Introduction
Ce poème, paru pendant l'Occupation dans le journal "le Mot d'ordre" a été inspiré par l'évolution des événements à partir de l'été 1941 : attentats contre l'occupant, exécutions sommaires...
Il fit l'objet, pendant la guerre de nombreuses réimpressions anonymes. Il doit sans doute son succès à la force des sentiments qu'il exprime et à sa forme de complainte populaire...
Il se compose de 64 heptasyllabes.
I. Les épreuves et les combats d'une époque
a) l'occupation
- "la belle/ prisonnière des soldats"
- "les blés sous la grêle" : les destructions, le rationnement
b) la Résistance
- les risques encourus
- les difficiles conditions de détention
- les exécutions au petit matin
II. La nécessité de l'union au service d'un idéal commun
a) l'union
- le conflit entre cléricaux et anticléricaux déchirait la France depuis le XIXe (cf. l'affaire Dreyfus)
- la Résistance rapprochait les Français, idéologiquement divisés, dans la défense d'une même cause. L'auteur rend ici hommage aux militants chrétiens et communistes. Les deux vers du refrain s'opposent tout en étant de constructions symétriques, étrangement parallèles. "Tous deux" (v.3) rassemble les contraires
b) l'idéal commun
- l'amour de la France (fidélité indéfectible en paroles, en sentiments et en actes) et la libération du pays
- le sang des martyrs ne s'évapore pas, il féconde la terre de France et permet l'avènement d'une "saison nouvelle" évoquée à la fin du poème
III. La complainte populaire
a) dans sa structure et sa versification
- dix sizains dont le distique initial revient comme un refrain. A la fin, un "envoi" (v. 56-64), dans la tradition médiévale, vient se substituer au refrain
- l'absence de distinction typographique des strophes ainsi que la suppression de la ponctuation concourent à donner sa fluidité
- la brièveté des vers de 7 syllabes, l'alternance des même rimes claires ("ciel") et graves ("pas"), les nombreuses répétitions (assonances, allitérations, reprise de termes) vont dans le même sens
b) dans le langage et les images
- l'image, traditionnelle et médiévale, des v.3-4 évoque une "belle" enfermée dans une tour d'où son amant cherche à la délivrer au péril de sa vie (cf. v.6-7)
- au v.18, l'auteur intègre tout naturellement au poème un proverbe : "Qui vivra verra"
- l'image des "blés" menacés par la grêle (v.21), qu'il faut rentrer à la hâte en faisant taire toute inimitié, est empruntée à l'expérience séculaire des communautés rurales
- Aragon est également séduit par la beauté des grands symboles chrétiens, tel le sang du Christ et des martyrs (v.51-54)
- le grillon (v.60) est le symbole populaire de la paix du foyer qui sera un jour restauré
Conclusion
Ce poème nous touche par son affirmation exemplaire de l'unité nationale, à une époque où les Français étaient plus divisés que jamais. Poète situé jusque là dans l'avant-gardisme littéraire, Aragon retrouve ici les sources de la tradition nationale, à la fois médiévale et populaire.