Certains discours, les publicités par exemple, nous convainquent d'adopter leur point de vue et dictent nos comportements bien plus sûrement que la violence physique.Le langage est-il un moyen de domination plus qu'un instrument de communication ?
I. Maitriser les mots, soumettre les hommes
A. Pour les conquérants, imposer l'usage de leur propre langue a toujours été un moyen de domination.les langues des "indigènes" colonisés sont ramenées au rang de dialectes. Les élites culturelles locales ne se servent plus que de la langue des gouvernants.
Songez, par exemple à la "nov-langue" de l'Etat autoritaire, dans 1984, le roman de Georges Orwell.
B. Plus largement, celui qui"sait parler" est capable d'exercer une véritable contrainte sur ses auditeurs. Gorgias proclame que le langage, lorsqu'il est manié par les Sophistes, possède une irrésistible puissance d'illusion. Son pouvoir de conviction et de séduction en fait l'instrument privilégié de la domination politique.
II. User du langage, libérer son esprit.
A. Pourtant, grâce à la lecture et à l'apprentissage de langues étrangères,l'esprit humain se délivre de ses préjugés. Plus généralement, comme le fait remarquer Rousseau, les mots font accéder l'homme à des concepts, à des idées générales. Ils l'arrachent ainsi aux impressions et aux réactions immédiates. Le langage le libère d'un horizon borné aux sensations et aux réflexes.
B. La faculté de s'exprimer est une des conditions essentielles de notre liberté La liberté de communiquer enrichit en effet notre esprit par les exigences du débat.Pour faire admettre son point de vue, il faut produire un discours qui s'adresse à la raison de ses interlocuteurs. Dans la discussion, chacun s'affranchit de l'irrationalité.
III) La discrète tyrannie du langage
A. Langage libérateur, langage dominateur, les deux positions antagonistes que nous avons défendues ont un commun présupposé: le langage est un instrument docile pour celui qui l'emploie.Jamais il n'est envisagé comme une force aliénante.
B. Néanmoins, les mots,la grammaire et les tournures d'une langue contraignent les pensées de celui qui s'exprime à se couler dans des moules prédéfinis.
Nietzche montre même que les langues véhiculent des préjugés métaphysiques: nous croirions à l'existence de l'âme parce que les langues indo-européennes posent un sujet distinct du verbe et de ses compléments. La langue penserait à notre place.