François Marie Arouet, ou Voltaire, philosophe et écrivain du siècle des Lumières est un auteur engagé qui lutte contre les attitudes révoltantes de son époque. L'article "Genève" de L'Encyclopédie qu'il inspire à d'Alembert suscite la tempête chez les pasteurs : les antiphilosophes veulent l'expulser de la propriété des délices. En 1758, il achète la propriété de Ferney, située à cheval sur la frontière franco-suisse, pour se mettre à l'abri. C'est cette année là qu'il rédige Candide, conte philosophique qui contredit la théorie de l'optimisme selon laquelle tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, mais sans la détruire tout à fait puisque la plupart des personnages finissent par cultiver sagement leur jardin en renonçant à la métaphysique. Il sera publié en 1759, sous couvert de l'anonymat, puis du pseudonyme en 1761.
Candide raconte le voyage et les aventures mouvementés du personnage éponyme qui va découvrir un monde bien différent de celui auquel son précepteur Pangloss lui avait fait croire. Cet extrait du chapitre 1 constitue l'incipit du conte, l'auteur pose les fondations du récit en présentant les principaux personnages qui seront présent au cours de l'aventure.
I. Les personnages
C'est le pays de Leibniz, principal philosophe théoricien de l'Optimisme que combat Voltaire : celui de Frédéric II de Prusse, que l'auteur admirait comme le modèle du souverain éclairé et avec lequel un séjour à Berlin vient de le brouiller. La Westphalie en est aussi la province la plus pauvre: en la choisissant comme Éden fondateur du conte, et en faisant croire à tous les personnages que le baron, avec son château qui avait une porte et des fenêtres, est un puissant seigneur, Voltaire souligne la médiocrité de cet idéal et l'aveuglement de ses héros: il donne une leçon de relativité entre la réalité et l'idée que les hommes s'en font.
L’évocation de Candide encadre celle des autres personnages, cette composition situe d'emblée le jeune garçon comme le héros, mais insiste aussi sur sa marginalité sociale de bâtard: il est ensuite réintégré à sa place normale, qui est la dernière. Les comparses, en effet, se présentent dans un ordre familial et social hiérarchique . le baron, son épouse, leurs enfants, le précepteur, enfin l'enfant naturel. La fille vient avant le fils, ce qui annonce le rôle majeur de Cunégonde. De même, seuls Candide et Cunégonde ont un prénom; on ignore si Pangloss est un nom ou un prénom. Tous les trois font l'objet de précisions succinctes, et l'on a même l'honneur d'entendre la voix du professeur pour un fragment édifiant de cours de philosophie. Mais cette économie de description n'est rien au regard du sort réservé au baron, à sa femme et à son fils, anonymes et expédiés en deux traits d'esquisse caricaturale. Le premier n'est pas méchant au fond mais prétentieux et un peu ridicule même pour ses serviteurs. Son épouse placide ne se distingue que par son poids et une bonne éducation limitée à une politesse formelle (faire les honneurs de la maison avec une dignité), ce qui veut dire qu'elle est laide et bête; quant au fils, on se contente de noter qu'il - paraissait en tout digne de son père ».
II. La satire de la société féodale
Voltaire oppose la prétention de richesse (- grande salle -, - meute -, - piqueurs ., - grand aumônier -, termes ou titres noble) et la basse réalité (simples ornements de - tapisserie -, - chiens de basse-cour -, - palefreniers -, - vicaire -). Les serviteurs même, tout en affublant le baron du titre pompeux de monseigneur - sans gêne ni malice - rient de ses contes - leur respect a des limites, tout se déroule dans une ambiance à la fois guindée et familiale. La satire sociale atteint son point culminant avec l'exigence des quartiers de noblesse (71 au lieu de 72).
III. Un philosophe dogmatique et grotesque
Le nom même de Pangloss est parodique ( tout en langue - en grec, ce qui peut signifier - qui ne fait que parler - et suggère un vain bavardage). Dès cette première apparition il se distingue par deux traits: - oracle de la maison -, dogmatique, il n'a aucun contradicteur; et ses discours sont ridicules. Pour le prouver, Voltaire devance le jugement du lecteur en annonçant que Pangloss enseigne la - métaphysico-théologo-cosmolonigologie - : la pétarade intellectuelle jargonnante s'achève burlesquement par l'ex- pression - nigologie - la science, logos en grec, des nigauds « nigo » ainsi qu’une succession d’effets sans véritables causes.
Conclusion
En quelques lignes Voltaire pose donc l'essentiel du sujet et des procédés de l'ensemble du conte, et, dans une parodie du premier chapitre de la Bible (la Genèse, Éden dont l'Adam est ici Candide et l'Ève qui le séduira Cunégonde, et dont Candide sera bientôt chassé), met en place la référence à un premier jardin, à un premier paradis, qui servira de référence constante à la quête de son héros. Le château, symbole pour Candide du bonheur, sera par la suite une référence déterminante pour son apprentissage, jusqu'à sa duplication finale dans la métairie orientale.