Accomplir tous ses désirs est-ce une bonne règle de vie ?

Mon professeur m'a dit qu'il y avait de bonnes idées. Corrigé qui reprend le précédent et le complète, avec trois parties au lieu de deux. Note obtenue: 14/20.

Dernière mise à jour : 09/09/2021 • Proposé par: sarah47 (élève)

Dans une vie il y a plusieurs contraintes liées aux désirs. Principalement, celle de ne pas pouvoir acquérir ce que l’on désire véritablement, mais aussi celle de l’obtenir. Notre relation et surtout notre dépendance au désir sont alors assez ambiguës. Car, si le désir non assouvi provoque un manque, une souffrance et une frustration liée à l’insatisfaction, l’accomplissement du désir est aussi une tragédie puisque, assouvi, il laisse sa place à un nouveau désir qui engendre la même insatisfaction. Il est donc intéressant de se demander si accomplir tous ces désirs est une bonne règle de vie. Le problème, cependant est que l’on voit mal comment un tel principe pourrait être érigée en règle de vie. L’accomplissement de tous les désirs, induit une surabondance du désir, un chaos, incompatible avec la notion même de règle. Il s'agit alors de savoir si pour être heureux et moral il faut admettre le précepte, de satisfaire tous ses désirs sans exception ou si, au contraire, il convient de maîtriser certains d'entre eux, voire renoncer totalement à la satisfaction de certains désirs.

Dans un premier temps nous définirons la valeur du désir qui détermine la condition humaine et devient alors moteur de vie et créateur de valeurs. Pour ensuite aborder le désir comme obstacle au bonheur puisque celui- ci est infini. Et enfin étudier la manière dont les envies futiles et vaines, sont une opposition à la morale.

I. Valeur du désir

1) Définition du désir

Pour comprendre la valeur du désir, il nous faut d'abord déterminer ce qu'il en est, ce qui nous permettra ensuite de préciser pourquoi il semble bien que nous devons le satisfaire. Le désir est une tendance particulière à vouloir obtenir quelque chose que l'on sait être source de satisfaction afin d’apaiser un besoin, une envie. De plus on ne désire uniquement ce que l’on ne possède pas, ainsi le désir s'accompagne donc du sentiment d'un manque, d'une privation. Pour peu que l'objet de notre désir soit difficilement accessible, ce sentiment de manque peut devenir réelle souffrance, douleur. On comprend, dans ces conditions, que satisfaire ses désirs c'est mettre fin à cette souffrance, voire créer une source de plaisir. Or, tel que l’affirme Kant, l'une des destinations à laquelle la nature a voué l'homme est le bonheur. On a donc l'impression que satisfaire ses désirs c'est répondre à cette destination, à condition que le bonheur se limite à certains plaisirs.

2) Désir et condition humaine

Il faut souligner que seul l'homme désire. Car, Dieu, dans sa perfection, ne manque de rien et ne saurait désirer, quant à l'animal, il ne désire pas mais reste cantonné au besoin. Et le désir n'est pas le besoin puisque celui-ci est vital et ne pas le satisfaire conduit à la mort. L'animal, parce qu'il répond à ses instincts, vise à satisfaire ses propres besoins qui sont ceux de la survit de l'espèce. Seul l'homme est mu par le désir. Or, justement, le désir n'est pas seulement corporel, il existe aussi des désirs intellectuels. La philosophie est elle-même désir, désir de connaissance et de savoir ainsi elle ne saurait alors absolument le condamner.

3) Le désir comme moteur de vie et comme créateur de valeurs

De ce fait, on peut même définir l'homme par le désir, comme le déclare l'épistémologue Gaston Bachelard « L’homme est création du désir. » Car accomplir ses désirs consiste à rechercher l'utile qui nous est propre. Le bon se définit d'ailleurs comme ce qui est l'objet de nos désirs. Quelque chose est bon parce que nous le désirons, le désir apparaît alors comme producteur de valeurs. Mais, on pourraient se demander si justement, tous nos désirs proviennent-ils de nous-mêmes ? Et si satisfaire tous ses désirs contribue-t-il réellement à notre bonheur ?

II. Le désir comme obstacle au bonheur

1) L’infini du désir

D’autre part, il nous faut revenir à l'expression « accomplir tous ses désirs ». Accomplir tous ses désirs serait les satisfaire sans exception, sans relâche, au fur et à mesure qu'ils apparaissent. Or ne s'agit-il pas là d'un processus sans fin ?

Nous pouvons donc comparer le désir au tonneau des Danaïdes. Selon la mythologie, les Danaïdes ont été condamnées à remplir d'eau un tonneau percé. De la même façon que le tonneau ne sera jamais rempli, le désir n'est jamais satisfait. À peine accompli, il renaît car de la satisfaction passée naît le regret qui est nouveau désir, en ce sens, accomplir tous ses désirs n'est nullement une recette de bonheur. Celui qui choisirait cette règle de vie serait sans cesse en quête, jamais satisfait ce qui ferai obstacle à l’ataraxie que prônent tous les Epicuriens. Le bonheur ne serait le résultat de satisfaction de tous les désirs car cette satisfaction complète et totale n'existe pas.

