Voltaire, Lettre à Frédéric de Prusse

Fiche en deux parties : I. Les flatteries du courtisan, II. Le portrait du "despote éclairé"

Dernière mise à jour : 16/03/2021 • Proposé par: zetud (élève)

Texte étudié

Souffrez que je vous dise qu’il n’y a point d’homme sur la terre qui ne doive des actions de grâce au soin que vous prenez de cultiver, par la saine philosophie, une âme née pour commander. Croyez qu’il n’y a eu de véritablement bons rois que ceux qui ont commencé comme vous pour s’instruire, par connaître les hommes, par aimer le vrai, par détester la persécution et la superstition. Il n’y a point de prince qui, en pensant ainsi, ne puisse ramener l’âge d’or dans ses États. Pourquoi si peu de rois recherchent-ils cet avantage? Vous le sentez, monseigneur : c’est que presque tous songent plus à la royauté qu’à l’humanité; vous faites précisément le contraire. Soyez sûr que, si un jour le tumulte des affaires et la méchanceté des hommes n’altèrent point un si divin caractère, vous serez adoré de vos peuples et chéri du monde entier. Les philosophes dignes de ce nom voleront dans vos États, et, comme les artisans célèbres viennent en foule dans le pays où leur art est plus favorisé, les hommes qui pensent viendront entourer votre trône.

Voltaire, Lettre à Frédéric de Prusse

Présentation du texte

Fréderic de Prusse, esprit cultivé (ou éclairé) fait très tôt connaître à Voltaire son désir d’entrer en relation épistolaire avec lui (Fréderic a 24 ans, en 1736 et ne sera couronné roi de Prusse qu’en 1740). Enchanté par les avances flatteuses du futur roi de Prusse, Voltaire lui répond de Cirey. Le 26 aout 1736, par une lettre dans laquelle se dessine, sous les flatteries du courtisan, le portrait du « despote éclairé » qu’il pressant déjà en Fréderic (un monarque autoritaire mais cultivé).

I. Les flatteries du courtisan

1. L’expression conventionnelle de la politique de la cour

Celle ci se manifeste à travers certaines formulations établies par l’usage et les circonlocutions (expressions recherchées, un peu « ampoulées »), « monseigneur » (ligne 8). L’emploi des impératifs confère à cet extrait une connexion respectueuse propre au langage de la littérature épistolaire: « souffrez » (denier, agréer) (ligne 1), « croyez » (ligne 3), « soyez sur » (ligne 10), le recours à la périphrase qui se substitue aux termes simples « des actions de grâce » (ligne 2) (connotation religieuse : c’est un remerciement), « les hommes qui pensent » (ligne 14) (philosophe). L’emploi du pluriel pour le singulier (pluriel emphatique): « ses états » (ligne 7), « vos peuples » (ligne 12), l’atténuation par la double négation « il n’y a point d’homme sur la terre qui doivent des actions de grâce » (lignes 1-2), « tous les hommes sur la terre… ». (lignes 6-7) : « il n’y a point de phrase… qui ne puisse… » « Vous êtes un prince qui va ramener l’âge d’or ». L’art du détour, sensible à travers les nombreuses incises du texte : « par la sainte philosophie » (lignes 2-3), « qui, en pensant ainsi » (ligne 6). Toutes ses formes de politesse sont autant de courbettes (flatteries) par écrit. Le ton de la lettre se rapproche beaucoup de l’art de la conversation, « Souffrez que je vous dise… » (ligne 1), il aurait pu dire « non … que je vous écrive… », mais c’est surtout les soucis de plaire et de flatter qui domine au dépend du naturel.

2. L’expression fleurie du courtisan flatteur

Voltaire manie l’hyperbole avec insistance : « il n’y a point d’homme sur la terre » (ligne 1), « adoré de vos peuples et chéri du monde entier » (lignes 11-12). « Un si divin caractère » (ligne 11). L’hyperbole donne une envergure immense, universelle au futur Fréderic II, accentuée par la répétition de « il n’y a point » aux lignes 1 e

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