Jean de La Fontaine est un grand fabuliste appartenant à l’époque classique. Ses Fables ont été écrites en 1678. Il publiera deux recueils de ces récits, qui seront divisés en livres. Ceux-ci étant dédicacés au Grand Dauphin. Dans son œuvre, La Fontaine fait une critique des différents aspects de la société en personnifiant les animaux. Ce qui lui permet d’éviter la censure. Il aborde de nombreux thèmes tels que « la force et la faiblesse » « la raison et l’illusion »… Ces sujets sont mis en parallèle tout le long de son œuvre.
C’est une construction très travaillée en forme de « labyrinthe » car il mène le lecteur à une réflexion sous une forme amusante. Ne disait il pas « Les badineries ne sont elles qu’en apparence ; car dans le fond elles portent un sens très solide » ? Ainsi nous allons étudier « le lion et le moucheron » de Jean de La Fontaine fable IX du livre II. Dans un premier temps nous verrons la peinture vive des caractères des animaux humanisés puis une parodie d’un combat épique et enfin une morale à double sens.
I. La peinture vive des caractères des animaux humanisés
Le lion et le moucheron sont deux animaux très différents tant sur le plan physiologique que moral. Comme dans la plupart de ses fables La Fontaine emploie un merveilleux allégorique en personnifiant ces deux êtres. La personnification permet au lecteur de s’identifier plus facilement aux personnages. Jean de la Fontaine déclarait : « La fable est un tableau ou chacun de nous se trouve dépeint ». Tout d’abord le moucheron est désigné par un vocabulaire péjoratif qui souligne sa faiblesse « chétif insecte » « avorton de Mouche » « invisible » « excrément de la terre ». Cependant sa taille ne l’empêche pas d’être très agressif. Jean de La Fontaine décrit, sous forme d’hypotypose, cette agressivité avec beaucoup d’ampleur « sonna la charge » « fond sur le coup » « pique l’échine » « entre au fond du naseau ». Cette hargne surprend le lecteur qui lie généralement le moucheron à un être faible et sans défense. Il expose cette violence avec une grande rapidité. C’est en cela un artiste car l’hétérométrie de la versification crédite le sens. Les alexandrins nous montrent la grandeur du lion tandis que les octosyllabes sont liés au moucheron et traduisent la légèreté, la rapidité, l’habilité du moucheron. De plus de nombreuses coupes et la ponctuation très saccadées peignent l’ardeur du moucheron. Cependant cet animal est très vantard « triomphe » « rit de voir » « sonne la victoire, va partout l’annoncer » il se grandit et se place en statu de supériorité face au lion. Celui-ci est un personnage allégorique. Jean de La Fontaine critique le roi par l’intermédiaire du lion « ton titre de roi ». Il peint, avec des traits plus lents, un animal puissant « il rugit, on se cache, on tremble à l’environ » « quadrupède écume » « son œil étincelle » qui donne des ordres avec l’impératif « Va t’en ». Comme évoqué précédemment, l’alexandrin désigne le lion et donne un air solennel à l’animal. Les rôles s’inversent : le géant faibli tandis que l’avorton s’affirme.
II. Une parodie d'un combat épique
Cette fable est aussi la parodie d’un combat épique. Le duel de David contre Goliath. L’échange violent du lion « Va t’en chétif insecte, excrément de la terre ! » produit chez le moucheron « une déclaration de guerre ». Cet être belliqueux est mis en scène de façon très réaliste. Les images agissent, la fable n’est elle pas « une comédie à cent actes divers ? » De nombreux verbes d’action sont employés « sonna ; met ; fond ; pique… ». L’auteur insiste sur la brutalité de l’attaque marquée par l’anaphore « tantôt ». Le champ lexical de la guerre est très développé : « embuscade » « sonna la charge » « Trompette » « ennemi »… il permet une représentation réaliste du combat. Le ton épique, l’exagération, les anaphores et les nombreuses hyperboles « en cent lieux le harcèle » donnent au texte une pointe d’humour. C’est en cela que le fabuliste met en place un esthétique de la beauté. Les animaux sont certes personnifiés mais lors du combat ils sont décrit sous une forme bestiale « museau » « échine » « naseau » le narrateur veut peut être montrer que les hommes face au combat retournent à un statu primaire et animal. Qu’ils ne se comportent plus comme des êtres civilisés.
Le lion est attaqué il subit impuissant les « coups » du moucheron. Le lion meurt, l’insecte triomphe mais un deuxième combat est annoncé, il y a alors un revirement de situation : le moucheront est battu. Vingt six vers sont accordés pour le premier combat alors que seulement trois vers attribués pour la bataille contre l’araignée. Peut être que ceci à une signification pour la morale.
III. Une morale à double sens
La fable est un apologue. Un espace sépare nettement le récit de la morale. La moralité est mise à la fin. C’est l’âme de la fable et le récit est le corps. L’auteur agit de la même manière qu’Esope sans pour autant que son « imitation ne soit un esclavage ». La morale est introduite par la phrase oratoire : « Quelle chose par là peut nous être enseignée ? » Le nous englobe l’implication de l’auteur mais aussi du lecteur. Il annonce d’emblée qu’il va développer deux morales « j’en vois deux ». Il mène une conversation sérieuse, c’est la fin des badineries. Ces deux morales sont explicites l’une renvoie au récit du combat du moucheron contre le lion et l’autre contre l’araignée. Mais la première morale est en contradiction avec la fin du récit car nous devons craindre ceux qui nous paraissent sans danger alors que l’araignée, plus grosse que le moucheron, est un réel danger même si elle n’est pas plus petite que lui. La deuxième est introduite clairement par « l’autre » et nous indique qu’il faut toujours être prudent. Jean de la Fontaine en prenant le parti du lion « malheureux » appuie d’avantage les idées qu’il veut faire passer. Ces morales sont concises et grâce à l’opposition « plus à craindre ; les petits » et au chiasme « grands périls ; moindre affaire » elles permettent une mémorisation très facile de cette leçon.
Conclusion
Ainsi cette fable est très riche de sens. Jean de la fontaine arrive en si peu de vers à donner une portée universelle à sa fable qui reste gravée dans les mémoires. Elle enseigne le lecteur et le mène à la réflexion. Ce lion et ce moucheron sont des personnages très riches avec des caractères que Jean de La Fontaine à su nous peindre avec beaucoup d’habileté. Il y a d’un côté ce petit moucheron belliqueux dont l’ampleur du combat est décrite et de l’autre côté ce lion impuissant face à une force qui le dépasse.
Les plans successifs, la versification donne du sens au texte. Grand fabuliste qui nous présente une fois de plus une morale avec sagesse. Le lion et le moucheron est inspiré de la fable d’Esope « le courtisant et le lion ». Mais comment jean de La fontaine à su faire de sa fable une imitation qui n’est pas un esclavage tout en gardant sont originalité et en faisant preuve de diversité ?