Introduction
Envisageons rationnellement ce que pourrait être l'homme à son état naturel, c'est-à-dire avant l'établissement de toute loi, avant la naissance de toute culture. Un chaos indicible régnerait vraisemblablement, où toutes les volontés s'exprimeraient et se confronteraient irrémédiablement les unes aux autres. Afin d'assurer la coexistence et la survie du plus grand nombre, et, par-delà, affirmer la perpétuation de l'espèce, il convient donc que les hommes établissent une forme de convention, fruit de leur accord commun. Problématique : Mais quel pourrait être le fondement de cette convention? Pourrait-on y déceler une tentative d'expression d'un idéal de Justice?
Annonce de plan : Dans l'extrait donné, Malebranche expose une théorie qu'il réfute, selon laquelle l'être humain serait mû par son amour-propre et que la convention sur laquelle reposerait la société humaine serait fondée autour de cette notion (PARTIE 1). Le philosophe nie toute légitimité de cette organisation qui, d'après lui, entérine un état de fait, trouvant sa source dans la loi du plus fort (PARTIE 2).
I. La théorie réfutée par Malebranche : l'être humain serait mû par son amour-propre et là-dessus la société humaine
D'emblée, l'auteur présente la thèse qu'il va s'attacher à réfuter. Condamnant violemment ses théoriciens, qu'il qualifie d' "esprits corrompus", il expose un parallèle par eux établi, entre les notions de "juste et [d'] injustice", et celle de "vrai et [de] faux". De même qu'on ne décide pas du vrai et du faux, on ne décide pas du juste et de l'injuste d'après ses opposants, et ce ne sont pas des "inventions de l'esprit humain". D'après ces théoriciens, les hommes auraient eux-mêmes établi des lois, ce qui relèverait d'une autodétermination, avec un but précis : leur "mutuelle conservation". Cette théorie fait écho à la pensée hobbesienne. En effet, Hobbes affirme qu'à l'Etat naturel, tous les hommes bénéficieraient d'une liberté absolue mais que ces libertés individuelles entreraient en contradiction les unes avec les autres, générant des conflits incessants et provoquant la mort de bon nombres d'individus. De cette observation découle la nécessité de mise en place d'un tiers, d'une entité placée au-dessus des individus et qui, réduisant le champ de leurs liberté, permettrait l'établissement d'une situation de paix, garante de la coexistence pacifique des individus. Ainsi, les lois trouveraient leur légiti