Le roman La liste de mes envies de Grégoire Delacourt dépeint la triste vie d’un personnage après avoir abandonné sa femme dans le but d’accomplir ses désirs et de mener une vie luxueuse. La solitude de ce nouveau rythme de vie entraînera cet homme à se laisser mourir seul. Ainsi à travers cet exemple on peut se demander quels sont les liens entre le désirs et le malheur. On pourra donc définir le désir (du latin desiderium pouvant se traduire comme « être face à l’absence d’étoile ») comme une force qui pousse l’individu vers un objet, un élément positif, une situation à cause d’un manque à combler. Cette action est également psychique et intense et elle occupe l’esprit pendant une longue durée en effet les individus on tendance à désirer quelque chose pendants des mois, voire des années, on peut donc définir cette force comme une pulsion intérieur (impetus). Mais le désir n’est pas forcément un objet. En effet selon Gilles Deleuze, dans son Abécédaire, il indique que ce que l’homme désire relève d’un ensemble : Une femme ne désire pas une robe, mais les amis qu’elle rencontrera avec cette robe. De cette manière on pense communément que si l’homme arrive à combler l’ensemble de ses désirs il pourra espérer atteindre le bonheur qui se caractérise donc comme la finalité de ces derniers. C’est donc un état durable de bien-être éprouvé par un individus. Mais le désir à un caractère illimité, en effet selon certains auteurs comme Schopenhauer, l’homme ne peut pas combler les manques liés au désirs car c’est un phénomène répétitif qui frustre les individus les conduisant au malheur. Il existe donc un paradoxe, en effet le désir semble trouver sa finalité dans le bonheur alors qu’il conduit plus souvent les hommes au malheur à cause de son caractère insatiable. Mais dans un second temps des auteurs comme Rousseau montre l’inverse et explique que le bonheur est dans le désir car cette action stimule l’imagination, les manques sont donc comblé par les plaisirs imaginatifs qu’ils suscitent.
Le terme « nous » tend à rassembler tous les hommes, en effet le désir est propre à chacun car il est une part intégrante de la vie humaine, il fait partie de ce qui définit notre humanité. Nous avons tous déjà eu des désirs, certains ont été réalisés d’autres non. Le désir est donc indissociable de l’homme, il est son incarnation, faisant de lui même un être inscrit dans la finitude, un être de désir. Ensuite le terme « condamne » est plutôt péjoratif il montre que l’action de désirer oblige et contraint l’homme au malheur. Il semble montrer que les individus n’ont aucune échappatoire. Enfin le malheur peut être défini comme un événement qui cause de la souffrance ainsi ce terme s’oppose au bonheur, qui serait la finalité des désirs.
Ainsi après avoir observé le paradoxe lié au désir, il est légitime de se demander si le désir nous condamne au malheur? L’homme peut-il supprimer ses désirs pour ne pas être condamner ? Peut-on atteindre le bonheur grâce aux désirs ?L’humain est-il esclave de ses désirs ? Que devons nous faire de notre désir ? Le caractère illimité du désir condamne t-il les hommes ? Pour tenter de répondre à ces interrogations, nous verrons dans un premier moment que les désirs ne nous condamne pas au malheur, mais que au contraire ils poussent l’individu à atteindre le bonheur en effet il permet de persister dans son être ou encore grâce aux plaisirs imaginatif qu’il suscite. Dans un second moment nous nous interrogerons en retour si les désirs nous condamnent au malheur lorsque l’homme est victime de son trop-plein de désir. De plus nous verrons que désirer ce qui ne dépend pas de nous c’est faire dépendre notre bonheur du caprice du hasard. Nous conclurons sur le sens du désir, voir s'il est nécessaire à la vie humaine, s'il peut être supprimé ou encore si on peut concilier un le désir avec la recherche du bonheur.
