Le candidat doit avant tout être attentif au point de départ du texte: renoncer à sa liberté. Il s'agit de passer un contrat (le terme de "convention" figure dans le texte) au terme duquel un homme ou un peuple renonce à sa liberté au profit d'un autre, c'est-à-dire se fait esclave de celui-ci. Faute d'avoir bien déterminer le point de départ, l'argumentation de Rousseau risque de perdre tout son sens.
C'est cette position erronée du contrat assimilé, à un (faux) contrat entre maître et esclave, que Rousseau va ici dénoncer. Comment ? Il en démontre l'inanité. Inanité, c'est-à-dire l'absence totale de sens.
I. Dégagez l'idée générale du texte et la structure de son argumentation
Idée centrale du texte
Rousseau s'oppose ici à la thèse défendue entre autres par Grotius et par Hobbes selon laquelle un peuple pourrait passer avec un autre un contrat d'esclavage, c'est-à-dire un contrat par lequel ce peuple renoncerait à sa liberté au profit de l'autre.
Argumentation du texte
L'argumentation s'articule en deux temps, qui sont d'une nature différente.
Un argument philosophique tout d'abord : L'homme pour Rousseau se définit par liberté, renoncer à sa liberté est donc renoncer à ce qui fait notre humanité, et que Rousseau précise : un homme ou un peuple qui ne se reconnaît plus la liberté de décider par lui- même de son sort ne se considère par là même plus comme responsable de ses actes, et, n'ayant plus le choix, ne peut plus agir moralement. C'est pourquoi Rousseau dit qu'il renonce à ses droits, car voir respecter sa liberté est un droit naturel de l'homme, et même à ses devoirs, car exercer sa liberté, ne pas se conduire comme un animal ou une machine est un devoir pour l'homme.
Le deuxième argument est plutôt d'ordre logique : dans la deuxième moitié du texte ("enfin...") Rousseau souligne le côté absurde (vain : sans signification) d'un contrat, d'une convention, dans laquelle l'un des contractants à tous les droits, et l'autre aucun, puisqu'il a renoncé à sa liberté. Pour pouvoir passer une convention avec quelqu'un, il faut engager certaines choses pour, en échange en retirer d'autres.
Or, comme le souligne Rousseau dans la fin du texte, celui qui abandonne sa liberté a, du moins si c'est un peuple, tout perdu : si un particulier peut par exemple espérer la subsistance en échange de sa liberté, il n'en va pas de même d'un peuple, qui peut produire sa propre subsistance, et il a donc tout à perdre à un tel marché, qui ne peut être comme le montre Rousseau, qu'un marché de dupes.
II. Expliquez "N'est-il pas clair qu'on n'est engagé à rien envers celui dont on a droit de tout exiger ?"
Cette phrase souligne le caractère absurde d'une convention qui donne à l'un tous les droits sur l'autre, alors que toute convention est un échange. Celui qui a tous les droits sur l'autre n'a évidemment aucun devoir à son égard, puisque l'autre, ayant renoncé à sa liberté, n'existe plus en tant que personne humaine.
III. En quoi toute forme d'esclavage est-elle contraire au droit ?
L'esclavage est un fait, comme il l'était à l'époque de Rousseau. Il peut revêtir différentes formes, on peut le définir d'une manière générale comme une situation dans laquelle un homme ou un peuple n'a plus aucun droit et surtout a perdu toute forme de liberté. Ainsi par exemple le travailleur à la chaîne n'est-il pas malgré les apparences un esclave car c'est lui qui a , malgré tout, décidé d'accomplir ce travail, qu'il peut arrêter quand il le veut, en assumant alors les difficultés de sa situation.
Au contraire les enfants ne pouvant choisir qu'entre la prostitution et la mort sont des esclaves de la misère, car ce choix n'en est pas un. Le droit présuppose la liberté : je dois être libre de comprendre mes droits, de les exercer et de les faire respecter. Le droit m'impose aussi, comme le remarque Rousseau, des devoirs à l'égard des autres personnes dont je dois respecter les droits. C'est pourquoi d'ailleurs le problème se pose à l'égard des animaux : en un sens, ils sont nos esclaves, mais peut-on parler en ces termes d'êtres qui n'ont aucune liberté et ne peuvent pas être des agents moraux ?
Bien que l'on puisse répondre que nous avons tout de même des devoirs envers eux, il reste que la situation d'esclave met de ce point de vue là l'homme "en dessous de la bête même", puisqu'elle enlève à l'homme toute possibilité d'exercer sa liberté, d'être un agent aussi peu qu'un patient moral.