Quelle est la fonction première de l'État ?

Corrigé synthétique.

Dernière mise à jour : 23/11/2021 • Proposé par: cyberpotache (élève)

Remarques préalables

- Inutile, pour traiter le sujet, d'énumérer toutes les fonctions possibles de l'État.
- Cette fonction à définir est moins première du point de vue historique que du point de vue logique (à moins que les deux coïncident).
- Quels théoriciens peuvent vous aider ?

Introduction

S'il est fréquent que la présence de l'État (et ses exigences) soit perçue de manière assez négative par les citoyens (lorsqu'il faut s'acquitter des impôts, ou d'une contravention...), sans doute rares parmi ces derniers seraient ceux qui s'affirmeraient prêts à vivre en dehors de toute organisation étatique. C'est que l'État présente aussi des avantages, qu'il s'agisse de la protection sociale ou de la possibilité qu'il offre de demander l'application d'une justice sereine... Entre ces avantages et les reproches qu'on lui adresse, quelle est sa fonction première ?

I. L'État comme aboutissement de l'organisation sociale

On rappelle d'abord que l'existence de l'État est historiquement tardive : la politique grecque se réfléchit relativement à la cité, les pouvoirs occidentaux, au Moyen Age encore, sont partagés entre les seigneurs locaux, et ce n'est par exemple, en ce qui concerne la France, qu'avec Louis XIV que s'affirme une volonté centralisatrice qui sera achevée par la Révolution.

Cette structuration du politique dans l'Etat modifie non seulement la dimension du corps social, mais son organisation : l'accroissement quantitatif se traduit par des modifications qualitatives : suppression des normes "locales" (linguistiques aussi bien que métriques), abaissement de tout pouvoir régional par rapport au pouvoir central, monopole de la violence légale (police et armée) accompagnent la formation de l'État moderne, qui s'affirme "neutre" parce qu'il est indépendant de tout intérêt particulier et représente l'intérêt de tous.

Aussi Hegel peut-il l'interpréter comme une moralité objectivée : la loi s'impose à tous, en quelque sorte de l'extérieur, mais cette extériorité fait écho à une origine de la loi qui se trouve en fait dans chacun, lorsqu'il est désindividualisé.

II. Quelles sont les exigences de l'intérêt commun ?

Dans le Contrat social, Rousseau montre que l'entrée dans la vie sociale doit résoudre un problème principal : que chacun puisse bénéficier d'une sécurité qui ne sera plus mise en danger par lu disproportion entre ses forces individuelles et les dangers qu'il aurait à affronter.

La solution ne peut apparaître qu'à la condition d'une aliénation totale de l'indépendance initiale - mais cette perte immédiate est largement compensée par l'accès à une authentique liberté politique. Or celle-ci se définit par "l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite" : la société n'est cohérente que si chacune de ses lois émane et représente la "volonté générale", qui est tout autre chose que la simple somme des volontés particulières, et lait passer l'intérêt commun avant chaque intérêt individuel.

Dans cette transformation, s'affirme aussi un principe d'égalité : les citoyens sont tous également appauvris de leur indépendance et enrichis (le la liberté mais ils sont également tous égaux relativement à la loi - tant du point de vue de son énonciation que de son application. Le modèle rousseauiste met ainsi en valeur la complémentarité des notions de sécurité, de liberté par la loi et d'égalité. On doit considérer que c'est la réunion de cette triple exigence qui définit la fonction première de l'État en même temps que sa justification.

III. L'État sans équilibre

Si l'une des exigences disparaît, l'État perd un aspect important de sa fonction en même temps que sa justification.

Souligner par exemple qu'il ne vise qu'à établir la paix civile entre les sujets aboutit. comme dans le Léviathan de Hobbes, à l'inégalité maximale de la tyrannie et à une sécurité purement factice. Risque historiquement confirmé par les systèmes totalitaires. Si par ailleurs la loi n'émane que de quelques-uns, rompant le principe d'une responsabilité législative partagée entre tous, on constate (prise du pouvoir par un parti) l'instauration d'un régime autoritaire et d'inégalité.

Enfin, la mise en place d'une direction de l’État fondée sur une "supériorité" initiale, financière ou du savoir, ploutocratie ou technocratie, supprime la réciprocité des droits et des devoirs devant la loi, en même temps que tout espoir d'égalité politique. Sans cloute l’État ainsi conçu n'échappe-t-il pas à toute critique : les anarchistes contestent que la liberté politique puisse satisfaire les aspirations individuelles à une liberté absolue : Marx fait valoir que l’État, sous prétexte de rassembler les intérêts de tous les citoyens, ne défend en fait que ceux d'une classe, économiquement favorisée.

Dans cette optique. le bonheur (le tous ne pourrait être obtenu que par la disparition de l’État, soit à court terme (anarchie), soit à la fin de l'histoire (communisme marxiste).

Conclusion

Pour une réflexion affirmant la nécessité de l’État et l'envisageant comme Lille situation politique pur définition favorable à l'être humain, l’État doit donc remplir une fonction à triple versant. De cette définition à sa réalité, un écart demeure trop souvent - mais c'est alors à ceux qui prétendent le servir ou en illustrer les avantages de s'efforcer de le rapprocher de ce qu'il doit être.

Lectures

- Rousseau, Du contrat social
- Hobbes, Le Léviathan
- Machiavel, Le Prince