La conscience de l’individu n’est-elle que le reflet de la société à laquelle il appartient ?

Annale bac 2015, Série ES - France métropolitaine

Rédigé par un élève de terminale en devoir maison. Note obtenue: 17/20.

Dernière mise à jour : 06/03/2022 • Proposé par: Luc (élève)

L'individu ne vit pas seul, mais au sein d'une société. Son existence s'insère donc au milieu de cet environnement social qui est le sien. Comment pourrions-nous éviter, dès lors, que la conscience individuelle ne reflète la société dont l'individu est membre? Nos goûts, la représentation que nous nous faisons de nous-mêmes et des autres, notre perception de la réalité, etc. Tout cela ne reflète-t-il pas nécessairement l'époque, la société, la culture auxquelles nous appartenons? Mais si nous soutenons que la conscience de l'individu n'est que le reflet de la société à laquelle il appartient, n'est-ce pas réduire l'individu à autre chose que lui-même? Cela n'implique-t-il pas que la liberté de l'individu soit toute relative, voire nulle ? Sa conscience ne serait alors jamais qu'une simple copie des événements et influences du dehors. Quel est donc notre espace de liberté, par rapport à la société qui nous entoure?

Dans un premier temps, nous verrons que la conscience relève de l'intime et concerne l'individu seul et non la société qui l'entoure, nous verrons ensuite que l'individu est en effet dépendant de la société à laquelle il appartient et enfin nous observerons comment l’individu peut échapper à ce qui ressemble à un déterminisme social.

I. La conscience relève de l'intime et concerne l'individu seul et non la société qui l'entoure

Premièrement, la conscience relève d'abord de l'intime et concerne donc l'individu seul — et non la société qui l'entoure. La conscience de l'individu désigne en effet d'abord la conscience que l'individu a de lui-même et du monde extérieur, c'est-à-dire la perception qu'il a du monde. Or, cette perception se vit intrinsèquement.

La conscience de l'individu est en effet d'abord un sentiment : celui de sa propre existence. Ce sentiment est une certitude absolue qui ne nous est pas procurée par le monde extérieur, mais que nous ressentons. Dès lors, ce n'est donc que le reflet du monde extérieur puisque ce sentiment est vécu dans l'intimité de chacun. En ce sens Descartes pose le « cogito ergo sum », « je pense, donc je suis » comme quelque chose d'évident et personnel qui est sentie indépendamment de toute perception extérieure.

Nous sommes également conscients de notre perception du monde extérieur, de notre manière d'être dans le monde et de le vivre. La conscience désigne aussi cette perception particulière du monde propre à chacun qui est variable d'un individu à l'autre et qui n’est pas influencée par la société extérieure.Cela relève de sa subjectivité, et donc en très grande partie de son corps. C'est ce qu'explique Merleau-Ponty dans la Phénoménologie de la perception. On peut alors dire que la conscience peut être le reflet de la nature, mais ici pas de la société.

Donc la conscience de l'individu n'est pas que le reflet de la société puisqu'elle repose sur l'intimité et la subjectivité du sujet, sur ce qu'il est et non sur la manière dont une société extérieure à lui pourrait l'influencer. Mais la conscience de l'individu désigne aussi les représentations construites qu'il se fait de lui-même et du monde. En ce sens, est-il possible de faire abstraction de la société qui nous entoure?

II. L'individu est en effet dépendant de la société à laquelle il appartient

Dans un deuxième temps, on peut voir dans ses représentations, ses goûts, ses pensées, que l'individu est dépendant de la société à laquelle il appartient. Celle-ci s'inscrit dans une époque, une culture, et l'individu se trouve ainsi influencé à travers son éducation et sa langue par la société qui est la sienne.

Nous dépendons des autres lorsqu’il s’agit de nous représenter nous-mêmes. L'autre est celui qui me perçoit comme un objet, extérieur, et j'ai besoin de passer par son regard, son point de vue, pour accéder à une représentation objective de moi-même. C'est en ce sens que Sartre (dans L'Être et le Néant) dira que, quoi que nous pensions de nous même, la perception de l'autre à notre égard entre toujours en considération. On dira dès lors en effet que la conscience individuelle n'est que le reflet du regard des autres. La société à laquelle l'individu appartient désigne aussi la place que l'individu occupe dans la société. Une société est composée de différents groupes, l'individu n'appartient pas seulement à une société, mais plus précisément encore à un groupe au sein d'une société. Et c’est ce facteur social, économique et matériel, qui détermine ce que l’individu ressent (la pensée, la conscience, les valeurs, les goûts, les représentations…). D’après Marx et Engels dans L'idéologie allemande, “Ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c'est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience."

