Avec Les Caractères (1688-1696), Jean de La Bruyère tend à la haute société un miroir satirique dépeignant ses vices : amour-propre, hypocrisie, fausseté, ambition personnelle. Il y aspire à corriger les mœurs par ses maximes et ses portraits plaisants et mondains. Les Caractères s’inscrit en cela dans le mouvement du classicisme qui vise à plaire et instruire.
« Giton » (VI, 83) est un des portraits de la sixième partie, « Des Biens de Fortune » dans laquelle le satiriste dénonce le pouvoir de l’argent. Giton est à ce titre l’allégorie des fortunés se donnant tous les droits sur les autres.
Problématique
Comment le portrait satirique de Giton dénonce-t-il la supériorité de l’argent sur la vertu dans la société ?
I. Le portrait d'un homme riche
a) La description physique de Giton
Tout d'abord, le moraliste décrit physiquement le personnage de ton, homme riche. Le portrait se concentre essentiellement sur le visage mais nous avons aussi quelques détails sur l'ensemble du corps. En effet, on peut relever au début de l'extrait la forte présence d'adjectifs qualificatifs avec l'énumération des groupes nominaux suivants : « le teint tais, le visage plein et les joues pendantes »( 1.1).
Nous avons aussi quelques détails sur l'ensemble du corps avec l'accumulation des lignes 1 et 2: «l'œil fixe et assuré, les épaules larges, l'estomac haut ». Ainsi, le visage joutilu est un indice incontestable de la richesse, de la position sociale confortable de Giton. Son regard et sa posture montrent sa fierté, son contentement; la description physique chez La Bruyère révèle en même temps un caractère.
b) L'attitude oisive d'un riche
Ensuite, les occupations de l'homme riche sont également décrites. On constate notamment l'absence d'activité laborieuse. Par exemple, la répétition du groupe verbal « il dort » aux lignes 4 et 5 dans le passage « Il dort le jour, il dort la nuit et profondément, il ronfle en compagnie» insiste sur le sommeil très présent, même pendant la journée.
L'adverbe « profondément » et le verbe « ronfle » amplifient la tonalité ironique de la phrase pour souligner le contentement, la quiétude de Giton. L'expression finale de cette description avec le présent de vérité générale « Il est riche » souligne la suffisance du statut et donc l'absence de nécessité de travailler. Par conséquent, Giton correspond au portrait typique du bourg