Aragon, Les Yeux d'Elsa - La Nuit de Mai

Commentaire complet en deux parties:
I. Un poème avec en toile de fond la guerre,
II. Un univers fantastique.

Dernière mise à jour : 28/04/2021 • Proposé par: objectifbac (élève)

Texte étudié

Les spectres évitaient la route où j'ai passé
Mais la brume des champs trahissait leur haleine
La nuit se fit légère au-dessus de la plaine
Quand nous eûmes laissé les murs de La Bassée

Un feu de ferme flambe au fond de ce désert
Aux herbes des fossés s'accroupit le silence
Un aéro dit son rosaire et te balance
Une fusée au-dessus d'Ablain Saint-Nazaire

Les spectres égarés brouillent leurs propres traces
Les pas cent fois refaits harassent leur raison
Des panaches de peur montent à l'horizon
Sur les maisons d'Arras en proie aux chars Arras

Interférences des deux guerres je vous vois
Voici la nécropole et voici la colline
Ici la nuit s'ajoute à la nuit orpheline
Aux ombres d'aujourd'hui les ombres d'autrefois

Nous qui rêvions si bien dans l'herbe sans couronnes
La terre un trou la date et le nom sans ci-gît
Va-t-il falloir renaître à vos mythologies
On n'entend plus pourtant grincer les cicerones

0 revenants bleus de Vimy vingt ans après
Morts à demi Je suis le chemin d'aube hélice
Qui tourne autour de l'obélisque et je me risque
Où vous errez Malendormis Malenterrés

Panorama du souvenir Assez souffert
Ah c'est fini Repos Qui de vous cria Non
Au bruit retrouvé du canon Faux Trianon
D'un vrai calvaire à blanches croix et tapis vert

Les vivants et les morts se ressemblent s'ils tremblent
Les vivants sont des morts qui dorment dans leurs lits
Cette nuit les vivants sont désensevelis
Et les morts réveillés tremblent et leur ressemblent

A-t-il fait nuit si parfaitement nuit jamais
Où sont partis Musset ta Muse et tes hantises
Il flotte quelque part un parfum de cytises
C'est mil neuf cent quarante et c'est la nuit de Mai

Aragon, Les Yeux d'Elsa - La Nuit de Mai

Introduction

Aragon a vécu les deux guerres en tant que soldat. Ceci le marqua particulièrement. Les Yeux d'Elsa est un recueil traitant de la débâcle et de la résistance. Le texte suivant appartient au premier groupement "les nuits". C'est un texte allusif par rapport à celui de Musset, poète ayant vécu un siècle avant Aragon, qui écrivit un poème intitulé "Nuit de Mai" à la suite d'un gros chagrin d'amour. Ce dernier poème est un dialogue entre la muse et l'auteur, qui l'incite à écrire dans la dépression et la souffrance. Aragon nous fait par contre l'évocation d'une douleur consécutive à la guerre.

I. Un poème avec en toile de fond la guerre

a) Des indices de lieux et de dates

Le poème est daté et situé géographiquement: "C'est 1940 et c'est la nuit de mai". Mai 1940 correspond à l'époque de la capitulation et de la débâcle française. En effet, le régiment d'Aragon a été démobilisé et s'est retiré.

De plus, quelques lieux sont évoqués :
- "sur les maisons d'Arras en proie aux chars"
- "ô revenants bleus de Vimy vingt ans après"
Arras est le nom d'une bataille à laquelle Aragon a participé. "Vimy" est une ville du nord de la France. Le Nord est aussi évoqué par la phrase "voici la nécropole et voici la colline". En effet lors de la première guerre mondiale, et dans un but de rapidité et d'hygiène, des collines entières furent transformées en cimetière à la fin de la guerre. Or, la plupart des batailles de la première guerre mondiale eurent lieu dans le nord de la France. Aragon évoque donc bien ici cette région du pays.

b) Les évènements de guerre et leurs conséquences

Dans ce poème sont aussi évoqués les combats et plus généralement ce qui est arrivé militairement.
En effet, Aragon nous parle de bombardements : "un aéro dit son rosaire":
- "aéro" signifie ici un avion allemand, terme mis pour aéroplane.
- "rosaire" ce mot est normalement employé pour désigner un chapelet, fait d'un grand nombre de petits grains successifs. Symboliquement c'est l'avion qui sème ses bombes.

L'auteur nous décrit ensuite les conséquences de ces bombardements :
- "un feu de ferme flambe au fond de ce désert": L'allitération du "f" insiste sur le feu et ses dévastations.
- "Des panaches de peur montent à l'horizon": il y a une substitution de la fumée par la peur. Ceci confirme l'impression générale du poète.

Ensuite, Aragon décrit un certai

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