Rousseau, Émile: "Le véritable amour"

L'analyse du sujet, suivie d'un commentaire linéaire, sans conclusion.

Dernière mise à jour : 29/10/2021 • Proposé par: cyberpotache (élève)

Texte étudié

Le penchant de l'instinct est indéterminé. Un sexe est attiré vers l'autre, voilà le mouvement de la nature. Le choix, les préférences, l'attachement personnel sont l'ouvrage des lumières, des préjugés, de l'habitude; il faut du temps et des connaissances pour nous rendre capables d'amour, on n'aime qu'après avoir jugé, on ne préfère qu'après avoir comparé. Ces jugements se font sans qu'on s'en aperçoive, mais ils n'en sont pas moins réels. Le véritable amour, quoi qu'on en dise, sera toujours honoré des hommes; car, bien que ses emportements nous égarent, bien qu'il n'exclue pas du cœur qui le sent des qualités odieuses et même qu'il en produise, il en suppose pourtant toujours d'estimables sans lesquelles on serait hors d'état de le sentir.

Ce choix qu'on met en opposition avec la raison nous vient d'elle; on a fait l'amour aveugle parce qu'il a de meilleurs yeux que nous, et qu'il voit des rapports que nous ne pouvons apercevoir.Pour qui n'aurait nulle idée de mérite ni de beauté, toute femme serait également bonne, et la première venue serait toujours la plus aimable. Loin que l'amour vienne de la nature, il est la règle et le frein de ses penchants.

Rousseau, Émile ou De l’éducation - livre IV

Analyse du sujet

Intérêt philosophique du sujet

Rousseau réfléchit ici à la nature du "véritable amour" et s'oppose à l'idée selon laquelle l'amour qui est une passion serait pour cette raison, irrationnel.

Il défend au contraire l'idée selon laquelle l'amour suppose réflexion et jugements, même si ceux-ci ne sont pas conscients. D'autre part le texte a aussi une dimension morale puisque Rousseau, comme avant lui Platon, montre que l'amour a "de meilleurs yeux que nous", que c'est à la lumière des idées de mérite et de beauté qu'il juge de ses objets, en ce sens il est une expression estimable de l'humanité.

Le plan du texte

1) La thèse est formulée dans les trois premières lignes
2) Rousseau explique pourquoi l'amour suppose raison et jugement
3) Il défend dans la fin du texte sa thèse contre la représentation commune de l'amour passion

Contresens à éviter

Il faut bien repérer la dimension polémique du texte. Rousseau s'oppose à l'idée reçue selon laquelle l'amour est irrationnel et aveugle. D'autre part il faut tenir compte de la complexité de la pensée rousseauiste, qui parle de l'amour aussi bien en termes de raison qu'en termes de préjugés et d'habitude.

Introduction

L'amour est un sentiment. Est-il pour autant purement instinctif, naturel, irrationnel ? Bien que l'on en parle en termes de passion (le mot n'apparaît pas dans le texte), exclut-il tout usage de la raison du jugement ? Dans ce texte polémique, Rousseau s'inscrit en faux contre cette idée reçue et montre que, nous nous en rendions compte ou non, l'amour pense, et qu'il fait même appel à des idées élevées: le mérite et la beauté, ce qui explique que les hommes l'honorent. Il ne s'agit bien sûr ici que de ce que Rousseau appelle le véritable amour, de l'amour désintéressé.

I. L'amour véritable n'est pas une pulsion

La thèse est formulée dès le début du texte, où Rousseau oppose le mouvement de l'instinct, c'est-à-dire de la pulsion, aussi bien chez l'animal que chez l'homme, à l'amour, qui suppose "choix, préférences, attachement personnel" (c'est-à-dire attachement à une personne). D'un côté le "mouvement de la nature" pousse l'individu vers un objet sexuel adéquat, de l'autre intervient manifestement la réflexion.

Déjà Rousseau s'oppose à l'idée reçue selon laquelle l'amour serait une passion, par là même irrationnelle. Toute la suite du texte va être consacrée, dans une perspective proche d

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