Nous sommes sans cesse en présence d'opinions, dans les échanges avec autrui, dans les médias...Sur tous les sujets possibles, elles sont des conceptions qui se confrontent, débattent, s’échangent. Il semble d’emblée évident que l’opinion ne peut pas nous donner un savoir : qu'elle soit collective ou individuelle, elle n'est jamais stable, incontestablement fondée ; on constate en effet aisément que sur un même sujet, elle change, prend des visages contradictoires, selon les situations, les individus,les époques. Cela suggère qu'elle relève d'une pensée spontanée, immédiate, schématique, qui subit passivement les influences de la société, de la mode ou des affects de chacun ; à la différence d'un savoir, qui est fondé, qui saisit objectivement le réel tel qu'il est, indépendamment des contextes où ce dernier varie, l'opinion s'en tient à des apparences relatives, superficielles ; en cela elle ne peut pas nous aider à surmonter l’ignorance, à nous éduquer. Pour disposer d’un savoir, il est indispensable de se tourner vers la raison, de faire table rase des opinions.
Mais cette critique de l' opinion est-elle indiscutable ? On observe que les opinions sont sollicitées, dans des sondages notamment : l’opinion montrerait le point de vue de chacun, dans ses réactions, ses positions personnelles, ses penchants, devant une situation donnée. Elle révélerait ce que l’homme, dans sa vie concrète, pris dans le monde empirique, éprouve, dans telle ou telle circonstance ; elle nous livrerait ainsi la diversité des aspects que la réalité adopte au travers de l’affectivité et du vécu de chacun ou d’une communauté. En cela l’opinion nous donnerait un savoir que la raison, qui ne tient pas compte de l’affectivité, de la vie concrète de l’homme, qui ne conçoit le réel qu’abstraitement, dans ses caractéristiques universelles, nous laisse ignorer.
Il y a donc problème : comment aborder l'opinion, que faire de nos opinions ? Quelle peut être la valeur d’une pensée irréfléchie, passive, superficielle ? Faut-il rompre radicalement avec elle, lui substituer l’effort de penser par soi, la rationalité ? Ou bien pouvons-nous tenir compte de l'opinion, qui nous donnerait un enseignement possible, ou qui exprimerait un mode de pensée significatif ? Notre progrès dans la compréhension du réel pourrait-il alors se jouer sans passer par la raison ? Nous verrons tout d’abord qu’il faut bannir l’opinion, lui retirer tout crédit si l’on veut disposer d’un savoir. Mais la réfl