I. Les désirs poussent l’individu à atteindre le bonheur
Il semble tout à fait légitime d’affirmer que le désir ne nous condamne pas au malheur car l’objectif d’assouvir ces derniers est de combler un manque pour espérer atteindre le bonheur. En effet pour Epicure le principe de bien-être réside dans la santé du corps et la tranquillité de l’âme, c’est à dire l’ataraxie ( pour Epicure, santé du corps et paix de l’âme sont indissociable). Ainsi selon l’école philosophique du jardin, fondé par Epicure, il y a une classification des désirs pour avoir la possibilité d’atteindre le bonheur et donc de ne pas être condamner au malheur. Il ne s’agit pas de satisfaire tous les désirs mais de les contrôler en les classant, il faut donc faire appels à la rationalité.Cette école qui est classé comme eudémoniste elle fait donc appel à la sagesse, en effet Epicure explique : « Tous ceux des désirs dont la non satisfaction n'amènent pas la douleur ne sont pas nécessaire » Selon Epicure il y a les désirs non naturels et non nécessaire ( luxe, richesses…). Ces derniers doivent être supprimer car ils sont vains et impossible à satisfaire on y trouvera la source de notre malheur. En effet dans La lettre à Ménécée il distingue plusieurs types de désirs qu’il hiérarchise comme : désirs naturels et nécessaires ceux la sont limités et aisé à satisfaire (faim, soif) Ceux-là permettent d’atteindre le Souverain bien. Ainsi il classe en suite les désirs naturels et non nécessaires qui peuvent être satisfaits mais qui ne présentent pas de caractère impératif ( le désir de bonne nourriture..). Enfin il y a les désirs vains, c’est-à-dire non naturels et non nécessaires (richesse, gloire, honneur..). Ces derniers sont causés par des artifices et ne sont synonymes que de souffrance et de dépendance. Pour atteindre le souverain Bien, donc le bonheur, il faut se contenter des désirs « naturels et nécessaires ». c’est dans ce cas que l’on peut atteindre l’ataraxie, c’est à dire l’absence de troubles de l’âme. La voie d’accès au bonheur épicurien passe donc par une limitation des désirs, le bonheur épicurien n’exclut pas le plaisir il importe juste de mener une existence faite de choses simples pour répondre aux besoins du corps et pour maintenir l’état d’équilibre de l’homme.
Ainsi le plaisir passe donc sous le contrôle de la modération chez les épicuriens mais il y a une conception moderne du désir qui le représente comme qualité positive de l'être humain. En effet à l’époque moderne le désir est presque un synonyme de puissance. L’un des premiers auteur à défendre cette conception c’est Spinoza. Il explique que c’est une propriété essentielle de tout ceux qui existent (ensemble des êtres vivants). Ici le désir est une tendance spontanée intérieur qui va agir comme le moteur du maintien dans l'existence. En effet le désir anime l’homme et le pousse hors de lui. C’est ce qui lui permet de continuer d'exister selon Spinoza. Le désir n’est pas extérieur, c’est l’expression de son essence. Ainsi notre corps et notre esprit ont des désirs qui incitent à continuer d'exister et à se développer. Spinoza d’écrit le décrit comme : « Le désir est l’essence de l’homme en tant qu’effort pour persévérer dans son être. » Ainsi c’est une force vitale qui anime l’être humain et qui dans aucun cas ne conduis au malheur car il pousse à atteindre le bonheur. Ainsi il ne va pas concevoir le désir à partir d’un manque, mais comme un élan, effort pour persévérer dans son être. Spinoza nomme cela le conactus. Le fait d’accroître son être procure de la joie et donc ne condamne pas au malheur.
Enfin les représentations philosophique du désir ont varié dans le temps à travers Spinoza ou Epicure. Mais certain auteurs comme Rousseau ont montré que le désir est une force mais elle ne réclame pas nécessairement le fait d’être satisfaite. En effet ce dernier a une nouvelle interprétation du rapport désir et bonheur qu’il explique dans son ouvrage La nouvelle héloïse. Effectivement il montre que le bonheur c’est la non satisfaction du désir car selon lui ce qui conduit au bonheur c’est le fait de désirer. Ainsi il explique :« malheur à qui n’a plus rien à désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède. » Rousseau montre dans son texte que lorsque que l’on désire quelque chose ou quelqu'un, on ne désire pas ce quelque chose et on désire pas ce quelqu’un. Ce qu’on désire c’est la représentation que l’on en fait. Car dans tout désir il y a une part d’imagination, on imagine l’objet davantage qu’on le perçoit autrement dit on peut désirer quelque chose