Dans ce sujet, il s'agit d'articuler bonheur et plaisir. L'expression "une vie de plaisir" suggère naturellement une vie fondée sur la recherche du plaisir, une vie consacrée au plaisir. Mais elle laisse aussi le champ libre à d'autres interprétations, c'est pourquoi ce travail est un travail sur la place du plaisir dans la vie heureuse. Il faut rechercher les similitudes et les différences entre le plaisir et le bonheur, afin de voir comment ces deux notions sont liées.
[tp]1. Qu’est-ce qu’une vie de plaisir[/tp]
1.1. L’hédonisme et l’apologie du plaisir
L’hédonisme est la doctrine qui fait de la recherche du plaisir le bien souverain de l’homme. Il n’y a dès lors plus de différence entre bonheur et plaisir, le bonheur consistant à jouir du plus de plaisir possible tout en évitant le déplaisir et la souffrance. "Le plaisir est le principe et la fin de la vie heureuse" écrit Épicure. De fait, le plaisir est généralement le but de nos actions particulières. Il doit donc exister un lien fort entre le plaisir et le bonheur, puisque le bonheur est précisément défini comme le but de nos actes, de notre vie.
1.2. Les excès : plaisir et malheur
Nous trouvons du plaisir dans bien des actions et dans bien des comportements. Certains, reconnus comme provoquant de grands plaisirs, sont également reconnu comme néfastes et dangereux. C’est le cas de l’ivresse, des drogues, des excès de nourriture, etc. Si ponctuellement ces actes apportent une jouissance exceptionnelle, on s’accorde à dire qu’ils ne permettent pas le bonheur, car ils ne sont pas durables et mènent à la maladie et à la déchéance. Tout plaisir ne permet donc pas le bonheur.
1.3. Le choix dans les plaisirs
Il faut dès lors opérer une classification des plaisirs, tous ne devant pas être recherchés aussi activement. C’est ce que fait Épicure, qui distingue les plaisirs répondant au comblement d’un désir « naturel et nécessaire » des plaisirs non-nécessaires, qu’il faut négliger. « Quand donc nous disons que le plaisir est le but de la vie, nous ne parlons pas des plaisirs voluptueux et inquiets, ni de ceux qui consistent dans les jouissances déréglées. » écrit-il dans la Lettre à Ménécée. Le bonheur est donc dans la recherche du plaisir, mais de certains plaisirs seulement.
[tp]2. Le plaisir suffit-il au bonheur ?[/tp]
2.1. Caractère éphémère du plaisir
Pourtant, nombreux sont les philosophes à avoir rejeté le plaisir comme éphémère et inconsistant. Son caractère évanescent, ponctuel, le distinguerait par trop du bonheur, qui ne peut être que stable, qui existe toujours dans la durée. Le plaisir est fuyant parce que le monde matériel sensible est lui-même fuyant. « En ces choses point de repos : elles ne sont pas stables, elles s’écoulent (…) Qui peut les saisir, même quand elles sont présentes ? » dira Saint Augustin dans les Confessions.
2.2. Bien du corps, bien de l’âme
Ce n’est donc pas dans les biens matériels qu’il faut chercher le bonheur. Cicéron déjà affirmait qu’il fallait avant tout se préoccuper d’éduquer son âme. L’homme n’est pas qu’un corps, il est aussi esprit. Or la vie heureuse est vie de l’homme tout entier, accomplissement de l’homme dans toutes ses dimensions. C’est pourquoi il ne se satisfait pas des seuls biens matériels et donc des seuls plaisirs sensibles. En effet, l’esprit implique une intelligence qui exige la connaissance, et ce alors même qu’elle va souvent à l’encontre de son plaisir et de son bien-être. L’esprit, c’est aussi une conscience morale, qui exige parfois de sacrifier son propre plaisir. Le bonheur ne se limite donc pas au plaisir sensible, qui ne satisfait que le corps.
2.3. La recherche du plaisir
Pourtant nous avons vu à quel point le plaisir était un moteur de nos actions, combien il semblait proche du bonheur. De plus, nous n’imaginons pas une vie heureuse sans plaisir d’aucune sorte. Le bonheur est ce que tous recherchent, mais personne ne voudrait d’une vie privée de plaisir. Il faut donc parvenir à articuler plaisir et bonheur. Nous avons vu que la recherche du plaisir était insuffisante. Si le plaisir a quand même une place dans la vie heureuse, c’est donc sa recherche qu’il faut rejeter. La recherche du plaisir pour lui-même est la source des excès. Elle est ce qui dissocie plaisir et bonheur : en ne recherchant que le plaisir – le plus souvent sensible, on ne prend pas en compte toute la personne humaine.
[tp]3. Le sens du plaisir[/tp]
3.1. Le plaisir, signe du bon
Quelle est donc la place du plaisir, s’il ne doit pas être recherché pour lui-même ? Il faut découvrir le sens du plaisir. Le plaisir est le signe du bon. « Le plaisir ou la volupté est […] l’apparition, la sensation de ce qui est bon » dit Hobbes. Il n’est pas le bon lui-même, c’est pourquoi il ne faut pas se limiter à rechercher le seul plaisir. Cela ne signifie pas non plus que tout plaisir indique un véritable bien, mais que le bien est presque toujours accompagné de plaisir.
3.2. Vertu et plaisir
Ainsi, lorsque nous faisons le bien, nous avons au moins la satisfaction de l’avoir fait, et cela nous cause un plaisir d’autant plus grand qu’il a fallu renoncer à d’autres plaisirs pour le faire. L’acte vertueux s’accompagne de plaisir. Cela ne veut pas dire qu’en agissant bien nous ne recherchons que notre propre plaisir, ce qui réduirait toute action à un calcul égoïste. Cela signifie au contraire que lorsque nous faisons le bien, nous en tirons un légitime plaisir. La raison en est que l’acte bon, l’acte vertueux n’est rien d’autre que l’acte qui nous perfectionne, qui nous rend meilleur. « Le plaisir achève l’acte […] comme une sorte de fin survenue par surcroit » (Aristote, Éthique à Nicomaque).
3.3. Plaisir et vie heureuse
Le plaisir a donc toute sa place dans la vie heureuse. En effet, la vie heureuse ne peut être autre chose qu’une vie vertueuse, dans la mesure où la vertu nous fait agir conformément à ce que nous sommes et nous perfectionne. Le paradoxe du plaisir est qu’il sera ressenti d’autant plus lorsqu’il ne sera pas cherché pour lui-même. Dans cette perspective en effet, le comblement d’un désir provoque non seulement un plaisir éphémère et bref, mais il accroit encore le désir. C’est ainsi que l’homme se perd, recherchant une impossible satisfaction dans les biens sensibles. Au contraire lorsque l’on recherche pour lui-même le bien, le plaisir adviendra « par surcroit », « en plus », et sera d’autant plus agréable. De même dans l’ordre de l’intelligence, l’atteinte de la vérité provoquera un plaisir intellectuel qui peut s’avérer supérieur à bien des plaisirs sensibles. La vie heureuse est la vie de plaisir par excellence, et cependant elle ne s’y limite pas.