La fin du XVIème siècle est marquée par la fin du Moyen Age et par la naissance des temps modernes. L’école de la Renaissance caractérise cette époque, plaçant l’Homme face aux découvertes de nouveaux mondes ; l’Humanité est inquiète. Rabelais illustre cette période par des contes mettant en scène des géants.
Ici, le géant Gargantua est éduqué par Ponocrates, soignant son élève par les traitements médical et social : nous assistons à une éducation humaniste.
Nous nous interrogerons sur la recherche des propos humanistes dans les domaines :
- Religieux
- Physiques
- Intellectuels
I. Proposition humaniste pour une éducation religieuse
Deux passages dans le texte suscitent des impressions positives : plaisir, légèreté et compétence.
La légèreté
La légèreté apparaît dans la disposition des exercices avec « quelque pagine » : une pagine est un mot inventé composé d’un suffixe –ine chantant, créant ainsi une intimité avec la page, d’autant plus que le mot est précédé par le déterminant « quelque », qui, au singulier, signifie « une certaine », créant ainsi une impression de choix.
Le plaisir
Nous observons un champ lexical très positif nous indiquant le plaisir : « bon », « majesté », « merveilleux », « clémence »… nous sommes éloignés d’un Dieu représenté comme juge dans les cathédrales. C’est un champ lexical mélioratif de l’image de Dieu qui n’est plus un juge mais un sage accueillant. Par ailleurs, l’énumération de verbes à l’infinitif « révérer », « adorer », « prier », « supplier » crée un effet de redondance. Toute énumération de verbes d’action génère la vie, l’enthousiasme, le dynamisme.
La compétence
La compétence concerne ici les membres du clergé. Par exemple, étudions l’expression « un jeune page, natif de Basché, nommé Anagnostes » : Anagnostes est un nom grec, représentant ainsi la modernité. Jeune est ici perçu comme une qualité, et « jeune page » insiste sur cette pureté. Aucun aspect physique n’est mis en évidence ; le côté intellectuel est plus important. Nous avons des impressions diverses très positives sur la pureté, l’impression de communion, l’homonymie entre le page et la pagine… De plus, le lecteur est un page, non pas un clerc : par les mots « hautement », « clairement », nous voyons qu’il sert le texte et n’intervient pas.
L’esprit de renaissance réside dans l’ensemble de ces enseignements. Nous avons une impression de retour à l’origine. Ici, l’origine de la religion est la Bible ; un livre. Les propositions sont donc réformatrices. Nous pouvons également remarquer les non dits du texte, avec l’absence de rites religieux, de l’Eglise…
II. Proposition humaniste pour une éducation du corps
La gourmandise
Rabelais s’exprime davantage en médecin, développant un cours de diététique qualitativement par rapport aux aliments consommés : « la vertu, propriété, nature de tout ce qui leur était servi à table ». La discussion se développe, recherchant la complémentarité et l’équilibre.
Quantitativement, lors du dîner, nous avons à la ligne 118 : « tant en prenait que lui était besoin à soi d’entretenir (…) ce qu’est la vraie diète ».
Le médecin accorde aussi une grande importance à l’avant et à l’après du repas :
L’avant : « Mr l’Appétit venait ». Ici, nous avons une présentation élogieuse de l’appétit, et le désir du corps est respecté.
L’après : Le temps de digestion est respecté, que nous rencontrons deux fois dans ce texte.
L’hygiène
Le corps est enfin reconnu comme un lieu d’équilibre et non plus de pêchés ; il est mis en valeur. En effet, il est « peigné, testonné, accoutré et parfumé » (redondance) et « essuyé, frotté, changeait de chemise » : le corps est sublimé.
Par ailleurs, nous observons un souci d’équilibre entre le corps et l’esprit. Par exemple : « s’exerçant comme ils avaient les âmes auparavant exercées » ; nous avons ici affaire à l’expression « un esprit sain dans un corps sain ».
On note également un souci d’alternance le matin et l’après midi, et un dynamisme dans les activité, même avec un lever très matinal.
Le plaisir
Nous pouvons remarquer que les activités ne suivent pas de modules horaires fixes mais que le désir personnel est infiniment respecté : « ils cessaient la partie quand bon leur semblait », « ils cessaient de lire si bon semblait », « Mr l’Appétit venait » … Ainsi, tous les désirs du corps sont respectés.
III. L’apprentissage humaniste intellectuel
Globalement, nous pouvons distinguer deux disciplines générales : les lettres et les sciences d’observation, ce qui est déjà un grand signe de modernité.
L’apprentissage des lettres
Cet apprentissage procède en trois étapes :
- L’apprentissage de la lecture par de larges plages de temps : « par trois bonnes heures »
- L’importance de la mémorisation, que nous voyons par un vaste champ lexical de la mémoire : « répéter » trois fois, « disait par cœur », « réciter », « quelques sentences retenues »…
- La remise en question du texte : « fondait quelques cas pratiques concernant l’état humain », « toujours conférant des propos de lecture », « ils devisaient des leçons lues le matin » ; ici le verbe deviser a la sens de discuter avec humour.
Dans cet apprentissage, la connaissance n’est pas reçue passivement, mais elle a pour objectif de faire naître la réflexion et le raisonnement.
L’apprentissage des sciences
Les sciences sont caractérisées d’ «honnête savoir ». Nous observons une grande variété de sciences nouvelles, toutes découvertes non par la théorie mais par la pratique : « on apportait des cadres pour y apprendre invention nouvelle toutes issues de l’arithmétique », « au regard des instruments »…
Les sciences ont une place moins importante que la lecture à cause de la méfiance pour la théorie. En effet, à la fin du Moyen Age, des théories se sont révélées erronées.
Conclusion
Par ce texte, F. Rabelais a véritablement présenté un enseignement humaniste équilibré placé dans la modernité de l’époque. L’Humanisme est donc mis en avant, surtout par sa dimension critique. De plus, il s’agit ici d’un apprentissage et non d’un enseignement ; l’apprentissage place l’élève au cœur de son éducation.