Introduction
Le terme « liberté » vient du latin « Liber » qui signifie libre, sans entraves, sans chaînes, par opposition à « servus », esclave. Dans l’Antiquité, l’homme libre était celui qui ne subissait pas la domination physique d’un maître. Aujourd’hui, l’opinion ne réprouverait spontanément que la liberté en l’absence de contraintes. Mais peut-on prouver la liberté ?
Il s’agit là d’étudier si la liberté peut être démontrée par des preuves, à travers les actes, les choix et les conséquences qu’elle implique. Mais comment la liberté ne pourrait-elle pas être prouvée ? Quels sont donc les éléments qui nous empêchent de prouver notre liberté ?
Pour prouver que l’on est libre, on peut tout d’abord montrer que l’on est capable. Mais prouve-t-on notre liberté en faisant ce qu’il nous plaît, ou au contraire, en résistant, en agissant à l’encontre de nos envies. Quoiqu’il en soit, nos actes ne sont pas déterminés par des causes. Alors est-il possible de montrer que l’on est libre, malgré tout, ou bien liberté et déterminisme sont incompatibles ?
Choisir ses actes, décider de faire ou de ne pas faire quelque chose est-il un moyen de prouver sa liberté ? En comprenant les déterminismes qui limitent notre libre-arbitre, ne peut-on pas prouver notre liberté ?
A-t-on la possibilité et le droit de prouver qu’on est libre ? Être responsable de nos choix et de nos actes, n’est ce pas une preuve de la liberté ?
I. La liberté peut être prouvée par les actes
Tout d’abord, la liberté peut être prouvée par les actes, c’est à dire en montrant que l’on est capable.
La première définition de la liberté est l’absence de contraintes. Etre libre, c’est donc faire ce que l’on veut. On peut prouver notre liberté en agissant comme on l’entend, à notre guise, puisque rien ne nous en empêche : je peux manger autant de confiseries que je veux, voire même à l’excès pour prouver que je suis libre. Aucun obstacle ne se présente à moi. Néanmoins, on ne montre pas forcément que l’on est libre en faisant ce qui nous plait, car on devient l’esclave de nos désirs, de nos passions, de nos envies. L’exemple des sucreries confirme cette théorie. En mangeant des tonnes de bonbons, de gâteaux, ma santé se dégrade, je grossis et mes dents s’abiment. De même si je fume, je dépends de la nicotine et je ne peux plus m’arrêter. On ne prouve donc pas forcément notre liberté en faisant ce que l’on veut, ce qui nous plait, car la liberté n’est pas l’assouvissement de nos désirs. C’est alors en résistant, en allant à l’encontre de nos envies que l’on réussi à démontrer que l’on est libre. En arrêtant les sucreries ou le tabac, je contrôle mes désirs et ainsi prouve ma liberté.
Cependant, nos actes sont déterminés par des causes dont ils en sont qu’un effet. Ce n’est donc pas en se soumettant à nos désirs ou en résistant que l’on prouve notre liberté. Je mange des bonbons par gourmandise, j’arrête par coquetterie. Les causes peuvent donc avoir une autre cause et ainsi à l’infinie. Spinoza le confirme d’ailleurs dans l’Ethique « toute chose singulière, c’est à dire finie, dépend d’une autre cause, elle même finie et ainsi à l’infinie ». Quoique je fasse, il est impossible de prouver la liberté.
Toutefois, liberté et déterminismes ne sont pas incompatibles. Ce n’est pas parce que nos actes sont déterminés que l’on n’a pas la capacité de prouver que l’on est libre. Dans le Léviathan, Thomas Hobbes déclare que « un homme libre est celui qui, s’agissant des choses que sa force et son intelligence lui permettent d’accomplir, n’est pas d’empêcher de faire ce qu’il a la volonté de faire » Nous sommes donc déterminés par ce que l’on a la force de faire et l’intelligence que nous avons. Il faut distinguer les choses possibles, réalisables de celles que nous voulons. Donc même si nos actes sont déterminés par une cause, ou même par l’inconscient, selon Freud nous pouvons prouver notre liberté dans la mesure où nos capacités le permettent. Si je suis handicapé et que je ne peux pas conduire, c’est un manque de force, pas de liberté. Je peux donc ne pas avoir la capacité physique de faire ce qui me plait, manquer de force physique, intellectuel, matériel, mais ce n’est pas un manque de liberté et je peux toujours prouver que je suis libre
Pour échapper aux déterminismes nous pouvons aussi agir par indifférence, en choisissant une chose plutôt qu’une autre indépendamment de tout motif. Par exemple ; je choisis d’aller voir ce film plutôt qu’un autre, ou de prendre ce dessert, alors qu’aucun ne me paraît préférable à l’autre, je fais usage de ma liberté d’indifférence. Descartes affirme dans les Méditations Métaphysiques que « la liberté d’indifférence est le plus bas degré de la liberté », car ce n’est pas en se soumettant au hasard que l’on prouve notre liberté. Mais la liberté ne se prouve pas seulement par les actes.