sans forcément le connaître. Ainsi ce n’est jamais la perception seul qui alimente notre désir mais il est alimenté par notre imagination, une image par opposition à la réalité. On désire ainsi l’objet de notre fantasme c’est à dire la projection que l’on se fait de cet objet ou de cette personne. Dans son texte Rousseau décrit l’imagination comme une force consolante c’est à dire la capacité d’adapter la perception de la réalité à ce que nous voudrions qu’elle soit, Ainsi c’est toujours agréable de désirer et de se représenter les choses telles que nous voudrions qu’elles soient. En effet l’homme à tendance à projeter dans l’autre ce que nous voudrions que l’autre soit et ce faisant il augmente ses désir. En effet ce mécanisme renvoie à la projection de soi dans l’autre. Il y a donc l’idée que tout désir est la construction d’une illusion et Rousseau ne le dénonce pas au contraire pour lui ça participe au processus d’embellissement par lequel les qualités de l’autre ou de l’objet seront amplifier. Ainsi ça va rendre le désir plus agréable, l’expérience du désir deviendra donc une expérience du bonheur. L’idée de Rousseau revient donc à montrer qu’en embellissant l’objet de notre désir on fait de ce dernier un bonheur. En effet à travers le processus d’imagination l’homme attribut à la chose ou à la personne des qualités qu’elle n’a pas et cette transformation rend l’homme heureux. Le désir cherche donc sa finalité dans la contemplation de l'être idéal. C’est pourquoi quand Rousseau écrit : « tout ce prestige disparaît devant l’objet lui-même ». Il explique que lorsque les individus sont confrontés à la réalité c’est à ce moment là que le désir cesse ainsi le bonheur disparaît. En effet les hommes ne trouvent plus dans l’objet ce qui a été idéalisé. Le désir ne peut donc pas être condamner car on ne peut pas condamner la tendance à vouloir regarder et imaginer le beau.
Transition Ainsi le désir ne condamne pas forcément au malheur. Au contraire il permet à l’individu d’accéder à un certain bonheur. En effet si les individus se contentent des désirs naturels et nécessaire ils peuvent espérer atteindre une certaine sagesse. Epicure montre qu’une classification des désirs s’impose. Le désir satisfait conduit au plaisir, il faut donc choisir ceux qui peuvent être satisfaits et les accepter. Dans un second temps le désir peut être perçu comme un élan ou un effort pour persévérer dans son être et donc procure de la joie. Le bonheur s’obtient également grâce au fait de désirer. Rousseau montre que les manques sont donc comblé par les plaisirs imaginatifs qu’ils suscitent. Mais ces affirmations peuvent être remissent en question en effet le caractère illimité du désir ne condamne t-il pas l’homme au malheur ? Les individus ne sont-ils pas condamnés au malheur si leurs désirs dépendent des éléments extérieurs ?
II. Mais certains désirs vains, comme trop de désirs amènent au malheur
Il est tout à fait légitime d’affirmer que pour être heureux, il faut vivre en harmonie avec les différents ordres qui s’imposent à nous. Il faut ainsi éviter toute dissension avec l’ordre de la nature (cosmos), de la cité, et l’ordre de l’homme. Il faut donc être à sa place, faire son devoir, ce qui signifie être vertueux. Or, le désir risque de troubler ces différents ordres, rompre les équilibres qui peuvent conduire au souverain bien. En effet selon Sénèque ( philosophe stoïcien ) : « Le souverain bien c’est une âme qui méprisse les évènements extérieurs et se réjouit pas la vertu ». Ainsi le bonheur s’obtient avec l’idée de vertu, c’est à dire l’expérience de la liberté. En effet selon les Stoïciens il faut vivre en transformant sa pensée car c’est la seule chose que l’homme peut contrôler dans le but de vouloir ce qui est. Nietzsche nomme ce concept : « Amor Fati » c’est-à-dire l’amour du destin et aimer ce qui est. En effet il faut donc supprimer tous les désirs de l’homme selon les stoïciens, car désirer ce qui ne dépend pas de l’homme augmente le risque d’être condamné au malheur car les individus risquent de ne pas atteindre ce qu’ils désirent. En effet selon Epictète il faut accepter même ce que l’on n’aime pas car être vertueux c’est accepter et vouloir l’ordre qui arrive. Le problème du désir, c’est qu’il me porte vers des objets qui ne dépendent pas des individus, comme par exemple le désir de gloire. Le souverain bien est dans la vertu, les désirs sont à rejeter, ils troublent la sérénité, la tranquillité de l’âme. Pour être heureux, il ne faut plus avoir de désirs car autrement notre être est condamné au malheur.
