons avoir. Chacun selon son naturel (mélancolique, sanguin...) produit les illusions dont il a besoin pour parvenir à se sentir bien. Mais ce besoin, nous n'en n'avons pas vraiment conscience. Nous voulons ce à quoi nous croyons mais , à l'inverse, nous ne croyons pas ce que nous voulons et nous ne savons pas ce que nous voulons puisque nous n'en n'avons meme pas conscience. Nous ne commandons donc pas consciemment nos illusions.
b_nous ne nous defaisons pas facilement de nos illusions
il y a des illusions que l'on regrette, en amour particulièrement, et d'autres dont la perte nous réjouit, lorsque, par exemple, nous sommes en quête de vérité.
il y a aussi des illusions dont nous n'arrivons pas à nous défaire ou avec plus de mal parce que nous restons prisonniers de nos désirs et de nos fantasmes. Est-ce vraiment le bonheur dans ce cas là? Sommes nous réellement parvenus à nos fins ?
Le bonheur acquis dans ces cas là est-il vraiment suffisant?
tant de questions que nous pouvons alors nous poser, prenons un exemple pour essayer d'obtenir une réponse.
c_Platon et son idée du bonheur à travers deux dialogues : le banquet et le gorgias
Dans le gorgias, le sophiste calliclès soutient la thèse qu'être heureux, c'est donner satisfaction à tous ses désirs, appétits, passions. Socrate lui conteste cette perspective, pour lui il existe des plaisirs qui n'apportent qu'un bonheur illusoire. Pour être vraiment heureux, il faut précisément se méfier des illusions, informations trompeuses qui viennent des sensations et de l'opinion et se jouent de nous.
Dans le banquet, on retrouve l'idée que nous n'atteindrons jamais complètement ce que nous désirons, à savoir la vérité tant que notre âme (l'être essentiel) reste lié au corps. Il prend pour exemple l'amour dirigé que vers la beauté des corps, donc les apparences, qui serait vite une source de souffrance et de déception alors que l'amour peut conduire à la félicité si l'on parvient à passer de l'amour des beaux corps à celui des belles âmes et enfin, à la contemplation du Beau lui-même: chercher à connaitre l'idée de Beau permet de ne pas rester prisonniers des illusions que développent les passions aveugles lorsqu'elles se trompent d'objet. De même les morales antiques définissent le Bien en tant que bonheur (eudémonisme) en affirmant que le sage est heureux parce qu'il connait la nature du véritable bonheur en connaissant celle de l'homme. Ainsi le sage stoïcien ne désire que ce qu'il peut obtenir, le sage épicurien limite ses désirs à ceux qui sont naturels et nécessaires.
Tous affirment donc, avec des propos différents, que le bonheur par l'illusion ne serait qu'une illusion du bonheur.
L'homme cherche donc souvent, voire toujours, à être heureux sans vraiment savoir ce qu'il veut. Kant faisait remarquer que le bonheur est une concept indéterminé ( de l'étymologie: la bonne chance) Pour lui, ne pas chercher à voir et donc sortir de ses illusions serait se vouer au leurre des illusions les plus mystifiantes et aux plus amères désillusions alors que chercher à savoir peut conduire à "se représenter d'une manière plus terrible les maux qui auparavant se dérobaient à la vue" (fondements de la métaphysique)
on peut donc parvenir à être heureux par diverses voies cependant les difficultés se posant nous font comprendre qu'il ne faut pas être le jouet d'illusions, que nous ne commandons pas au départ, bien que celles-ci soient parfois vitales et nécessaires à l'accès au bonheur.