2) Renoncer à tous ses désirs

Il est alors important de savoir si l’homme doit alors renoncer à tous ses désirs. Le désir est une puissance aveugle de vie, sans fondement et surtout sans finalité. L'homme est un jouet inconscient de ce qui l'anime, il est esclaves de son vouloir vivre. On peut donc affirmer, que l'homme est asservi par le désir et oscille entre la souffrance (quand le désir est encore insatisfait) et l'ennui (après la satisfaction). La souffrance est alors notre condition et la morale va alors être une morale du renoncement. Donc la seule délivrance est la négation du vouloir vivre, non pas dans le suicide, mais dans l'acte de non volonté. Il faut renoncer au désir qui est le mal, en refusant les biens de ce monde.

Mais cette solution est elle réellement efficace. Car rien ne peut vaincre la volonté, même la mort ne supprime rien. De plus, si satisfaire tous ses désirs n'est pas une bonne règle de vie, l'alternative est-elle vraiment de n'en satisfaire aucun ?

3) Renoncer à certains désirs

La sagesse antique, dans sa recherche du bonheur, est moins radicale. Qui dit « règle » suppose « limite à ne pas franchir » et cela suppose d'introduire une norme. La position stoïcienne permet de distinguer ce qui dépend de nous de ce qui n'en dépend pas. Il faut, non pas accomplir tous ses désirs, mais restreindre nos désirs. Il s'agit, au fond, de n'avoir que des désirs raisonnables. Réaliser tous ses désirs est alors une bonne règle de vie mais à condition de régler le désir lui-même, de ne désirer que ce qui est possible.

Pour Épicure, nul désir n'est condamnable tant qu’il donne du plaisir, en revanche aucun désir qui conduit à la douleur ne doit être accompli. Ainsi, satisfaire tous ses désirs, sans maîtrise, n'est pas une bonne règle de vie au sens où cela ne conduit pas au bonheur. Mais la vie bonne n'est pas seulement la vie heureuse, c'est aussi la vie juste, conforme à la morale.

III. Le désir comme obstacle à la morale

1) Que serait un monde où chacun accomplirait ses désirs ?

Il est évident qu’une société où chacun accomplirait tous ses désirs serai alors assez complexe. Car agir selon ses désirs n'est pas agir selon sa volonté car cela suppose la mise en œuvre de la raison. Le désir, en revanche, est singulier, propre à celui qui l'éprouve. Par exemple, si je désire le bien d'autrui, cela ne signifie pas que celui-ci désire me le donner. De ce fait une vie n'est pas compatible avec la satisfaction totale des désirs.

On peut aller jusqu'à affirmer que le désir est toujours fondamentalement désir de l'autre. Dès qu'un bien est possédé par tous il n'intéresse plus personne et le désir se porte sur autre chose. Nous désirons ce que désire l'autre parce que son désir rend la chose désirable. Le désir apparaît alors fondamentalement comme désir de reconnaissance. Mais alors la satisfaction de tous nos désirs n’est pas compatible avec la morale.

2) Désir et vertu

L’homme n’est pas libre de ses désirs (ils surgissent sans que l’on sache d'où ils viennent) et on peut donc considérer qu'il n'est pas libre.
Dans le Phèdre, Platon compare notre âme à un attelage tiré par deux chevaux, un cheval symbolisant le bon et un autre qui représente la partie désirante de l'âme. Le bon attelage est celui où le cocher (la raison) parvient à maîtriser les deux chevaux. Cela ne signifie pas qu'il faille renoncer à tous ses désirs puisque le « mauvais » cheval aussi fait avancer l'attelage. Cela signifie simplement qu'il faut maîtriser ses désirs. L'alternative ne se situe pas entre satisfaire tous ses désirs ou n'en satisfaire aucun mais entre se laisser tout entier diriger par ses désirs ou les canaliser. Dominé par la raison, le désir devient positif puisque, la philosophie aussi est désir.

3) Désir et devoir

Il n'en reste pas moins que le devoir est étranger au désir. Seul est moral celui dont la volonté est bonne et qui agit en fonction. Cela ne signifie pas que le désir soit mauvais. En réalité, il n'est ni bon ni mauvais, la morale se situe simplement ailleurs. Si la satisfaction de certains désirs peut conduire au bonheur, le but de l'homme n'est pas seulement le bonheur. Ainsi, « satisfaire tous ses désirs » n'est pas « une bonne règle de vie » au sens où une bonne règle de vie est morale.
Il n'empêche que, puisque la destination humaine est double (morale et bonheur), renoncer aux désirs lorsqu'il n'est pas contraire à la morale est aussi une mauvaise règle de vie.

Conclusion

Combler tous ses désirs n'est pas une bonne règle de vie et ceci aussi bien en ce qui concerne la question du bonheur que celle de la morale. Mais cela ne signifie pas qu'il faudrait renoncer à tous nos désirs dans une morale inhumaine. Le désir est à la fois puissance de transformation et de destruction et c'est à nous de savoir en rester le maître. La frustration permet aussi l’existence morale où l'homme est partagé entre ses désirs et les règles qu'il s'impose. On peut d'ailleurs se demander si en l'absence de règle le désir subsisterait puisque il semble n'avoir d'intensité qu'en fonction des obstacles et des interdits qu'il rencontre.