II. On peut aussi prouver la liberté par un choix raisonné et raisonnable
On peut aussi prouver la liberté par un choix raisonné et raisonnable.
En réfléchissant, en se questionnant, on peut choisir ce qu’il y a de mieux et penser aux conséquences, grâce à notre libre arbitre. Le libre arbitre est la puissance que nous avons qui nous permet de choisir ou de ne pas choisir. Ainsi, on prouve que l’on est libre, et que l’on se détermine par soi même, en accordant sa volonté et sa raison. Nous faisons chaque jour usage de notre libre arbitre, puisque nous pouvons à tout moment accepter ou refuser de faire quelque chose. En utilisant notre libre arbitre, on prouve alors que l’on est libre de faire nos propres choix. Par ailleurs, Sartre pense que la liberté est la condition initiale de l’homme, et ce dernier est libre de se faire, il est projet. Dès lors, l’obstacle stimule notre liberté puisqu’il nous met en situation de devoir choisir, en connaissant les conséquences de nos choix. Face aux obstacles, en faisant preuve de réflexion, nous sommes libres de choisir et ainsi prouver notre liberté.
Pourtant, même si l’on veut se déterminer par soi même, en faisant nos propres choix, des déterminismes extérieurs agissent sur notre libre arbitre. Comme le dit Spinoza dans sa Lettre à Schuler (n°58) « il n’y a dans l’âme aucune volonté absolue ou libre, mais l’âme est déterminée à vouloir ceci ou cela par une cause, qui elle aussi est déterminé et ainsi à l’infini ». Les déterminismes influent sur nos choix et nous empêchent de prouver que l’on est libre.
Pour pouvoir être libre et le prouver, il faut connaître la nécessité. Des lors, en se soumettant à cette nécessité, et en faisant acte de raison, on comprend l’ordre profond des choses. On peut prouver la liberté dès lors qu’on laisse parler en nous notre « nature rationnelle » et que l’on comprend tout ce qui nous arrive est le résultat de la nécessité. Par exemple, si j’ai compris pour quelles raisons je bois, à présent je peux m’arrêter. Et c’est donc grâce à nos choix et par la raison que l’on peut prouver la liberté.
III. La liberté se montre aussi par la possibilité morale et les droits que l’on dispose pour le faire
Cependant la liberté ne se prouve pas uniquement par les actes ou par les choix, elle se montre aussi par la possibilité morale et les droits que l’on dispose pour le faire.
Il n’y a pas de liberté sans responsabilité. Pour prouver que l’on est libre, nous devons être entièrement responsables de nos choix et de nos actes. Bernard Shaw, un écrivain disait que « la liberté signifie la responsabilité, c’est pourquoi la plupart des hommes la craignent ». Dès lors, la liberté peut parfois ne pas être mise en pratique à cause de la responsabilité qu’elle implique. Si j’ai envie de faire ceci, mais que j’ai peur des représailles et donc que je ne le fait pas, je ne prouve pas ma responsabilité. Ce n’est pas en échangeant sa liberté pour plus de sécurité que l’on montre que l’on est libre.
Ainsi, assumer ses actes et ses choix permet de prouver la liberté. Maxime, du Canard enchainé, dit même que « la liberté de presse ne s’use que si l’on ne s’en sert pas », ce qui est valable pour l’ensemble de la liberté. Car la liberté, c’est l’essence même de l’homme et y renoncer dit Rousseau, « c’est renoncer à sa qualité d’homme ».
Par ailleurs, une société est régie par bon nombre de lois et nous nous devons de les respecter. En tant que sujet doué de raison, Kant pense que l’homme est libre de décréter aux lois auxquelles il obéira. Ainsi, la loi morale n’est pas une loi extérieure à laquelle on se soumet, mais une loi que l’homme s’impose à lui même, en tant qu’être raisonnable. En ce sens, la liberté kantienne est autonomie. Ce n’est pas en transgressant les lois que l’on prouvera la liberté, car être libre, c’est agir de telle sorte que mon action puisse servir d’exemple à autrui. Enfreindre les lois n’est donc pas une attitude morale et responsable.
Conclusion
En définitive, nous pouvons dire que ce n’est pas en agissant comme on l’entend que l’on prouve notre liberté, mais plutôt en allant à l’encontre de ce qui nous plait. Malgré les déterminismes, je peux prouver que je suis libre selon mes capacités.
Mais il est plus raisonnable et rationnel de prouver la liberté en se déterminant par soi même et en étant l’auteur de ses actes par un choix. Mais en comprenant les déterminismes extérieurs, on peut prouver que l’on est libre.
Comme la liberté implique la responsabilité, c’est en assumant nos choix et nos actes et en faisant l’exercice de notre libre arbitre que l’on prouve la liberté.
La liberté est donc une notion complexe qui suppose l’activité de la raison en alerte. Qu’on pense qu’elle est le propre de l’homme ou pure illusion, voire tromperie, « il nous faut assumer cette tragique grandeur » comme le disait Sartre dans La République du Silence.