Préciser quel type de connaissance peut être en cause.
- Quels auteurs, classiques ou modernes, utiliser ?
- Réfléchir sur le rapport entre perception et concept.
Introduction
Notre relation quotidienne avec le monde passe par la perception et, dans la mesure où nous essayons de construire de ce même monde une connaissance, il serait encourageant de constater que la perception nous permet de l'élaborer. Mais les choses sont-elles aussi simples ? La perception est-elle en elle-même une connaissance ? Et si oui, de quel niveau ?
I. Les apports de la perception
Chaque jour, je constate que le soleil se lève et se couche. La science m'enseigne qu'il ne s'agit là que d'une façon de parler, qui ne correspond aucunement au mouvement réel des astres et des planètes. Faut-il en déduire que toute perception est de la sorte mensongère ? Ce que m'apporte la perception, c'est un univers de qualités, diversifié et changeant.
Déjà Platon déduit de l'aspect mouvant du monde tel qu'il est perçu l'impossibilité d'en déduire une vraie connaissance : ce qui est perçu n'est qu'un monde de reflets fugaces, d'images changeantes qui n'a aucune réalité ontologique (cf. les quatre niveaux de la connaissance dans La République : la perception ne correspond qu'au second). Rousseau affirme qu'une conséquence de cette diversité perçue fut que le vocabulaire des langues originelles était sans doute plus étendu que le nôtre, par manque de noms communs : chaque objet (tel arbre à côté de tel autre) reçut d'abord un "nom propre" parce qu'il était évidemment distinct de son voisin.
Pour construire un concept - comment connaître sans concepts ? - l'esprit doit en effet opérer des abstractions à partir du perçu (on peut rapidement faire allusion à la critique de Bergson : le concept éloigne du réel, que rate en conséquence toute connaissance intellectuelle). La perception renvoie toujours à une existence précise, hic et nunc, alors que la connaissance s'intéresse à l'universel, au-delà de toute particularité.
II. De l'immédiateté à la science
Dans les sciences formelles, l'écart entre perçu et conçu se marque à la différence entre une figure géométrique dessinée et sa définition : la vraie figure n'est donnée que par la définition, et le dessin n'est là que pour aider le raisonnement. De manière plus globale, on rappelle que l'univers mathématique échappe à toute perception, puisqu'il est élaboré a priori et n'entretient aucune relation avec l'expérience.
Mais même dans le cas des connaissances qui paraissent se référer au monde "visible" - c'est-à-dire les sciences "physiques" au sens propre celles de la nature - la perception apparaît comme un obstacle épistémologique (cf. les analyses de Bachelard) bien plus que comme un premier pas vers la connaissance. Le fait scientifique n'est jamais le fait premièrement perçu : il est toujours pensé, reconstruit, inscrit dans un ensemble théorique.
On note enfin que l'"évolution" des théories aboutit à travailler sur des "objets" impossibles à imaginer, et à plus forte raison à percevoir (la masse négative, l'antimatière). Ainsi, du début de la science à son état récent, la perception passe du statut d'obstacle à la pure et simple incompatibilité.
III. La connaissance au quotidien
II n'en reste pas moins que la perception est quotidiennement utile : c'est évidemment grâce à elle que je me dirige, que je manipule les objets, déclenche les instruments, etc. Mais dans ce quotidien normal, il va de soi que j'ai rarement recours à une connaissance élaborée : le minimum de savoir est déterminé par les besoins pratiques immédiats.
J'évolue ainsi dans un univers strictement pragmatique (pourvu que tel instrument fonctionne, je n'ai pas même à savoir comment), ou empirique où la perception retrouve ses droits, parce qu'elle m'apporte les informations qui me suffisent. On soulignera cependant que, même dans cette ambiance peu exigeante, la perception n'est pas suffisante : il me faut aussi des concepts (par l'intermédiaire du langage), des modes d'emploi élémentaires, des savoirs techniques de base qu'elle n'a pas pu m'apporter par elle-même.
Conclusion
On en vient ainsi à constater que, pour être efficace et utile dans la vie de tous les jours, la perception, loin d'être en elle-même une connaissance même élémentaire, a besoin du secours que lui apportent des savoirs à la constitution desquels elle n'a pas participé.