Questions préalables
- S'éloigner, c'est s'écarter, se détourner, peut-être même rompre, se séparer. Dans la notion d'éloignement, il y a l'idée de l'absence, de la distance que l'on met entre quelqu'un et soi ou entre quelque chose et soi.
- Trop, adverbe qui indique l'excès. L'homme d'aujourd'hui aurait-il oublié la nature ?
Introduction
L'homme moderne est l'homme de la technique, celui qui a réalisé le projet cartésien de se rendre "comme maître et possesseur de la nature". Grâce à ses inventions, l'homme s'est élevé de l'animalité vers l'humanité, il s'est perfectionné. L'histoire de la technique est l'histoire de la maîtrise croissante de l'homme sur la nature. Mais cette maîtrise, cette transformation de notre manière de vivre, nous éloigne de plus en plus de la nature, de nos origines. Est-ce un progrès ? Peut-on sans danger nous éloigner de la nature jusqu'à l'oublier? En quel sens peut-on dire que l'homme n'est plus un être naturel ?
I. Du naturel au culturel
Nous ignorons tout du passage de l'état de naturel à l'état de culture, ou de l'animal à l'homme. Nous ne pouvons faire que des suppositions. On peut mettre l'accent sur la prohibition de l'inceste comme passage à la culture (cf. Claude Lévi-Strauss). Mais on sait aujourd'hui que certains grands singes ne pratiquent pas l'inceste. II s'en est fallu d'un rien, dit Rousseau, pour que l'homme ne sorte jamais de sa solitude naturelle alors qu'Aristote pense que, par nature, l'homme est un "animal politique".
Pour toute une longue tradition philosophique, et bien sûr éthologique, l'homme possède une nature qu'il réalise. C'est par exemple le " bon sens " pour Descartes qui est "la chose du monde la mieux partagée". C'est le rire disait Rabelais : "pour ce que rire est le propre de l'homme", etc.. Dans Malaise dans la civilisation, Freud démontre clairement le conflit perpétuel entre nos tendances innées, agressives, et l'idéal de civilisation vers lequel l'homme essaie de tendre. "Homo homini lupus : qui aurait le courage, en face de tous les enseignements de la vie et de l'histoire, de s'inscrire en faux contre cet adage ?", "L'homme est un loup pour l'homme", cf. Hobbes. "[i]Cette tendance à l'agression, que nous pouvons déceler en nous-mêmes et dont nous supposons à bon droit l'existence chez autrui, constitue le facteur principal de perturbation dans nos rapports avec notre prochain. C'est elle qui impose à