De la même manière il paraît nécessaire de présenter le caractère illimité du désir pour montrer qu’il condamne au malheur. En effet la vie désirante est un cycle infernal qui plonge les hommes dans le malheur : le désir, quand il est manque, fait souffrir ; s’il n’est pas satisfait, il y a frustration. Même si il est comblé, la satisfaction ne dure jamais, le plaisir est toujours éphémère ; puis vient l’ennui, jusqu'au prochain désir, l’homme est alors pris de nouveau dans ce cycle sans fin. En effet Schopenhauer montre dans son ouvrage Le monde comme volonté et comme représentation que si le bonheur repose sur le désir alors jamais les individus ne peuvent vire positivement le bonheur. Dans Gorgias, Platon utilise l’image des tonneaux percés pour montrer qu’une vie de plaisir ne peut pas permettre d’accéder au bonheur . En effet le propre du désir est de renaître sans cesse, chercher à être heureux en cumulant les plaisirs reviendrait à remplir des tonneaux percés des mets les plus fins : ceux-ci ne seraient jamais remplis et la quête de leur contenu serait infinie. Platon explique donc que les désirs renaissent sans cesse et qu’il condamne au malheur.
Enfin le principe initial du désir semble condamner les hommes. En effet il est la base d’un manque que nous essayons d’assouvir mais cette force intérieure qui nous pousse vers l’objet manquant est psychique et intense et elle occupe l’esprit pendant une longue durée en effet les individus on tendance à désirer quelque chose pendants des mois, voire des années. Ainsi à chaque moment l’esprit des individus rappels que ces désirs ne sont pas comblés ainsi une forme de malheur apparaît. En effet dans sa version platonicienne, le mythe des androgyne enseigne que les êtres humains sont mortels et que la première description du désir est placée sous le signe de l’échec et du malheur. Car après avoir provoqué la colère des dieux l’humanité est divisée en deux espèces. Chaque nouvel être recherche sa moitié et ne parvenant pas à combler leurs désirs ils finissent par mourir d’inaction. Ainsi à travers ce mythe il est montré que les désirs sont la sources de notre souffrance car ils rappelles que nous ne sommes jamais satisfaits. De plus le désir renvoie à l’insatisfaction car même après avoir trouvé l’élément manquant, l’individu est un éternel insatisfait On retrouve cet effet chez Stendhal avec la « cristallisation de l’amour » qui consiste à entourer de désir un sujet aimé, lui attribuant des qualités qui ne lui appartiennent pas. Une fois possédés, l’idéalisation découlant de l’œuvre de l’imagination laisse place à la réalité bien loin de celle fantasmer. Une fois de plus, une telle illusion ne laissera derrière elle que déception. C’est l’absence du bonheur là même où il était attendu. Le désir condamne donc l’homme au malheur car il rappelle constamment aux hommes qu’ils ne sont pas combler, et même après avoir obtenu l’objet du désir les individu ont tendance à être déçu car la réalité ne reflète pas le fantasme de ce désir.
Conclusion: le désir, doit être dompté, pour être sublimé
Ainsi le désir semble condamner l’homme au malheur, car désirer ce qui ne dépend pas de l’homme augmente le risque d’être condamné au malheur car les individus risquent de ne pas atteindre ce qu’ils désirent. De plus il a un caractère illimité et renaît toujours, l’homme en veut toujours plus ce qui s’oppose à l’idée de bonheur car c’est un état de plénitude et de satisfaction l’homme serait donc esclave de ses désirs. Mais pour que l’homme ne soit pas condamner il doit donc pouvoir être capable de maitriser ses désirs ou bien de vivre sans. Le désir semble être propre à l’homme et il est ce qu’il le définit, et les individus ne peuvent vivre sans désirs, et tout au mieux ils peuvent les modifier.
En effet vivre sans désir serait donc la solution pour ne pas être condamné à vivre avec la souffrance qu’amène ce dernier. Alors il ne faudrait pas satisfaire ses désirs mais les abolir. C’est pourquoi la cessation de la souffrance passe non pas par la satisfaction du désir mais par la suppression du désir. Mais où le désir prend fin, commence une autre forme de souffrance. Le désir comme le souligne Schopenhauer, semble donc vouer l'homme à osciller entre la souffrance du manque et l'ennui du manque du manque. Ce phénomène montre que le désir semble inévitable et une vie sans n’est pas possible ou une vie sans désir se manifeste par la dépression sauf peut-être un désir de rien ou de mort. Il reste donc à pouvoir dompter le désir, le comprendre, et ce afin de le sublimer. Éviter les désirs vains, ou du moins ne pas se faire d'illusions sur leurs issues, et cultiver les désirs qui permettent de nous accomplir.