En effet, on ne peut pas se fier à la conscience qu'un individu a de lui-même, car ce n'est que le reflet de la vie réelle et matérielle. C'est la vie qui détermine la conscience et non l'inverse. Donc la conscience de l'individu n'est que le reflet de la société à laquelle il appartient. Une société désigne aussi une communauté qui a une histoire et donc une certaine culture. À travers l'éducation, la langue, l'organisation morale, politique, religieuse d'une société, l'individu devient donc la représentation de ce qui définit la société à laquelle il appartient. Il développe sa propre perception du monde, ses propres valeurs, ses propres idées, à partir de ce que lui apporte la société. Il faut donc prendre le terme de reflet au sens propre, en effet il y a dans l'idée de reflet celle d'un écho, d'un héritage qui ne condamne par l'individu à être totalement dépendant de la communauté dont il fait partie. On peut s'inspirer ici des travaux du sociologue Pierre Bourdieu, dans La Reproduction ou encore de Nietzsche, pour qui, dans La Généalogie de la morale, les valeurs morales sont relatives à la société où elles émergent.

La conscience de l'individu n'est que le reflet de la société à laquelle il appartient puisqu’il en subit l’influence en étant membre. Mais ne peut-il pas s' en libérer? La conscience que l'individu développe ne peut-elle pas être plus que le simple reflet de son environnement social?

III. Échapper à ce qui ressemble à un déterminisme social

On peut ici voir par quels moyens l'individu peut peut-être échapper à ce qui ressemble à un déterminisme social et ne pas être réduit à n'être qu'une pâle copie de la société qui l'entoure.

D'abord, on peut élargir le sens de société. Tout d’abord, elle renvoie à une sphère particulière, avec une culture propre. Mais l'individu est également membre d'une communauté universelle, l'humanité. Son rapport aux autres ne se réduit donc pas à son appartenance à une société précise. Sa conscience morale, éthique, civique peut alors se fonder sur d'autres valeurs que celles propres à sa société. En effet, l'individu n'appartient pas à une seule société et sa conscience peut donc échapper à la société particulière à laquelle il appartient.

Même au sein de la société qui est la sienne avec ce qu'elle a de particulier, ne lui est-il pas possible de se préserver une part de liberté? Sans nécessairement aller jusqu'à soutenir l'idée d'une liberté totale qui nous conduirait à poser que l'on a toujours le choix, on peut s'interroger sur les trajectoires individuelles. Les travaux du sociologue Bernard Lahire s'intéressent par exemple aux trajectoires particulières qui semblent déroger au destin socialement tracé. L'individu semble ainsi garder une force de décision et semble capable de se libérer de la société à laquelle il appartient. Sa conscience ne serait donc pas condamnée à n'être que le reflet de cette société particulière. Lahire étudie par exemple ainsi les trajectoires de réussite scolaire d'enfants pourtant apparemment socialement voués à l'échec.

Plus généralement encore, même lorsqu'un déterminisme social est reconnu et pensé, chez Bourdieu ou chez Marx, même lorsque l'idée apparaît que notre conscience n'est que le reflet de ce qui nous vient de l'extérieur, on peut tout de même se libérer de ce déterminisme en en prenant conscience. La conscience de l'individu n'est donc pas réductible à la société à laquelle il appartient puisqu'elle peut s'en abstraire en prenant connaissance des déterminismes qu'elle subit.

Conclusion

La conscience de l'individu n'est donc pas uniquement le reflet de la société à laquelle il appartient. Certes il en subit l'influence naturellement, mais la conscience relève de l'intime et, surtout, l'individu peut se libérer de la société à laquelle il appartient, car il n'appartient pas qu'à une seule société et peut, en prenant connaissance des déterminismes qui l'influencent, s'en libérer au moins partiellement.